Accompagnement
Je marche à côté d’une joie
D’une joie qui n’est pas à moi
D’une joie à moi que je ne puis pas prendre
Je marche à côté de moi en joie
J’entends mon pas en joie qui marche à côté de moi
Mais je ne puis changer de place sur le trottoir
Je ne puis pas mettre mes pieds dans ces pas-là
et dire voilà c’est moi
Je me contente pour le moment de cette compagnie
Mais je machine en secret des échanges
Par toutes sortes d’opération, des alchimies
Par des transfusions de sang
Des déménagements d’atomes
par des jeux d’équilibre
Afin qu’un jour, transposé,
Je sois porté par la danse de ces pas de joie
Avec le bruit décroissant de mon pas à côté de moi
Avec la perte de mon pas perdu
s’étiolant à ma gauche
Sous les pieds d’un étranger
qui prend une rue transversale
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Je ne suis pas bien du tout assis sur cette chaise
Et mon pire malaise est un fauteuil où l'on reste
Immanquablement je m'endors et j'y meurs.
Mai laisser-moi traverser le torrent sur les roches
Par bonds quitter cette chose pour celle-là
Je trouve l'équilibre impondérable entre les deux
C'est là sans appui que e repose.
La vie la mort sur deux collines
Deux collines quatre versants
Les fleurs sauvages sur deux versants
L'ombre sauvage sur deux versants.
Des navires bercés dans un port
Des bercements avec des souvenirs de voyage
Puis on trouve seuls les souvenirs errants
qui reviennent et ne retrouvent pas le port
Souvenirs sans port d'attache
Trouvent le port déserté
Un grand lieu vide sans vaisseaux.
La grande voix du vent
La grande voix du vent
Toute une voix confuse au loin
Puis qui grandit en s'approchant,
Devient
Cette voix-ci, cette voix-là
De cet arbre et de cet autre
Et continue et redevient
Une grande voix confuse au loin
Baigneuse
A! le matin dans mes yeux sur la mer
Une claire baigneuse a ramassé sur elle
toute la lumière du paysage
Il ne s’agit pas exactement de choisir entre un lieu ou un autre : tous se valent. Il s’agit plutôt de trouver un appui, c’est-à-dire un centre, quelque chose de solide dans un univers trouble et instable, un lieu habitable en soi comme hors de soi, d’où rayonner ensuite, à l’instar du soleil, centre et chaleur de son système.
Portrait
C’est un drôle d’enfant
C’est un oiseau
Il n’est plus là
Il s’agit de le trouver
De le chercher
Quand il est là
Il s’agit de ne pas lui faire peur
C’est un oiseau
C’est un colimaçon
Il ne regarde que pour vous embrasser
Autrement il ne sait pas quoi faire
avec ses yeux
Où les poser
Il les tracasse comme un paysan sa casquette
Il lui faut aller vers vous
Et quand il s’arrête
Et s’il arrive
Il n’est plus là
Alors il faut le voir venir
Et l’aimer durant son voyage.
Les ormes
Dans les champs
Calmes parasols
Sveltes, dans une tranquille élégance
Les ormes sont seuls ou par petites familles.
Les ormes calmes font de l'ombre
Pour les vaches et les chevaux
Qui les entourent à midi.
Ils ne parlent pas
Je ne les ai pas entendus chanter.
Ils sont simples
Ils font de l'ombre légère
Bonnement
Pour les bêtes.
Rivière de mes yeux
Ô mes yeux ce matin grands comme des rivières
Ô l'onde de mes yeux prêts à tout refléter
Et cette fraîcheur sous mes paupières
Extraordinaire
Tout alentour des images que je vois
Comme un ruisseau rafraîchit l'Île
Et comme l'onde fluente entoure
La baigneuse ensoleillée.