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Critique de nadejda


Incipit : Juan -- Juanito, comme l'appelait autrefois les voix du village qui n'existent plus -- attend.
Assis sur la vieille chaise en bois d'un bleu décoloré, un peu bancale -- la chaise --, et un peu aveugle -- lui.
"Plus personne ne vient ici.... Il ne reste que moi, Juan Orozco del Romero, mais je ne compte pas : je suis plus une ombre qu'un homme ..." p 53

Juan est âgé, il est seul, il attend ceux qui vont emprunter "le seul accès possible à sa vieille maison, le chemin qui mène à la géographie de son enfance...", ceux qui vont venir le dépouiller, lui enlever cette maison et tous les souvenirs qui y sont liés. Il est le dernier d'un village isolé.
"Vous vous demandez en râlant pourquoi cette résistance, pourquoi je m'accroche à ce bout de désert qui nous entoure. C'est normal, vous êtes des étrangers sur cette terre habitée par mes souvenirs."
Ses souvenirs, c'est tout ce qui reste à cet homme qui ne sait même plus quel âge il a puisque tous les registres de l'état civil ont disparu durant la guerre et que sa mère est morte à sa naissance : " elle seule aurait eu la patience de faire le décompte de mes années et de les fêter."

Mais de ses souvenirs il y en a un plus précieux que les autres, celui de son premier amour. Elle s'appelait Clio, elle est arrivée à l'époque des vacances comme tous les "rapatriés temporaires", espagnols qui avaient essaimé dans toute l'Europe au cours des années cinquante et soixante et dont le retour faisait rêver ceux qui étaient restés.
Clio va lui apprendre un peu "sa moitié de langue" dans un petit livre à couverture bleue dont elle ne se séparait jamais qui avait pour titre "Les Pigeons de Paris".
Clio va lui permettre de s'enfuir, de "vivre d'autres vies à travers elle". A la fin de l'été, après avoir échanger un baiser inoubliable, elle va s'en aller et ne jamais revenir au village.
"Tout le monde les oublia ; moi aussi je feignais de les oublier. Mais tous les ans, quand les oiseaux migratoires traversaient l'espace en direction de l'ouest, une pluie de plumes tombait doucement du ciel et je les caressais en pensant aux pigeons de Paris, à ce dernier baiser dont Clio m'avait gratifié en cachette dans un recoin de la maison, comme si elle savait plus de choses que moi, des choses qui n'étaient pas encore arrivées... p 43
De ces choses qui vont arriver je ne dirais rien. Il faut lire ce beau petit livre dont je regrette que la couverture ne soit pas bleue comme celle du livre de Clio. J'ai découvert Victor del Arbol avec la lecture de cette émouvante nouvelle et je me suis lancée juste après dans la lecture de "Toutes les vagues de l'océan" passant ainsi à l'un de ces gros romans dont il a l'habitude. Je l'ai dévoré mais je garderai comme Juan, un faible pour "Les pigeons voyageurs" qui m'ont offert avec simplicité et sincérité le trésor de ses souvenirs, un trésor à protéger, qui permet de rester, envers et contre tout, un être humain.
"Tout est une métaphore de quelque chose, si nous laissons de la place à l'irréel, si nous nous éloignons suffisamment pour que les mots soient d'abord des images et ensuite du silence."
C'est l'une des grandes qualités de ce petit texte. Il laisse place au silence.

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