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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Je reçus une gifle. » C'est la 1ère phrase du roman de Shohei Ooka. C'est aussi ce que ressens le lecteur qui arrive à la fin des « feux ».

« Les feux » n'est pas un roman de guerre comme les autres. D'ailleurs peut-on vraiment le qualifier de roman de guerre. Les combats ne sont pas au coeur de l'intrigue. Il faut dire que le récit prend comme contexte la déroute de l'armée japonaise dans les Philippines après la défaite de Leyte en 44. Il y a très peu d'action dans « les feux », le roman est assez contemplatif et, en adéquation avec ce que vit son personnage principal, ressemble à une errance. Très inspiré de ses souvenirs personnels, Ooka livre un roman très singulier, étrangement poignant.

« Les feux » offre une lecture très particulière. C'est une expérience très sensorielle. Si parfois Tamura pense, réfléchit, la plupart du temps il n'est qu'un corps, quasiment réduit à une forme d'animalité. Il s'agit ici de survivre, et dans des conditions extrêmes la survie de l'esprit est conditionnée par la survie du corps. La faim, terrible, intense, qui creuse les joues et le ventre, qui conduit à la folie, est le véritable ennemi, la principale préoccupation.
Tout au long du roman, il est beaucoup question des corps, des sensations physiques. D'ailleurs, l'auteur utilise énormément les mots relatifs aux sens : voir, entendre, sentir… S'il place le corps, dans tous ses aspects même les plus triviaux, au centre du récit, « les feux » est un roman qui a du coeur et de l'esprit. En parlant des corps, celui de Tamura, mais aussi ceux des autres, morts ou mourants, Ooka parvient à parler de l'âme humaine.

Le lecteur est amené à réfléchir, notamment à s'interroger sur la responsabilité individuelle dans un fait collectif. S'il n'apporte pas de réponse, Ooka pose la problématique de façon brillante. Mais si l'intellect du lecteur est stimulé, le roman touche d'abord au coeur et aux tripes. On est constamment collé aux basques de Tamura, on ne le quitte jamais, partageant son errance, sa solitude, ses souffrances. le premier sentiment qu'éprouve le lecteur c'est la compassion la plus entière. Face à tant de douleurs et de souffrances, on pardonne tout à Tamura, même le pire.

« Les feux » est plus qu'un roman qui traite de la 2nde Guerre Mondiale vue du côté des japonais, « les feux » est un roman au propos universel. C'est de toutes les guerres qu'il est question. Qu'il soit du « bon » ou du « mauvais » côté, vainqueur ou vaincu, le soldat est un soldat, un Homme confronté au pire de l'Homme, confronté au pire de lui-même aussi.

Je remercie Babelio et les éditions Autrement pour m'avoir permis, dans le cadre de la masse critique, de découvrir une oeuvre si puissante. « Les feux se hisse au niveau des plus grandes oeuvres antimilitaristes.

Tout bien réfléchi, « les feux » n'est pas un roman qui fout une claque, c'est un roman qui saisit le lecteur et, petit à petit, resserre son étreinte de plus en plus fort, jusqu'à l'oppresser, le faire suffoquer. C'est encore plus fort qu'une gifle.
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Tamura n'est qu'un simple soldat, engagé dans un conflit perdu d'avance, dans une guerre qu'il ne comprend même pas. Il se demande pourquoi il se retrouve au milieu de cette jungle philippine. La fin de la seconde guerre mondiale est proche, les forces japonaises sont en déroute sur ces îles philippines. Atteint du béribéri, Tamura est rejeté de sa compagnie. Ses chefs le somment de rejoindre l'hôpital militaire basé sur cette île et l'interdisent formellement de revenir au sein de sa compagnie. Sans nourriture à proposer, Tamura est tout simplement rejeté de l'hôpital. Il se retrouve donc abandonner, seul sur cette île. Il devra errer à la recherche de compagnons de (in)fortune, à la recherche de quelques misérables victuailles pour survivre. Une quête va débuter pour ce simple soldat : celle de l'humain fermement décidé à survivre dans un environnement hostile, celle d'un jeune homme inéluctablement marqué à tout jamais par toutes les horreurs d'une guerre qui posent un cruel dilemme ; vaut-il mieux survire ou mourir en ces lieux si sombres, si miséreux ?

Ce roman de Shôhei Ôoka a longuement « traîné » au milieu de ma bibliothèque. Une impulsion indéfinissable m'avait poussé à acquérir ce livre, mais une fois en ma possession, j'ai pris mon temps avant d'oser l'ouvrir. Une peur m'avait envahi, celle de trouver une histoire trop réfléchie, trop cruelle, trop « crue ». Il m'aura fallu plus d'un an pour trouver le courage de m'investir dans les mémoires de ce jeune Tamura. A la fin de ce roman, je comprends mieux la bivalence de mes sentiments : attrait et répulsion, tel est la dualité de mon esprit à ce moment-là.

Le drame de Tamura est celui d'être né Homme. L'humanité, dans toute son horreur, est présentée ici de manière extrêmement cruelle. Rien ne sera épargné au lecteur, mais après tout, qu'est-ce que la guerre ? le massacre d'êtres humains, les charniers au détour d'une colline, la faim, la soif, la solitude, la peur : les images sont fortes et extrêmes, les odeurs sont puissantes et tenaces. Bien que présentes dans l'esprit de ce jeune soldat, les hallucinations ont ce côté « imaginaire », mais est-ce réellement des hallucinations ? Il a peur de mourir, mais encore plus peur de vivre et de découvrir toutes ces horreurs.

Jamais un roman m'avait autant bouleversé. Je ne suis pas loin de la nausée, le coeur bien accroché à mon estomac, prêt à rendre toute la bile qui me reste. La guerre est certes une tragédie, mais ce roman l'est bien plus. Il s'enfonce encore plus loin dans les réflexions sombres sur l'âme humaine, à savoir le cannibalisme. Voilà, le mot est lâché... Dois-je me sentir soulager d'en parler ? L'Homme est barbare et la survie de chaque individualité l'est encore plus. Au nom de quoi ? au nom d'une guerre orchestrée par quelques puissants et au détriment d'un peuple...
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Ce livre est d'une puissance inégalée pour dénoncer la guerre.

C'est un livre extrêmement dur. Très court, une écriture puissante. Sa lecture est difficile de par la cruauté des faits.

Pas vraiment de héros mais des êtres humains confrontés aux pires atrocités.
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Ce roman traite du sort des soldats japonais pendant la seconde guerre mondiale, abandonnés sur une île des Philippines après la bataille de Leyte fin 1944. Ces soldats se retrouvent sans perspectives de renforts et sans aide du commandement impérial. Certains de ces hommes seront contraints au cannibalisme (anthropophagie plutôt) pour survivre.



On trouve un aspect historique à ce roman ( dont une part est autobiographique) concernant les horreurs de la guerre, mais aussi une dimension morale, humaniste d'un homme qui affronte la folie et la barbarie

Aspect historique : le déroulement se situe pendant la guerre du Pacifique, après la défaite de Leyte, dans les Philippines, (dura du 17 octobre 1944 au 31 décembre 1944 ) la chute des forces impériales japonaises. Nous sommes en plein dans la déroute des forces japonaises. Sans aucun secours médical, support logistique, et sous un commandement qui cherche surtout à garder en vie les hommes encore valides ("On n'a pas de quoi nourrir les bouches inutiles. Retourne à l'hôpital. S'ils ne te laissent pas entrer (...) Et s'ils s'entêtent à ne pas vouloir de toi... Alors, crève ! C'est le dernier service que tu peux rendre à la nation" ). Ils cherchent alors à regagner Palompon pour se regrouper et se faire rapatrier. Mais la route est coupée par les forces Américaines. Devant faire face également aux Philippins (qui ont soif de vengeance face aux exactions commises contre les populations), ils se cachent pour survivre. Ils vont alors en venir aux pires extrémités, des actes horribles afin de survivre.

Aspect humain et psychologique :

Le narrateur se nomme Tamura, c'est un soldat de première classe, intellectuel dans le civil. Son récit sera celui de la tragédie des soldats en déroute, isolé dans la jungle.

On suit alors Tamara qui effectue une plongée vertigineuse dans la folie et dans les tréfonds de l'âme humaine. le déclencheur est la rumeur des soldats de Guadalcanal qui ont mangé de la chair humaine, cela déclenche la curiosité de Tamara : est-ce la réalité ? Son subconscient combat cette idée. Après le meurtre de la jeune philippine, qui peut être considéré comme un crime de guerre, il s'enfonce dans la culpabilité cachant son acte, se sentant observé par l'âme errante de la victime. Est-il effectivement un élu ayant le pouvoir de vie ou de mort ?

Isolé, pas complètement car il y a dieu et/ou sa conscience qui sont présents d'abord sous la forme d'un croix surplombant la plaine, d'une église dont les marches sont remplis de cadavres. Puis un fou sur le point de mourir lui offre la faveur de manger son bras amaigri - "faveur qui agissait comme un interdit sur son estomac affamé", puis l'image de ce bras "Il me rappela le bras tendu de Jésus crucifié que j'avais vu dans le village au bord de la mer". Dans cannibalisme on distingue un geste de désir naturel ou pas ? Un acte de communion "Ce­lui qui mange Ma chair et boit mon sang demeure en Moi et Moi en lui.". Il ne pourra manger le bras du fou, mais par contre sans trouver de culpabilité boira le sang des sangsues et arrivera à manger du singe et de sa chair blessé. Il restera une part d'inconnue ayant perdu partiellement sa mémoire...Dans l'exergue du roman une citation "Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort" le psaume 23:4 de david .... dont la fin n'est pas écrite "mais je ne crains aucun mal, car tu es avec moi" .



Une adaptation cinématographique a été effectuée "Fires on the Plain"/ "Feux dans la plaine" de Ichikawa Kon (1959). Une autre version est présente à la biennale de Venise 2014 sous le même titre Nobi (Fires on the Plain), version couleur et surement plus sanglante que celle de Kon Ichikawa. Cette dernière version est réalisée par Shinya TSUKAMOTO (qui a réalisé Tetsuo, Tokyo fist)

J'avais déjà rencontré des récits sur les horreurs de la guerre sur l'île de Leyte pendant la guerre des Philippines dans le roman Les pierres de Hiraku Okuizumi, qui traitait également de la folie d'un homme.

Pour finir "Les feux" sont pour moi une oeuvre admirable, un récit sur le mal à l'état brut, l'homme face à des extrémités inhumaines pour survivre le menant à la folie. Une lecture éprouvante ....
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Tamura est un soldat japonais qui erre sur une petite île des Philippines pendant la seconde guerre mondiale. Son chef le gifle parce qu'il n'est pas resté comme prévu à l'hôpital pour soigner sa tuberculose. Tamura avait reçu cinq jours de nourriture pour avoir le droit de séjourner à l'hôpital. Là-bas, le personnel lui a pris une partie de ses vivres, puis expulsé parce qu'il n'avait plus rien à manger. La règle est simple, pour rester il faut avoir à manger.
Tamura ne dit rien de tout cela à son chef, il obéit en soldat et s'en retourne. Il se sent libre car sa compagnie ne veut plus de lui. Mais il est condamné à mourir de faim.
Résigné, il n'a plus peur et ressent avec force la nature environnante : la forme des collines, la densité de la forêt, le vent des plaines. Devenant faible, la limite entre la vie et la mort devient ténue. Il observe avec détachement la violence de la guerre, toujours vigilant pour sa survie.
Les expériences de toutes sortes, de plus en plus extrêmes, s'enchainent au rythme de courts chapitres, ce qui aide pour reprendre son souffle tant la tension est forte. Ôoka a puisé dans ses propres souvenirs pour cette histoire, ce qui donne un prix encore plus élevé à ce roman singulier.
La fin du roman dénonce avec courage l'absurdité de la guerre, les arrangements avec ses désastres.
Lien : http://objectif-livre.over-b..
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Poignant et effroyable témoignage sur les horreurs de la guerre, sur la survie des hommes et leur capacité à faire face à la faim qui les tiraille, à l'abandon, à la solitude, à la maladie.
Comment lutter justement, comment ne pas sombrer soi-même dans l'horreur face à la détresse ... quel choix aurions-nous fait nous-mêmes ?
Les soldats en déperdition souffrent physiquement et psychologiquement, sont livrés à eux-mêmes et quand ils deviennent inaptes car blessés ou malades, voici ce que leurs supérieurs leur suggèrent :
« Alors, crève ! Ce n'est pas pour rien qu'on vous a donné des grenades. C'est le dernier service que tu peux rendre à la nation ».
Le personnage de Tamura, le narrateur de ce témoignage, est grand, touchant.
Sa réflexion sur la guerre, la vie, la mort, le fait de donner la mort est profonde et, de mon point de vue, si juste.





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Voilà certainement l'un des livres les plus puissants que j'ai lus, tous genres confondus.

Si il existe de multiples récits et ouvrages sur la Bataille du Pacifique, il reste relativement rare d'en trouver un sur la perspective japonaise sous nos latitudes, mais celui-ci suffit à tout le reste.
L'auteur a beau avoir dit tout au long de sa vie qu'il avait écrit une fiction, tout dedans y trahit la vérité pure, celle vue et ressentie. Ce qui est fascinant dans cette plongée en enfer, c'est qu'il n'y a pas de bien ou de mal, il n'y a même pas presque pas de guerre, juste la folie et l'instinct de survie qui aveugle tout. C'est une plaidoirie pour la paix qui n'argumente ni ne dénonce, mais se contente de montrer la réalité nue dans toute son atrocité.

A lire absolument, un très grand roman qui mériterait d'être redécouvert.
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Et voici un nouveau roman sur la guerre bouleversant, effrayant et si révoltant. Et pourtant, parler seulement de roman de guerre serait limiter le talent immense de Shôhei Ôoka qui avec ce roman qui m'a emmené à différentes reprises nous pousse à revoir ses limites de la mort et de la préciosité d'une vie humaine. En effet, ce roman parle d'une âme errante qui doit mourir sur cette île philippienne, abandonnée par son armée en manque de vivre et son hôpital surchargé. Alors Tamura erre dans l'île sans savoir vraiment où aller : il suit son instinct qui le dirige vers les feux de camps et les églises. Mais celui-ci est persuadé qu'il va mourir et sa perception du risque et des décisions à prendre sont alors très différentes. Enfin, à travers ce personnage complexe et si intéressant, Ôoka nous montre à quel point cette 2nd guerre mondiale a détruit des âmes avec la totale perte de collectivité, la montée de l'égoïsme, du vice et de l'envie qui poussent au cannibalisme. Et puis ces soldats sont seuls et le resteront sûrement pour toujours... Des âmes détraquées qui viennent pourtant remettre en question notre perception de la mort, voici un des grands sujets de ce roman incroyable qui révoltera chaque partie de votre corps ! un véritable chef-d'oeuvre sur la guerre !
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