Brigitte Delluc

Les Cro-Magnons, des hommes modernes.

(...) Les enfants meurent souvent en bas âge (c'était vrai encore au XIXe siècle), avec un maximum vers 2 ans, lâge du sevrage, tardif, progressif mais non sans danger : on ne passe pas si facilement du sein maternel au rôti de renne dans l'abri familial. Ces enfants jouaient un rôle non négligeable. Il leur arrive de faire des incursions dans les grottes profondes en Ariège. Ils ont peut-être des jouets (des bâtons percés miniatures à La Garenne ou une poupée articulée il y a 22 000 ans à Brno, en Tchéquie). Ils sont parfois enterrés avec leur mère (abri Pataud*, Cro-Magnon), sans doute à la suite d'un drame obstétrical, ou, plus grands, dans quelques cas, en grande pompe dans une sépulture.

* Site préhistorique qui se trouve au cœur du village des Eyzies-de-Tayac en Dordogne.

Nous n'avons pas le monopole des maladies. Les Cro-Magnons, comme tout le monde, connaissent des petites misères : l'arthrose, la scoliose, l'hallux valgus (le gros orteil en "oignon") et, surtout chez les hommes, des fractures.
Les ennuis dentaires, eux aussi, ne datent pas d'hier. Comme ses prédécesseurs, Cro-magnon a mal aux dents : ici une dent surnuméraire infectée, là de nombreuses infections gingivales par manque d'hygiène, aboutissant à la chute des dents. Ils ne se nettoient sans doute pas les dents avec un petit bout de bois comme le font les Africains encore aujourd'hui. Mais ils ne souffrent jamais de carie, car l'alimentation est coriace, sans sucres rapides ni purées. Les dents pourtant s'usent vite car on ne fait pas trop attention au sable qui se glisse dans la nourriture.

L'auteur des Antimémoires décrit, de façon héroïque, une cache d'armes à Lascaux en 1944 : « Sur des parachutes rouges et bleus étendus, reposaient des caisses et des caisses : semblables à deux animaux d'une ère future, deux mitrailleuses, sur leur trépied comme des chats égyptiens sur leurs pattes de devant, veillaient sur elles. Sur la voûte couverte d'une sorte de salpêtre, les animaux sombres et magnifiques couraient, emportés par le mouvement de nos ronds de lumière, comme une fuite d'emblèmes. Sans doute les ombres des chasseurs de bisons étaient-elles jadis celles de géants, lorsque les projetait la flamme des torches de résine... «(Malraux, 1972.)

... [...] Maladie verte : Lascaux, caverne close balayée par de lents courants d'air, était, en 1940, mise brusquement en contact avec l'air extérieur. L'exploitation touristique de la cavité, à partir de 1948, y fit entrer, en une quinzaine d'années, plus d'un million de visiteurs. Après l'inauguration, des mousses et des petites fougères poussaient au voisinage des projecteurs du sol : il fallut les hausser et nettoyer les murs. Des Montignacois, dont M. Ravidat et L. Laval, s'élèvent contre une exploitation forcée et redoutent une dégradation des peintures. On croit stopper toute altération en aménageant deux sas d'entrée en 1950. Mais l'architecte des Monuments historiques conclut qu'une détérioration des peintures ne peut se mesurer qu'à l'échelle géologique. La forte concentration en CO2 et la constatation, en 1955, de gouttelettes d'eau colorée tombant de la voûte du Diverticule axial firent installer, en 1957-1958, une lourde machinerie de ventilation et de régénération de l'air. Ces gros travaux vont détruire le sol archéologique et polluer la caverne par l'air extérieur. A cette époque, M. Ravidat signale des taches vertes près de la Licorne. En septembre 1960, une autre tache verte, sur la voûte du Diverticule axial, près d'une Vache rouge, convainc le conservateur, M. Sarradet, de réagir. Les taches s'étendent dans les galeries peintes, en 1962 et 1963. Cette "maladie verte" ou "lèpre verte" était liée à un millier de colonies d'algues, disséminées sur les parois par l'air chaud de la climatisation, sous un éclairage quasi permanent. Menacée, malgré de nouveaux filtres à ozone, la grotte est définitivement fermée en 1963 et décontaminée périodiquement en 1963-64 par des vaporisations d'eau formolée et d'antibiotiques, avec usage d'un pédiluve à l'Entrée, diminution de l'éclairage et du temps de séjour. Une nouvelle infection apparut en 2001, à la suite du changement du système de climatisation. [...] ...

Dyade : dans beaucoup de grottes ornées, notamment dans les sanctuaires magdaléniens, il existe une hiérarchie des sujets. Pour A. Leroi-Gourhan, les chevaux et les bovins (bisons ou aurochs) constituent la "dyade fondamentale", et ils occupent volontiers une place de choix. Cette observation s'applique particulièrement à Lascaux, dont le leitmotiv est constitué par un grand bovin et de petits chevaux. Les autres animaux (cervidés, bouquetins, ours) occupent des positions plus latérales. Comme souvent, les félins, le rhinocéros et l'homme prennent place dans des positions reculées.