Quand il avait pris sa décision, il n'avait peut-être pas estimé à sa juste difficulté l'obstacle majeur auquel était confronté un fugueur. Il commençait seulement à comprendre qu'il ne le surmonterait pas sans peine. Partir n'était rien. Cela se faisait sur un coup de tête. Tuer le temps s'avérait beaucoup plus ardu. Le temps résiste, se défend, s'accroche, se cramponne, et ne se laisse pas manipuler. On s'épuise vite à vouloir l'épuiser.
Rude existence, en effet, que celle qui consiste à guetter du haut d'un bordj les immensités interdites, à être voué à une implacable séquestration par une consigne formelle, à demeurer enfermé dans un horizon dont on ne peut même pas espérer que le regard le dépassera un jour.