Extrait de "Le sommeil, le rêve et l'enfant" des Docteurs Marie Thirion et Marie-Josèphe Challamel lu par Jessica Monceau. Parution numérique le 12 août 2020.
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Ce qu'ils [les enfants] apprennent le plus souvent, c'est l'intensité des émotions, le malaise intense que ce comportement [ne pas manger] provoque chez les parents. Découvrir qu'en refusant de se nourrir ils déstabilisent leur entourage est une découverte passionnante… Ils apprendront à en jouer, à la reproduire, et à provoquer de plus en plus fort. Dans bien des cas, le plaisir un peu pervers de provoquer la mère ou le père par un comportement alimentaire qui leur déplait prendra le pas sur le tranquille plaisir hédonique de l'aliment. "Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette", dit la chanson. Dommage.
Il est intéressant de préciser ici que les chiffres régulièrement trouvés de boisson nécessaire chaque jour sont absolument fantaisistes. Aucune étude n'a jamais prouvé que 1,5 litre par jour est le minimum nécessaire, ni même une bonne moyenne. C'est un chiffre largement répandus par les diététiciens (et les distributeurs d'eau minérale !), car il correspond justement au volume d'une bouteille… Pour une personne au repos, dans une atmosphère tempérée, pas trop sèche, consommant une alimentation variée (également riche en eau), ce chiffre est probablement trois fois trop important. En cas de déplacement, dans un désert torride, il faut parfois compter plus de 5 litres par personne. Les mineurs de fond des mines de charbon descendent dans le puits surchauffé avec 10 à 12 litres chacun par jour.
Les vécus émotionnels de l'enfance autour du nourrissage sont en relation directe avec les émotions profondes des parents nourriciers, eux-mêmes marqués par ceux de leurs propres parents qui eux-mêmes… Nous buvons les émotions parentales au sein ou au biberon.
Le plus difficile dans les régimes, c'est l'après, quand on a compris qu'il n'aura plus de fin.
Chaque épisode de faim, chaque moment de repas est un instant d'humanité, une mise en perspective du désir persistant de vivre et de jouir. Si une très vieille personne vous dit qu'elle veut mourir, que ça suffit comme ça, qu'il faut l'aider à partir, ne la croyez pas si elle mange avec appétit et se gave de chocolat. La vie se crée jusqu'à la dernière heure dans les plaisirs du rassasiement. Tant qu'il y a de la faim, il y a de la vie.
Manger ensemble, c'est vivre ensemble, ce que dit très exactement le mot "convive". Et vivre ensemble, c'est s'adapter les uns aux autres. La faim ne fait pas exception, elle va s'adapter. Entre les signaux profonds du corps et les stimulations du groupe, le choix est vite fait. Il nous poussera à manger comme les autres, au même rythme qu'eux.
Ce que nous appelons faim du bébé est l'expérience du désespoir, le manque absolu de la présence de l'autre, un appel paniqué pour ne plus être séparé, pour se remplir la bouche de la présence de l'autre.
Les régimes, tous les régimes, surtout s'ils sont rapides, dérèglent définitivement les paramètres de la faim, et tout aussi définitivement les mécanismes de stockage. A chaque réussite transitoire, les dérèglements sont plus marqués, la vitesse de reprise pondérale (effet yoyo) s'accroit, jusqu'au moment où le régime ne marchera plus du tout. Même dans les pires grèves de la faim, le corps arrête un jour de s'autoconsumer. Le poids ne bouge plus, la faim a disparu.
Etre mère, c'est aimer et s'attacher, laisser le bébé s'enraciner en soi, mais c'est aussi l'ouvrir à la vie, lui présenter l'univers pour qu'un jour il vole de ses propres ailes, même au loin. Et qu'il sache très tôt qu'il pourra le faire.
Le problème n'est pas d'arriver à maigrir, mais de maintenir sur la durée la perte ainsi obtenue. Même les magazines féminins du printemps et les dialogues sur les forums sont obligés de le reconnaitre : maigrir, c'est possible, et même facile, rester mince au long cours après avoir été dodu, sans coach personnel ni cuisinier spécialisé est une gageure. Quelles que soient les causes évoquées, les chiffres sont effroyablement parlants : poids initial repris et très souvent dépassé chez 30% des personnes à la fin de la première année, 70% des personnes à 3 ans, 95% à 5 ans. Ces statistiques sont valables pour tous les régimes connus à l'heure actuelle, sans aucune exception. Le battage médiatique autour de telle ou telle réussite relaie soit des chiffres tronqués par des recherches mal construites, soit de pures escroqueries publicitaires.