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Critiques de Dossier de l`art (66)
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Dossier de l'art, n°227 : Velázquez

Velasquez « C’est Le peintre des peintres, il ne m’a pas étonné mais ravi » disait Manet à Fantin-Latour



On a souvent l’impression pour des artistes comme Velasquez qui sont très connus que plus rien ou très peu reste à découvrir.

L’entretien avec Guillaume Kientz, commissaire de l’exposition, qui s’est achevée au Grand Palais le 13 juillet, nous démontre le contraire :

Il a, entre autre, choisi de montrer des toiles dont l’attribution est discutée et de cette manière permettre au public de mieux comprendre l’art de Velasquez :

« Il y a deux façons de comprendre un peintre. La première est d’étudier le noyau d’oeuvres certaines, signées, documentées, et de s’en écarter progressivement pour aller vers les marges en suivant un mouvement centrifuge. L’autre démarche consiste au contraire à partir de l’entourage du peintre, donc, ici, de tout ce qui ressemble ou passe pour du Velasquez - les élèves, l’atelier - afin de mieux comprendre cette zone un peu nébuleuse… »



Ce numéro des dossiers de l’art, d’un article à l’autre, m’aura fait progresser de découvertes en découvertes non seulement concernant l’évolution du peintre entre ses débuts à Séville dans l’atelier de Francisco Pacheco dont il épousera la fille Juana, son installation à Madrid lorsqu’il devient peintre du roi Philippe IV, sa rencontre avec Rubens en 1628,

« Surpassant ses pairs par sa culture océanique, son profil achevé de « peintre gentilhomme » et l’ampleur de son génie, Rubens ne constitua pas seulement une source d’inspiration pour Velasquez, mais encore un idéal statutaire, en même temps qu’il l’incitera, par son exemple, à un dialogue approfondi avec les grands maîtres vénitiens du « Cinquecento », particulièrement Titien. »,



ses deux séjours à Rome qui lui feront atteindre « la plénitude de son art »,



mais aussi sur la période du siècle d’or espagnol dont le déclin s’amorce avec l’arrivée sur le trône de Philippe III, la puissance de l’Espagne continuant à se lézarder sous le règne de Philippe IV.



Suite à ses articles généraux, se succèdent des analyses plus précises des tableaux classés en « Peintures du quotidien », « Velazquez portraitiste » et « Oeuvres religieuses et mythologies », un arrêt sur l’un des chef-d’oeuvre de l’exposition « La toilette de Vénus, dite Vénus au miroir dont on peut se demander comment elle a pu échapper à la censure inquisitoriale et en conclusion « Dans le sillage de Velasquez », collaborateurs et héritiers.



Dans la partie finale de la revue intitulée « Découverte », une très intéressante suite d’articles en particulier :

Une comparaison approfondie entre Rubens et Velasquez et une étude de deux versions du Philippe IV en costume de chasse

puis L’Escorial de Madrid, Velasquez au Prado, le musée Goya de Castres et Ribera et ses Caravagesques Apôtres



Le déroulement de ce numéro de Dossiers de l’art m’a offert une analyse complète qui permet de replacer Vélasquez dans la société de son temps et surtout de voir que la perfection qu’il a atteinte n’a pas surgie subitement mais grâce à des rencontres qui ont permis la maturation de ce « maître » et l’épanouissement de son oeuvre.

Une nouvelle fois j’ai apprécié la qualité des reproductions alliée à celle des textes qui donne à cette revue la valeur d’un livre d’art en étant plus accessible et plus maniable.

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Dossier de l'art, n°227 : Velázquez

Quel ne fut pas mon étonnement quand, récemment de passage à Paris, je me suis retrouvée nez-à-nez dans le métro avec l'infante Marguerite-Thérèse d'Espagne, future impératrice d'Autriche !



Étonnement qui fut suivi de près par la plus cruelle frustration lorsque je réalisai que je n'aurais nullement le temps de demander audience à cette royale enfant, pourtant actuellement en résidence au Grand Palais. Et pourtant... ladite infante m'avait déjà scotchée une demi-heure devant le spectacle de sa grâce lors de ma précédente visite au Kunsthistorisches Museum de Vienne, et mon envie était grande de pouvoir lui adresser mon bon souvenir tout en témoignant à Diego Velázquez toute mon admiration pour l'incroyable rendu des cheveux, des tissus, des rougeurs juvéniles, des dentelles et des fils d'argent qui font de "L'infante Marguerite en bleu" un tableau envoûtant.



Grâce au "Dossier de l'art" consacré à l'exposition temporaire du Grand Palais - laquelle réussit l'exploit de réunir plus de cinquante toiles attribuées au Maître du Siècle d'Or - et à l'oeuvre de Velázquez, ma frustration s'est toutefois transformée en plaisir. Tout d'abord, est-il besoin de rappeler que le support est de très belle qualité ? Pour une revue d'art, c'est un minimum syndical. S'ajoute à cet acquis le très bon rendu des œuvres, nombreuses, qui illustrent à merveille le propos, de qualité lui aussi et servi par des spécialistes qui savent écrire sans lasser, ce qui n'est pas si commun.



Je ne peux que louer le choix thématique de la rédaction qui donne au dossier une cohérence très appréciable. Quelle satisfaction de redécouvrir Velázquez à travers son temps et la société qui fut la sienne, de comprendre l’assujettissement inhérent à son statut de peintre de la Cour et les mœurs de la noblesse la plus austère et rigide d'Europe, mais aussi d'entrevoir sa personnalité à travers son observation des plus humbles, son traitement des natures mortes, son travail tout en pudeur et en révérence des sujets religieux, son attachement à rendre fidèlement l'expressivité des regards, des lèvres ou des mains, enfin, de saisir l'étendue de son talent. Velázquez sut notamment résoudre les grands paradoxes qui accompagnaient la plupart des commandes, comme cette complexité à figurer la gloire des puissants sans tomber dans l'emphase des vaniteux, ou encore cette difficulté à placer de l'autorité et du charisme dans le regard d'un prince de cinq ans.



Ce "Dossier de l'art" met en lumière les enjeux de la rétrospective de 2015 au Grand Palais et explore avec finesse les logiques de l'artiste dans toute leur pluralité.
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Dossier de l'art, n°215 : Gustave Doré. L'ima..

Dante et Virgile, le visage mangé par l'ombre, regardent, debout, comme statufiés, la scène terrible qui se déroule à leurs pieds. Ils sont dans le neuvième cercle de l'Enfer, un univers obscur et gelé, autour d'eux les damnés prisonniers des glaces sont des silhouettes informes et torturées qui s'évanouissent dans un arrière-plan étouffant, noir et sans limite. Dante et Virgile seuls points de couleur dans cette atmosphère ou domine le gris et le noir, semblent interdits. l'effroi est sur leurs traits, presque à leurs pieds le comte Ugolin dévore le crâne de l'archevêque Ruggieri. Arrêt sur image. le cinéma et la bande-dessinée se sont largement inspirés de l'oeuvre de Gustave Doré et pour cause. Son sens de la mise en scène, sa capacité à « capter » l'humeur d'une situation, sa force évocatrice dans le tragique comme dans le drolatique ont fait sa renommée. Cette grande toile magnifique de rigueur et de lyrisme fait partie de l'exposition qui eut lieu au Musée d'Orsay de février à mai de cette année.

Cette exposition, outre de revoir les célèbres illustrations des Contes de Perrault, de Gargantua, Don Quichotte, la Bible et la Divine Comédie, permet de découvrir Gustave Doré le peintre, le sculpteur et le dessinateur-illustrateur prolifique inspiré par d'autres oeuvres littéraires, par ses voyages, par la vie...

Gustave Doré, jeune garçon surdoué, hyperactif, commence très jeune comme caricaturiste. Il devient vite célèbre par son illustration du Gargantua de Rabelais. D'une renommée internationale, infatigable travailleur, exigeant, il veut tout. La gloire, l'argent, la reconnaissance inconditionnelle de ses pairs. A sa grande amertume, il restera pour beaucoup qu'un illustrateur de génie. Lui qui se veut grand peintre et grand sculpteur ne récoltera souvent qu'indifférence et mépris pour sa peinture et sa sculpture.

Gustave Doré est un paysagiste tout à fait honorable par exemple. Il suffit de voir les quelques toiles exposées. Paysages sublimés, nature fourmillante de détails, saturée de lumière et de couleurs. Ambiance de Genèse. L'humain est insignifiant ou inexistant. Les paysages de Gustave Doré sont à la fin de l'exposition comme une reconnaissance tardive et repentante.

Mais il faut revenir au début de l'exposition, à peine le regard détourné des sculptures et quelques pas faits dans la salle suivante que le regard est happé par « le Christ quittant le prétoire », toile immense ; Nous sommes en plein péplum biblique, Cecil B. DeMille peut aller se rhabiller. le Christ vient juste de s'arrêter sur les marches, la foule dense autour de lui gronde, retient son souffle, s'émeut, à peine retenue par les gardes, la lumière irriguant le passage du Christ tempère l'ombre où s'anime les passions. Là encore tout est en suspens, à peine le mouvement est arrêté. L'académisme et le romantisme se mêlent, ce n'est pas ma toile préférée mais la virtuosité de l'ensemble ne peut laisser indifférent. L'oeuvre picturale souvent méconnue de Gustave Doré est riche, empreinte de sensibilité, d'extravagance, d'un « savoir-faire » indéniable là où les puristes pourraient rechigner d'une forme de liberté d'inspiration et d'exécution.

Les sculptures de Gustave Doré sont à l'image de son oeuvre, diverses, fantasques, romantiques, lyriques, majestueuses dans leur petitesse et dans leur grandeur. Ma préférée s'intitule « Joyeuseté, dit aussi A saute-mouton », c'est un petit bronze où un chevalier en armure joue à saute-mouton avec un moine. C'est l'instant du bond, léger, drôle, irrévérencieux, délicat. Une petite merveille.

L'oeuvre de Gustave Doré est complexe, traversée par une boulimie de travail. Par sa capacité d'ingérer, de digérer, de recracher ce qu'il voit sous une forme ou une autre avec un sens du drame, du burlesque, aussi. Une imagination sans bride, semblant inépuisable, indomptable.

Reste ses illustrations.... Trop riches pour quelques lignes.... Plus tard...
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Dossier de l'art, n°232 : Madame Vigée Le Brun

La qualité éditoriale de la revue "Dossier de l'Art" n'est plus à démontrer et une fois encore, elle se révèle à travers ce numéro dédié à Elisabeth Louise Vigée Le Brun - mise à l'honneur au Grand Palais à Paris jusqu'au 11 janvier 2016 -, essentiellement connue du public pour avoir été l'un des portraitistes de la reine Marie-Antoinette.



On le sait, les artistes féminines n'ont jamais eu droit à la même publicité que leurs homologues du sexe prétendu fort et c'est donc avec un plaisir accru et un sentiment profond de reconnaissance que l'on (re)découvre son oeuvre, une oeuvre tout en délicatesse, en minutie, en poésie et qui reflète une personnalité calme et posée, en total paradoxe avec ce que fut son existence !



Quelle destinée ! Presque comparable à celles des célèbres ladies Emma Hamilton et Jane Ellenborough. Ayant fui la France la nuit même du 6 octobre 1789 alors que Louis XVI et Marie-Antoinette sont ramenés de force de Versailles à Paris par le peuple français, ce sont douze années d'errance à travers l'Europe et jusqu'en Russie qui s'ouvrent devant la portraitiste royale. S'ensuit une vie qui s'inscrit entre deux siècles, à une période charnière de mutations politiques et sociales profondes et qui ne s'achèvera qu'à l'âge canonique de 86 ans.



Dossier de l'Art revient longuement sur ces captivants éléments de contexte et sur sa biographie qui sont essentiels pour comprendre l'artiste, et sans lesquels on pourrait s'imaginer, à contempler les calmes nobles dames portraiturées une rose à la main, un chapeau de paille posé gracieusement sur leur évanescente chevelure ou enlaçant leur enfant, que Mme Vigée Le Brun n'était qu'une complaisante peintre de salon.



En fait de salon, l'artiste a eu le privilège d'exposer au Salon du Louvre, l'une des rares occasions pour les artistes de cette époque de produire publiquement leur travail. Ce privilège fut attribué suite à son élection à l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1783 qui ne comptait alors que cinq sièges pour les femmes.



J'ai pris un vrai plaisir à me plonger dans ce destin hors du commun et dans cette oeuvre qui se décline en une talentueuse galerie de portraits, desquels se dégage bien plus qu'une séduisante élégance, une véritable présence.





Challenge PETITS PLAISIRS 2014 - 2015
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Dossier de l'art, n°230 : D'or et d'ivoire

Ce très beau et très pointu numéro de juin des Dossiers de l’art offre, en faisant varier les points de vue et les angles d’approche, une étude exhaustive et passionnante de l’exposition qui a lieu jusqu’au 28 septembre 2015 au sein du Louvre Lens : D’or et d’ivoire, Paris, Pise, Florence, Sienne.

Il peut permettre, me semble-t-il, à ceux qui ont la possibilité de s’y rendre, de mieux l’apprécier ; quant à ceux qui comme moi ne la verrons pas, la richesse des illustrations et l’intérêt suscité par les articles qui composent cette revue permet d’aborder dans toutes ses nuances cette période de 1250 à 1340 qui est celle du gothique rayonnant :

«  Coeur de cette apogée du gothique, Paris déploie au XIIIe une production exceptionnelle dans les domaines de la sculpture, de l’ivoire, de l’orfèvrerie, de l’émail et de l’enluminure, qui irrigue entre 1250 et 1320 les arts des cités de Toscane par un complexe jeu de transferts »

C’est ce jeu de transferts méconnu que fait subtilement découvrir l’exposition en mettant en valeur à travers plus de 125 oeuvres présentées « les croisements entre les différentes techniques », le renouvellement créatif qui en est né et mènera à la Renaissance.

En contemplant les oeuvres d’art parisiennes, en particulier les ivoires, on est frappé par le raffinement, la beauté des expressions et le mouvement des drapés, la vie qui s’en dégage, alors que l’art toscan est demeuré un peu raide. Dans les peintures ou la statuaire en bois peinte demeure l’influence de l’art byzantin.

Ce sont les marchands qui, en transportant des petits objets d’or ou d’ivoire, introduisent l’art parisien en Toscane. Des artistes comme Cimabue ou Nicola Pisano vont alors transposer dans leurs oeuvres des éléments de l’art français et les faire évoluer.

Ce dossier de l’art permet également d’étendre la découverte du lecteur grâce à une bibliographie complète et en l’invitant, à la fin du numéro, à visiter une autre exposition,« Sienne aux origines de la Renaissance » au musée des beaux-arts de Rouen jusqu’au 17 août 2015

puis en lui proposant un itinéraire « Sur les traces du Paris rayonnant » et un parcours du « redéploiement des primitifs italiens aux offices de Florence dont les six salles qui y sont consacrées ont été rouvertes fin avril après six mois de travaux.

De quoi avoir des vacances bien remplies !!!!

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Dossier de l'art, n°181 : Gabriel Metsu et ..

Suivant cette année, bon gré mal gré au début, une série de conférences sur la peinture du siècle d'Or hollandais, j'ai fini par le me laisser séduire petit à petit et par aller farfouiller dans mon amas de livres et de revues pour en ressortir tout ce que je pouvais trouver sur le sujet - sujet qui ne m'est pas des plus familiers, pour tout avouer.



Certes, comme chaque musée possède son lot de natures mortes flamandes et/ou hollandaises du XVIIème, j'en ai vu ma part, tout comme des scènes de genre et des paysages, mais, comme tout le monde, j'étais à peu près incapable de citer d'autres peintres que Rubens, Rembrandt, Vermeer, Brueghel de Velours ou encore Jordaens. Quelques autres noms me disaient vaguement quelque chose, je me souvenais d'avoir vu des toiles des peintres en question ici ou là (enfin, surtout au Louvre et aux Musées royaux de Belgique, en fait), mais ça n'allait pas bien loin. Et pourtant, les peintres des Pays-Bas du XVIIème, il y en a florès, et ils ont été sacrément connus en leur temps. Seulement voilà, on les a peu à peu oubliés, du moins en France. Ce n'était donc pas peine perdue de lire enfin ce numéro sur Metsu - car oui, j'ai beau avoir été abonnée au Dossier de l'Art pendant un an, celui-ci, je n'y avais jeté qu'un oeil distrait, malgré sa somptueuse couverture. Et si j'avais retenu le nom de Metsu, je ne savais toujours pas qu'il il était.



Alors : Metsu, il en question ici, évidement, car en 2011 - époque de ce numéro de Dossier de l'Art - se tenait une exposition qui lui était consacrée au Rijksmuseum. Mais c'est plus une entrée en matière qu'un véritable dossier, et on en apprend guère plus sur lui que sur les autres peintres évoqués plus loin dans la revue. Cela dit, si vous êtes aussi ignares que je l'étais, c'est déjà bien suffisant pour faire connaissance avec l'artiste, qui fut bien plus connu que Vermeer (comme tous les contemporains de Vermeer, aurais-je envie d'ajouter), mais aussi bien plus soucieux de sa réussite professionnelle. J'avoue que j'ai trouvé peut-être un peu court le texte consacré à Metsu... Mais c'est qu'il y avait matière à travailler pour ce numéro, réellement centré sur la peinture de genre, ou plutôt sur les scènes de genre (nuance) de la peinture hollandaise du XVIIème.



Car oui, le véritable dossier, c'est la peinture de genre hollandaise, comme annoncé en sous-titre sur la couverture. Encore faut-il s'entendre sur le terme. En effet, ayant parcouru le sommaire, je me suis étonnée que pas un article n'ait pour sujet principal les paysages et les natures mortes... L'explication se trouve dans l'oeuvre de Metsu, d'une part, puisqu'il est en première ligne dans ce Dossier de l'Art : les natures mortes et les paysages ne sont pas des genres dans lesquels il s'est distingué. Et donc, naturellement, la revue a constitué un dossier sur ce que ses auteurs appellent "scènes de genre" : scènes intimistes, scènes de joyeuses compagnies, scène paysannes, scènes de cuisine, etc. Pour reprendre la définition exacte donné dans l'article sur le contexte historique et les principaux thèmes de la peinture de genre : " il s'agit de tableaux à figures n'illustrant ni un épisode biblique ou hagiographique, ni littéraire ou mythologique, ni L Histoire ancienne ou moderne. " Bon, voilà qui est clair, même si, de mon côté, j'avais entendu un son de cloche un peu différent, qui intégrait les natures mortes et les paysages dans la peinture de genre. Du coup, j'ai été un peu déçue que cet aspect-là de la peinture hollandaise n'ait pas été abordée. Mais il est vrai que le dossier sur les scènes de genre et leurs auteurs est déjà très fourni.



Je ne peux m'attarder sur chaque peintre ou chaque sujet évoqué. Le texte sur ter Boch est celui qui m'a nettement le plus intéressée et donné envie d'approfondir son oeuvre. Je ne suis pas certaine que Vermeer ait toute sa place ici, son travail ayant tellement transcendé la scène de genre qu'il en a fait, à mon sens, tout autre chose - bien que d'autres aient également, comme c'est bien démontré dans le numéro, également utilisé la scène de genre autrement qu'à des fins moralisatrices. le tout se montre cependant très cohérent, c'est une très bonne introduction à la peinture de scènes de genre hollandaise, une façon de découvrir davantage certains artistes que l'on ne connaissait que vaguement ou pas du tout. Évidement, les spécialistes n'y trouveront pas leur compte, il s'agit vraiment ici d'initiation à tout un pan de la peinture à la fois bizarrement connue et méconnue.



Je me permettrai de regretter qu'Armelle Baron se soit montrée un peu légère sur le cas de Rembrandt et des portraits de groupe (oubliant de mentionner que La ronde de nuit, par exemple, fit scandale et ternit passablement la réputation de Rembrandt) dans les dernière pages. Mais, je le répète, la revue a été conçue dans un grand souci de cohérence (comme d'habitude, cela dit), et les pages d'actualité, le texte sur Chardin, la présentation des différents musées des Pays-Bas et de collectionneurs privés ont toute leur place dans ce numéro de qualité qui vous donnera, espérons-le, envie d'aller un peu plus loin, et surtout de vous attarder sur la peinture de genre hollandaise disséminée ici et là, omniprésente mais finalement assez peu regardée.
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Dossier de l'art, n°220 : Carpeaux, un scul..

Je n'ai que des éloges pour ce numéro de Dossier de l'art sur Carpeaux et l'exposition de 2014 au musée d'Orsay ! Certes, je suis une grande admiratrice de Carpeaux et on pourrait penser que cela me rend particulièrement indulgente pour quiconque s'intéresse au sujet. Que nenni ! Au contraire, j'avais été plutôt déçue par l'expo, qui, à mon sens, appuyait trop sur l'aspect "sculpteur de l'Empire" et conduisait à occulter le côté novateur et passionné de l'artiste. Tout ça était un peu trop sage...



Or ce numéro de Dossier de l'art pallie les manques de l'exposition, et ce tout d'abord grâce à l'intervention du commissaire. le lecteur de ces lignes sait peut-être déjà à quel point je prise peu ces entretiens avec les commissaires d'exposition dans les revues d'art, devenus passages quasi-obligés. Souvent, et même presque toujours, ils prennent la forme aseptisée d'un discours bien rôdé destiné à promouvoir l'exposition : c'est de la comm pure et simple. Ici, exceptionnellement, et la journaliste, et le commissaire, jouent le jeu. Les questions tombent juste et les réponses, jamais à côté de la plaque (ce qui relève de la prouesse dans ce cadre), se démarquent de la présentation pure et simple de l'exposition du musée d'Orsay pour aborder franchement le travail de Carpeaux et ses spécificités. Bref, c'est efficace.



Des pages "Chef-d'oeuvre" aux articles thématiques traitant, tour à tour, de la biographie et de la monographie de l'artiste, de sa technique, de son travail de sculpteur portraitiste et de son activité de peintre, tout s'avère intéressant, voire passionnant, donnant à voir un Jean-Baptiste Carpeaux qui ne se contenta pas de humer l'air du temps pour atteindre la célébrité, mais se montra véritablement innovant et ouvrit la voie à d'autres, à commencer par Rodin (qui l'admirait beaucoup). C'est là ce qui manquait quelque peu à l'exposition. J'aurais aimé que la question de l'atelier d'édition de Carpeaux, qui fut un peu l'égal de Gérôme dans le domaine de la reproduction et la diffusion des oeuvres d'art, soit également traité dans un article complet, c'est mon seul (petit) bémol. Mais il faut bien effectuer des choix éditoriaux et savoir se limiter.



Les autres sujets de ce numéro qui ne relèvent pas du dossier Carpeaux sont pourtant en résonance avec lui, à travers des thèmes tels que l'histoire de l'Opéra Garnier, l'exposition Carrier-Belleuse et le musée de Valenciennes (ville natale de Carpeaux). J'apprécie particulièrement ce dernier article, parce qu'il met en lumière un musée municipal - qui possède beaucoup de Carpeaux - en des temps où les grands musées parisiens et leurs envahissantes expositions ont fini par plomber la politique muséale en France.



Enfin, Dossier de l'art est la seule revue qui ait consacré un numéro à cette exposition et, surtout, à cet artiste. Sans doute Carpeaux n'est-il pas assez sexy pour intéresser les autres magazines et mériter un hors-série de leur part. Ça n'est du reste pas très étonnant : il n'était qu'à entendre les critiques d'art en parler ; pour beaucoup, ils méconnaissaient visiblement le sujet. C'est pourquoi je suis particulièrement heureuse que ce Dossier de l'art ait vu le jour, d'autant que la littérature récente sur Carpeaux se fait très rare. Cette lecture m'a même donné envie de me pencher davantage sur sa peinture, alors que, jusqu'à présent, si je la connaissais, je n'avais pour autant l'intention d'approfondir le sujet. Un grand merci, donc !

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Dossier de l'art, n°232 : Madame Vigée Le Brun

Merci à l’Editeur pour ce dossier de l’Art consacré à Elisabeth VIGEE LE BRUN.



Tout d’abord, ce dossier de l’Art est réalisé sur papier glacé très agréable à lire, à feuilleter et surtout c’est avec un réel plaisir que l’on peut admirer les reproductions. J’adore ce format.



Par ailleurs, j’ai découvert cette artiste portraitiste très récemment ayant participé à une conférence à l’auditorium du Grand Palais, d’où mon intérêt pour cette femme hors du commun.



J’ai ainsi pu apprécier et découvrir grâce au dossier de l’Art le parcours de cette artiste qui mérite aujourd’hui notre reconnaissance et notre admiration devant tant de talent ; les reproductions intérieures sont tout simplement magnifiques et me rappellent le parcours de l’exposition.

J'aurai plaisir à me "replonger" dans ce dossier.



Je vous invite à découvrir ce dossier de l'art passionnant sur cette artiste portraitiste et talentueuse.

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Dossier de l'art, n°228 : Poussin et Dieu

Une quarantaine d’œuvres présentées dans l’exposition « Poussin et Dieu » au Louvre sont reproduites dans ce hors-série. Mieux qu’un catalogue de belles images, nous aurons droit à des commentaires de quelques-unes de ces œuvres, placées pour l’occasion sur le plan d’observation biographique et culturel.





L’idée principale soutenue par l’exposition révèle qu’il est impossible de séparer le sacré et le profane dans les œuvres de Nicolas Poussin. Après les premières années romanes du peintre et la multiplication des commandes qui lui étaient dédiées, il devint peintre du Roi pour la gloire de Dieu et de son sujet temporel lors de son séjour parisien entre 1640-1642. Ses thématiques devinrent indubitablement sacrées lors de son retour à Rome et surtout à partir des années 1650.





Par le biais de l’analyse de quelques-unes de ses œuvres les plus fameuses, on peut observer que Nicolas Poussin s’inscrit dans la tradition de l’exégèse chrétienne. Il propose une synthèse des traditions chrétienne et antique et donne un sens chrétien à des thèmes et des symboles païens. Le dossier s’attarde particulièrement sur la figure de Moïse, qui fit l’objet d’une vingtaine de tableaux du peintre, et sur son amitié avec le collectionneur Chantelou qui contribua largement à sa gloire.





Ce magazine de belle facture permet d’englober rapidement l’œuvre de Nicolas Poussin et de comprendre les figures et thématiques récurrentes de ses réalisations, pour une première approche qui sait se montrer accessible sans élucider la part de mystère qui entoure encore ce peintre.

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Dossier de l'art, n°235 : Anselm Kiefer

En couverture « Die Orden der Nacht » [Les Ordres de la nuit], 1996, détail de l’œuvre reproduite en entier et commentée p.58-59.



De ce superbe dossier consacré à Anselm Kiefer je retiens surtout l’article d’Andrea Lauterwein (p. 33-43) intitulé « Kiefer ou les mots du poète » :



« C’est sur le fond de [la] consécration du livre comme support absolu de la mémoire de l’humanité qu’il faut lire les clins d’œil de Kiefer au texte, qu’ils soient implicites, imposés par le titre ou griffonnés à même la toile. Vertigineuse mise en abîme où l’on rencontre tour à tour les livres de Jules Michelet, Roland Barthes, Jean Genet, Stefan George, Rainer Maria Rilke, Hans Henny Jahnn et Christoph Ransmayr, Hegel, Heidegger, Hölderin et Kleist, Velimir Khlebnikov, Osip Mandelstam, Walter Benjamin et Hans Blumenberg, Ingeborg Bachmann et Paul Celan ».



Un grand artiste à connaître !
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Dossier de l'art, n°225 : Gustave Moreau. L..

Dans un cahier d'une centaine de pages, ce magazine fait un tour d'horizon de l'univers pictural et social de Gustave Moreau qui semble visiblement très complet. Au-delà des photographies parfaites sur un support en bristol glacé et léger d'une grande élégance, des textes subtils mais tout-à-fait abordables dont on voudrait citer quasiment une phrase ou deux par paragraphes tant on y trouve des références ou l'expression d'idées qui nous parlent et qu'on aimerait partager, de la mise en page aérée, lisible et classique, on est frappé par le regard transversal qui permet de mieux saisir certaines évolutions de l'art de la seconde moitié du XIXeme siècle et du début du XXeme ainsi que de celles de certains artistes qui ont été les élèves du maître - Rouault, certes dont il est question longuement ici mais pas seulement, Matisse aussi et Marquet. Les choix iconographiques et la qualité de reproduction des documents dans ce dossier permettent de se rendre compte qu'il y a chez Moreau une recherche de la synthèse entre l'écriture et la texture. L'écriture dans un trait qui dessine la forme et, finalement l'abstrait et la vide, mais raconte à l'esprit une histoire par transparence au-dessus de la texture : couleurs, lumières et matières se fondent, s'interpénètrent dans un flou onirique tout en allusions et suggestions qui ne parlent plus à l'esprit mais au corps directement au travers de sensations presque tactiles. Alors il ne s'agit bien sûr que de copies hors format, il reste encore à voir les œuvres originales, mais elles offrent une excellente approche et donnent très envie de se déplacer pour visiter le musée.

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Dossier de l'art, n°230 : D'or et d'ivoire

J’ai toujours été éblouie par les églises, les cathédrales, les abbayes... Que l’on s’entende bien, ‘éblouie’ ce n’est pas par attrait théologique ni parce que j’ai vu (ou rêvé de voir) une quelconque lumière mystique...

Gamine, je suivais mes grands-parents tous les dimanches à la messe. Et si j’étais peu attentive aux sermons du prêtre, j’avais toujours l’œil attiré par tous ces gens qui priaient, chantaient les chants religieux (celui en canon, avec d’un côté les hommes et de l’autre les femmes, dans la langue régionale, était une pure merveille), par les vitraux si colorés, les tableaux, les statues et autres ornements, l’orgue, cette bâtisse belle et si impressionnante pour la petite fille que j’étais, à la fois austère et bienveillante. (Était-ce ma 1ère découverte –inconsciente- de l’art, des œuvres de ces divers artisans ?).

Adulte, lors de mes visites dans différentes régions de la France, et même à l’étranger, j’ai continué à rentrer dans ces édifices et à rechercher ce plaisir, toujours bluffée par l’architecture, les vitraux, tout ce qui faisait d’eux leurs spécificités et leur beauté.

Alors, bien entendu, cette revue consacrée à l’exposition au Louvre-Lens « D’or et d’ivoire – Paris, Pise Florence, Sienne 1250-1320 » ne pouvait qu’éveiller mon intérêt et mon plaisir.

L’exposition s’intéresse à la période du XIIIème siècle, période dite « gothique rayonnant ».

Il existe plusieurs périodes au style gothique : le primitif, le classique, le rayonnant, puis le flamboyant. Le style gothique « rayonnant » est en référence à la rose, élément important du décor (la grande rosace Nord de la Cathédrale Notre Dame de Paris, pour un des exemples les plus connus).

Cette exposition montre les différents styles qui émergent dans les domaines de la sculpture, l’ivoire, l’orfèvrerie, l’émail… en mettant en exergue les transferts stylistiques qui s’opèrent entre Paris et la Toscane.

Les articles de Dossier de l’Art s’attachent à chacun de ces domaines, avec, comme d’habitude, beaucoup de précision et de qualité autant dans les textes que dans les nombreuses illustrations (les couleurs, la lumière, les détails magnifiques de certaines œuvres et édifices). En plus des rosaces, le style rayonnant se caractérise par l’agrandissement des édifices et de leur hauteur, l’architecture du vide du fait de ses ouvertures et de l’importance de la lumière (les grands vitraux) ou encore par le décor : les sculptures par le drapé des Vierges à l’enfant ou encore la chaire à prêcher de la Cathédrale de Pise de Giovanni Pisano (avec ces détails somptueux), la peinture sur bois comme technique de la narration du récit biblique...

Certes, je ne peux prétendre, compte tenu du sujet assez pointu, être à présent incollable sur le style gothique rayonnant ni être capable de distinguer sans erreur les différents styles gothiques en admirant une prochaine cathédrale ou abbaye. Mais, je les admirerai certainement avec encore plus de curiosité et de plaisir lors mes prochaines escapades… (accompagnée par les pages « découvertes »).

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Dossier de l'art, n°225 : Gustave Moreau. L..

A l’occasion de la restauration du musée de Gustave Moreau, le magazine des Dossiers de l’art revient sur l’ambition poursuivie par le peintre lors de la réalisation de ce temple dédié à son œuvre. Gustave Moreau, d’humeur parfois dépressive, s’est un jour plu à déplorer :





« Ce soir 24 décembre 1862 –je pense à ma mort et au sort de mes pauvres petits travaux et de toutes ces compositions que je prends la peine de réunir. Séparées, elles périssent ; prises ensemble, elles donnent un peu l’idée de ce que j’étais comme artiste et du milieu dans lequel je me plaisais à rêver. »





Gustave Moreau, considéré comme un mystique paumé à Paris, montrait beaucoup de réticence à exposer ses œuvres. Cette réticence s’aggrava après la mort de sa mère en 1884, et plus encore en 1890, après la mort de sa compagne Alexandrine Dureux. Il se réfugie alors dans l’élaboration de son musée.





Le magazine ne se consacre pas seulement à cette partie de l’œuvre de Gustave Moreau mais lui rend un hommage général en nous faisant comprendre l’ambition qui a donné un fil de conduite à tous ses travaux. Il s’agissait pour lui de renouveler les formes de la peinture d’histoire pour en approfondir le sens et la portée. Avec Gustave Moreau, les personnages religieux, mythologiques et historiques deviennent le prétexte des plus fantasques redécouvertes. On apprendra beaucoup de la conception de son art en se souvenant que Gustave Moreau fut également le maître de quelques futurs grands peintres tels qu’Albert Marquet, Georges Rouault, Henri Evenpoël, Edgar Maxence, George Desvallières ou Matisse.





« Moreau faisait étudier l’antique non comme un modèle, mais comme une école de doute : « Les maîtres des civilisations anciennes avaient un langage très complet pour eux, mais tellement différent du nôtre qu’il nous préserve d’une imitation trop littérale… ». »





Non content de renouveler les formes de la peinture historique et de prendre sous son aile bigarrée de futurs grands peintres, Gustave Moreau a aussi commis des crimes de littérature et de sculpture, et il a illustré des Fables de La Fontaine dont nous ne connaissons surtout que des esquisses, le reste de la collection se trouvant actuellement entre les mains de détenteurs privés.





Comme d’habitude, le magazine des Dossiers de l’Art profite d’un événement artistique ponctuel pour nous présenter un artiste et son œuvre. Le passé pris au piège de l’actualité devient ainsi un peu plus vivant.

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Dossier de l'art, n°227 : Velázquez

Une rétrospective exceptionnelle consacrée à Velázquez vient de se terminer au Grand Palais.

Diego Rodriguez de Silva y Velázquez (1599-1660) est sûrement le plus célèbre peintre de l’âge d’or espagnol. Immense artiste à la fois par ses natures mortes, ses peintures religieuses mais aussi par ses portraits du quotidien (des humbles) et des grands du royaume. Il maitrise le jeu du clair-obscur pour mieux faire éclater les scènes et les personnages.

Il commence son apprentissage à 11 ans. Mais, c’est par l’élaboration d’un portrait du jeune roi Philippe IV (commandé par le Comte d’Olivares, premier ministre) que sa carrière prend son ampleur. Il devient peintre officiel du roi en 1623 jusqu’à obtenir en 1658 le titre de Chevalier de Saint-Jacques (Santagio). Influencé notamment par Caravage, il fera aussi la rencontre de Rubens, ce qui l’incitera à se rendre en Italie : « C’est à Rome que Velázquez découvre la façon dont l’air circule, et comment le contenir dans la toile ».

Durant plus de trente ans, il sera peintre de la cour, ce qui sera à la fois un privilège mais aussi une lourde contrainte (thématiques picturales et le temps à sa peinture sont plus limités du fait de ses obligations vis-à-vis du roi).



La revue « Dossier de l’Art » permet cette immersion dans ses tableaux, de comprendre son travail, sa technique, les périodes et les évolutions de l’artiste. Et ce, d’autant plus grâce à la qualité des nombreuses illustrations, de l’impression et des différents textes et des thèmes abordés.

Et quel plaisir que de revoir les traits du jeune garçon du tableau « Vieille femme faisant frire des œufs » (1618), les regards de ces monarques, les expressions de ces humbles, l’incroyable lumière dans la représentation du « Christ ». (1632)…

En s’attachant à la fois à l’exposition (interview de Guillaume Kientz, conservateur au département des Peintures du musée du Louvre et commissaire), la biographie du peintre, ses différents styles, son époque mais aussi par les focus sur certaines de ses œuvres (« Les Ménines » bien sûr ou encore « La Toilette de Vénus, dite Vénus au miroir », « Philippe IV en tenue de chasse » pour ne citer qu’eux), nous pouvons prendre le temps de mieux détailler ses œuvres et appréhender ce génie.



C’est ce qui me plait tant dans les revues d’Art. Lorsque je vais à une exposition, qu’elle soit consacrée à un artiste ou à un courant que je connais relativement ou -à l’inverse- en réelle novice, y allant pour le seul plaisir de découvrir des œuvres d’art, j’aime ensuite parcourir une revue traitant de ce sujet.

Sciemment peut-être je ne le fais rarement avant l’exposition, comme si je voulais cette visite presque la moins possible influencée par les connaissances sur les œuvres et l’artiste. Comme si je désirais être dans le ressenti, simplement.

Le temps de l’exposition est du temps pour moi à l’émotion, au cœur qui s’emballe miraculeusement pour une œuvre, un artiste, un thème. Approcher par exemple un tableau (quand je peux suivant l’affluence), y lire les traits, les coups de pinceau, les couleurs, les jeux de lumière, s’éloigner, revenir, aimer, être insensible ou détester. Y passer des heures émues ou en coup de vent, passante indifférente.

J’apprécie alors ensuite de parcourir une revue pour me rappeler ce moment, et pour mieux connaître le peintre, ses influences, son histoire et mieux saisir les œuvres et tenter de comprendre son travail.

Je feuillette la revue. Je prends le temps aussi de rentrer dans les tableaux comme j’ai pu le faire durant l’exposition, mais avec un autre œil. J’y reviens plus tard selon l’envie pour (re)lire un article, revoir un tableau, saisir ce qui a créé en moi de l’émotion, m’enthousiasmer à nouveau, me rappeler ces émotions, en découvrir d’autres et me donner l’envie de faire de nouvelles expositions.

Une nouvelle fois un grand merci à Mathilde.

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Dossier de l'art, n°229 : Le Corbusier et l..

Un magazine d'une grande richesse iconographique qui permet de survoler l'évolution d'au moins une facette du problème de l'architecture moderne en présentant quelques unes de ses icônes incontournables : ne pas parler des grands projets d'aménagement civils et des grands travaux liés aux structures ferroviaires me semble éviter une dimension non négligeable de l'histoire. Malgré tout, il n'en demeure pas moins une sorte de dictionnaire minimal où l'on peut trouver facilement des références en matière d'histoire de l'architecture et du design contemporain.



A mon goût, si tout cela permet d'entrer plus facilement dans l'hommage qui est rendu en ce moment à Le Corbusier à l'occasion du cinquantième anniversaire de sa mort (pas du trentième comme cela est noté dans le premier article), il manque toutefois un contre-poids : une description de l'état des lieux qui donne une idée claire et nette de ce qu'était le monde avant ce type d'architecture. Je crois qu'il faut avoir vécu dans un bâtiment conçu et construit au XIXeme siècle pour bien ressentir la différence. J'ai passé une partie de mon adolescence dans une cave en demi-sous-sol éclairées par une misérable meurtrière verticale qui laissait tout juste passer quelques pauvres rayons d'un soleil méridional qui avaient déjà beaucoup de mal à percer au travers de la cour intérieure autour de laquelle étaient serrées des salles de classe pour accueillir les secondes au Lycée Thiers, célèbre établissement scolaire du centre ville Marseillais (tout le monde à lu Pagnol, lui aussi en parle). Ces lieux étroits s'ouvraient derrière des murs d'un mètre cinquante d'épaisseur ce qui réduisait d'autant, jusqu'à l'étouffement, l'espace dans lequel vivaient les élèves toute la journée exception faite des cours de sciences et d'arts - salles qui n'étaient pas beaucoup plus vastes mais peut-être légèrement mieux éclairées, pour la partie artistique, avec deux fenêtres, tout en hauteur aussi, au lieu d'une. Je ne dis rien des ruelles sombres, bordées d'hôtels borgnes par lesquelles il fallait passer pour atteindre ces "petites classes" ni du portail blindé en métal qui donnait l'impression que l'on entrait dans une prison de haute-sécurité. Entrée beaucoup moins accueillante que celle des grandes écoles (HEC, Matsup, les cagnes, autre versant du lycée) qui jouxtait l'école des beaux-arts et donnait sur une enfilade impressionnante de bouquinistes qui bordaient le cours Julien, en descendant, jusqu'à la Canebière. Que dire sur le réfectoire en second sous-sol ? On avait l'impression en sortant de notre cave humide, étroite et mal éclairée, pour descendre dans une autre encore plus basse, de passer du statut de cafards ou de rats à celui de taupes. En comparaison, le lycée Saint-Exupéry - alias Lycée Nord - construit dans la seconde moitié du XXeme siècle avec une application non systématique mais efficace des cinq points de l'architecture de style international prônés par Le Corbusier que l'on pourrait résumer à l'utilisation de la dalle de béton posée sur pilotis qui libère les murs de leur fonction de portance des étages supérieurs et permet de donner de la transparence, de la légèreté et de la lumière au bâti tout en maximisant les espaces habitables qui ne sont plus dévorés par l'épaisseur des murs, c'est le jour opposé à la nuit ; le paradis opposé à l'enfer, ou du moins le purgatoire. De plus, cette cathédrale de béton était - est toujours, il me semble - construite à flan de coteau et orientée vers le golfe de l'Estaque. Ainsi, en se mettant sur le bout des pieds, au travers des fenêtres en bandeau qui couraient tout le long du bâtiment, on pouvait entrevoir non seulement la mer mais aussi le décor qui avait inspiré le cubisme à Picasso au début du siècle. Et le cadre de vie ? On était loin du théâtre du Gymnase, certes, mais on avait à disposition pendant les récréations des jardins gigantesques descendant en étages, à la manière des parcs baroques italiens, vers les plateaux de sport, avec grotte, plan d'eau et cascades qui donnaient l'impression d'être des aristocrates de la seconde renaissance.



Pour revenir au dossier, j'apprécie la distance, et surtout la discrétion, avec lesquelles a été traité le scandale des penchants bruns de Le Corbusier. Où se trouve la pertinence de faire aujourd'hui un procès à ce type d'architecture en ressortant des amitiés mal orientées de la part d'un de ses promoteurs ? Pour se rendre compte du peu d'intérêt de cette démarche, je ne propose pas de remettre le personnage dans son époque (la montée des fascismes est générale en Europe entre 1920 et 1940, comment pouvait-on seulement éviter de fréquenter quelqu'un qui en faisait partie à ce moment-là ?) mais de comparer l'œuvre à celle des principaux architectes de ces régimes. Alors oui, il faut bien reconnaître qu'il y a une certaine ressemblance avec l'architecture italienne de l'époque. Encore faut-il replacer les choses dans leur développement chronologique et déterminer qui a copié quoi. L'architecture moderniste n'est pas inspirée par un choix politique. Ce n'est pas un projet de société mais plutôt une adaptation au développement technologique et industriel de la société. Est-ce qu'il faut se dire que tout ce qui s'est construit dans les villes modernes du siècle dernier est inspiré par une esthétique fasciste ? Faut-il tout détruire, tout casser parce qu'un ou deux journaleux en mal de publicité ont ressorti quelques faits mal odorants ? Et quels faits : on l'accuse d'avoir été d'extrême droite au début des années 20 et une taupe bolchévique à la fin - on croit rêver ! Si on doit vraiment faire une analyse plastique des œuvres, on s'aperçoit clairement que les architectes qui transigent et font des aménagements avec une esthétique passéiste, sont du coté des chemises brunes. On sent chez eux encore une certaine tendance à "habiller" l'architecture. A mon avis, rien ne justifie la superposition des idées. "Ville Nouvelle" et "Esprit Nouveau" n'ont rien à voir avec "ordre nouveau" qui n'a de nouveau que le nom. Par ailleurs, si on porte le regard sur l'architecture nazis, si on s'intéresse un instant aux idées d'Albert Speer - architecte officiel du régime - qui prévoyait au travers de ses projets à l'échelle nationale des ruines pour mille ans, on est bien loin des propos que l'on trouve dans la revue l'Esprit Nouveau où c'est clairement l'habitat individuel - la maison - qui est visé pour un accomplissement personnel et pas du tout la gloire de l'état dans des constructions colossales. Si on va plus loin encore, les goûts esthétiques d'un Adolf Hitler étaient diamétralement à l'opposé de tout ce qui animait Le Corbusier. Que l'on songe un peu : le premier voyait dans Paris la plus belle des villes du monde et le second un espace tout juste bon à être rasé pour construire des cités sur pilotis pour faciliter la circulation des citoyens et de leurs véhicules. Hitler avait beaucoup d'admiration pour l'opéra Garnier qui est à l'opposé de tout ce que peut être le modernisme et le fonctionnalisme en architecture, autrement dit une architecture du décor, un habillage et une tromperie architecturale. Enfin, n'oublions pas que le Bauhaus qui a développé des idées proches de celles de Le Corbusier pour la construction d'une maison où la place serait faite principalement à la lumière, à l'air, à l'ouverture, cet institut est fermé par les nazis en 1933. Joseph Goebbels déclarait en 1935 : « J'ai trouvé dans le Bauhaus l'expression la plus parfaite d'un art dégénéré ».



Il n'en demeure pas moins qu'habiter la modernité pose un problème et on peut se demander comment les idées qui sous-tendent si généreusement l'architecture moderniste ont pu être pénalisées, abâtardies, détournées et tordues au point de rendre aussi invivables les grands ensembles construits pour reloger les sinistrés de la seconde guerre mondiale - puis la vague de rapatriés d'Algérie dans les années 1960 et celle des émigrés à la fin des années 60 début des années 70. Raison pour laquelle je vais maintenant me plonger dans les actes du colloque éponyme : "Habiter la modernité" (et peut-être creuser encore un peu les écrits de Le Corbusier en continuant la lecture de Vers une Architecture).

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Dossier de l'art - HS, n°6 : Jean-Léon Gérôme

Ce hors-série de Dossier de l'art se présente comme un très bon document pour ceux qui n'auraient pas vu l'exposition sur Jean-Léon Gérôme au musée d'Orsay, pour ceux qui y seraient allés sans lire les textes et sans se documenter avant leur visite, ou encore pour ceux qui veulent se rafraîchir la mémoire. En effet, la revue épouse parfaitement le point de vue de l'exposition et déroule un à un les thèmes qu'elle aborde, avec, en exergue, cette idée qui a guidé les commissaires d'exposition tout au long de leur projet : Gérôme est un fabricant d'images complètement à part.



A travers plusieurs thématiques, dont l'accueil fait à Gérôme par la critique de l'époque, son rapport à la peinture d'histoire, à l'Orient, à la sculpture, se dresse le portrait d'un artiste moins académique et beaucoup plus intéressant qu'on a pu nous le laisser penser au vingtième siècle, période pendant laquelle on avait coutume de juger les œuvres et les artistes à travers le prisme étroit d'une certaine modernité (celle de l'impressionnisme, du fauvisme, du cubisme et de l’abstraction). Alors évidemment, on sent bien ici que Gérôme n'est pas un révolutionnaire à la Picasso ou à la Kandinsky ; il n'empêche que, au-delà d'un métier (au sens technique et artisanal du terme) dans lequel il excellait et dont il était très fier, il a su faire preuve d'une originalité qu'on a longtemps ignorée. Avec lui, la peinture d'histoire, moribonde, prenait un tournant, et voilà qui est très bien mis en valeur dans ce Dossier de l'art qui lui est consacré. De plus, c'est un plaisir de profiter des reproductions des œuvres de ce coloriste hors-pair, notamment de celles liées à l'Orient.



Le défaut majeur de ce numéro, en revanche, c'est que ce leitmotiv du fabricant d' images, qui est celui de l'exposition, est martelé à l'envi dans quasiment tous les articles. On peut pratiquement affirmer que l'ensemble du hors-série tourne autour de cette unique idée. On veut tellement nous convaincre qu'on nous répète en gros la même chose, inlassablement, sur tous les tons, ce qui se révèle légèrement fatigant. D'autant qu'il n'était nul besoin d'insister autant, les arguments des commissaires de l'exposition, avancés dès l'entretien dans les premières pages, se tenant très bien. Ce hors-série se veut finalement un peu trop inféodé à l'exposition elle-même.



J'ajouterai également que lesdits commissaires d'exposition ont une fâcheuse tendance à se laisser aller à des digressions lorsqu'ils répondent aux questions de la journaliste, donnant l’impression de réciter leur texte bien sagement, l'un après l'autre. Je ne suis pas non plus très convaincue par la thèse qui voudrait que Gérôme ait influencé le cinéma américain ; je ne l'étais déjà pas lors de l'exposition. C'est un sujet qui mériterait d'être mieux développé, s'il le mérite, notamment par l'intervention de spécialistes du 7ème art. Enfin, l'article sur l'atelier de Gérôme m'a laissée pantoise : je n'en revenais pas qu'on y présente le peintre comme un modèle d'ouverture d'esprit, alors qu'il est bien connu qu'il a eu des rapports très difficiles avec Odilon Redon, qui fut son élève, parce que celui-ci ne se pliait justement pas aux méthodes académiques de son professeur !



Cela dit, il reste intéressant de se référer à ce hors-série pour aborder l'art de Gérôme, entre autres pour les analyses des œuvres Corinthe, Pollice verso et L’Éminence Grise. Mais c'est une lecture qui mérite d'être complétée afin de parvenir à une vision un peu plus fine de l'artiste.
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Dossier de l'art, n°229 : Le Corbusier et l..

Un Dossier de l'Art, qui fait bien sûr écho à l'exposition "Le Corbusier Mesures de l'homme" au Centre Pompidou (pour le cinquantenaire de sa mort), et prend le parti de présenter l'architecte sous la bannière du modernisme dont il fut l'une des figures dans l'entre-deux guerres ; ce numéro s'attarde judicieusement sur quelques-unes parmi les plus belles réalisations liées à ce courant, de l'Europe aux Etats-Unis, comme ces villas luxueuses des années vingt et trente, où furent parfois tournés des films, que la photographie met somptueusement en valeur. Villa Noailles, Villa Paul Poiret, Villa Savoye ou Villa Cavrois, pour n'en citer que quelques-unes en France, ou encore l'incroyable maison sur la cascade de Frank Lloyd Wright en Pennsylvanie, la villa Mairea en Finlande d'Alvar Aalto. Un patrimoine parfois abandonné, mal aimé et qui fait maintenant l'objet de toutes les attentions, comme en témoigne la restauration récente et spectaculaire de la villa Cavrois près de Roubaix. L'article consacré à son créateur, Mallet-Stevens (1886-1945), et à la renaissance de la villa donne vraiment envie d'aller la visiter. L'architecture privée fut un terrain d'expérimentation remarquable pour Le Corbusier (1887-1965) aussi, dont la villa Savoye (1928-1931) à Poissy peut être regardée comme le manifeste d'un modernisme international. Sauvée de la destruction en 1958, elle est classée monument historique en 1962, grâce à l'intervention d'André Malraux.



L'entretien accordé par l'un des commissaires de l'expo , Frédéric Migayrou, à Armelle Fayol du magazine, retient l'attention et apporte quelques éclaircissements sur les objectifs de l'exposition : montrer que les sources artistiques, intellectuelles ou scientifiques de la pensée de Le Corbusier, nourrissant sa vision du corps humain, offrent la possibilité d'une (re)lecture de son oeuvre qui ne soit pas essentiellement métrique et rationaliste. Sa peinture est largement associée à cette nouvelle approche où la perception tient une place importante. Si le contexte politique de la création n'est pas évoqué, reproche essentiel adressé au Centre Beaubourg au moment où paraissent trois livres mettant en cause les affinités fascistes de Le Corbusier, l'expo que j'ai vue ne m'en paraît pas moins très convaincante. Elle contribue efficacement à mieux faire connaître l'oeuvre et ses sources, conditions préliminaires indispensables pour l'évaluer d'un oeil nouveau, prendre de la distance et rester critique à son égard, et plus fondamental, elle interroge directement sur la place tenue par l'idéologie dans le processus créateur de l'artiste, d'une manière générale.



L'origine du modernisme est à rechercher en Allemagne (Werkfund), né en 1907 du rapprochement entre des artistes, des architectes et des industriels auxquels Le Corbusier s'est joint. Le pragmatisme des débuts se cristallise ensuite autour de l'idée de "l'homme nouveau", après la première guerre mondiale, que l'enseignement du Bauhaus, créé à Weimar en 1919, relaie dans toute l'Europe, grâce à la diffusion de nombreuses revues qui voient le jour un peu partout. Une vision neuve et fonctionnelle de l'habitat s'impose où tous les arts sont sollicités. Bâtir une architecture de l'avenir intégrée à un rêve social qui soit en rapport avec l'homme nouveau, dans un nouveau style de vie, tel est plus ou moins le credo. L'historienne de l'art Fabienne Chevallier ("Le modernisme en neuf architectures phares") revient sur les enjeux qui soutendent les logiques du modernisme : technologiques, artistiques et sociaux. Ayant travaillé quelques mois dans le cabinet berlinois de Peter Behrens aux côtés de Walter Gropius et de Mies van der Rohe, Le Corbusier, sensibilisé au contexte culturel allemand, s'installe en France (1917), fonde la revue "Esprit nouveau" en 1920, construit le pavillon de l'Esprit nouveau en 1925, l'une des icône du modernisme. Neuf réalisations très emblématiques du modernisme, en Europe et aux Etats-Unis sont soumises au lecteur et complètent utilement un dossier dejà riche en textes et en images.



Le Corbusier naturalisé français en 1930 se présentait comme "homme de lettres" ; des écrits, il en a produit beaucoup, sur bien des sujets, (une quarantaine d'ouvrages et des centaines d'articles). Souvent assez dogmatiques ou plus lapidaires. Son manifeste "Cinq points pour une architecture nouvelle" (1927) a fait de lui une vedette internationale mais ne saurait résumer son programme. Le Corbusier a surtout pris la mesure des changements induits par le développement des transports et la part prise par la vitesse dans une révolution des habitudes et des moeurs. Théoricien mais expérimentateur, il a pu en traduire les répercussions immédiates dans des formes architecturales adaptables partout sur la planète. C'est l'un des nombreux paradoxes de ce créateur, aussi fascinant que dérangeant, qui peignait chaque jour, sculptait aussi, mais qui n'a en somme que peu construit : un peu plus de soixante dix oeuvres au total, comme le souligne finement Gilles Ragot de l'Université Bordeaux Montaigne ("L'oeuvre universaliste de Le Corbusier"). Vision planétaire et sociale de l'architecture, dont Gilles Ragot pointe bien toutes les contradictions en germe et qui n'a pas fini de produire du discours et autant de débats ; son travail s'amorce dans les lignes pures de la splendide villa Savoye (1928-1931), se décline ensuite à Chandigarh en Inde (1955), ou dans l'unité d'habitation de la Cité radieuse de Marseille (1945-1952), comme dans la courbe du voile de béton de la chapelle Notre-Dame-du-haut de Ronchamp (1950-1955) ; autant de créations dont l'architecture post-moderniste utilise encore souvent le vocabulaire.



"Le Corbusier peintre" est évoqué par l'historienne de l'art Cécilia Braschi : c'est l'une des découverte que l'on peut faire de l'artiste polymorphe dont on connaît beaucoup moins ou peut-être pas du tout l'oeuvre peint ou l'oeuvre sculpté, et cependant à l'origine du purisme en 1918, avec Amédée Osenfant. Cycle pictural orienté autour d'une recherche formelle d'ordre et de rigueur qui se manifeste dans la production de nombreuses natures-mortes composées d'objets manufacturés jusqu'en 1925, auxquelles viennent s'adjoindre ensuite des figures féminines et l'introduction d' "objets à réaction poétique", jusqu'à des formes dites "acoustiques", développées en série, plus tard. Sa collaboration très réussie avec l'ébéniste Joseph Savina s'inscrit dans l'idée d'une synthèse des arts. Ce versant de sa création est parfaitement montré, dans son rapport entretenu avec le travail d'architecte, dans trois des douze salles que permet le parcours de l'exposition du Centre Pompidou et que Dossier de l'art restitue pour partie. Le modernisme affecte aussi les arts décoratifs, ce que ce dossier n'oublie pas, en présentant quelques créations issues du cabinet que Le Corbusier, associé à son cousin Pierre Jeanneret, avait créé en 1922 ; de leur fructueuse collaboration avec Charlotte Perriand ou Jean Prouvé ; les créations de Mallet-Stevens, Eero Saarinen ou Charles Eames réjouiront les amateurs de design ("Le mobilier moderniste").



Lecture que je conseillerais absolument à tous ceux qui s'intéressent à l'architecture ; pas forcément indissociable de l'exposition. Le contexte moderniste valorisé par l'image et les textes très nuancés permettent d'élargir l'angle de vue plus strictement corbuséen retenu par l'exposition qu'on peut encore voir jusqu'au 3 août.
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Dossier de l'art, n°228 : Poussin et Dieu

Nicolas Poussin, considéré comme l'un des grands peintres classiques du Grand Siècle avec Philippe de Champaigne, Claude Lorrain... passa quarante ans sans bouger de Rome. Ses succès en Italie parvinrent aux oreilles de Louis XIII et Richelieu qui l'attirèrent à Paris où il fut nommé peintre royal pendant deux ans ; puis il retourna définitivement à Rome où il était toujours considéré comme un grand peintre français et où il était le représentant quasi officiel de la Couronne.

"Ma nature, écrit Poussin, me pousse à rechercher les choses bien ordonnées et à fuir la confusion qui m'est contraire et ennemie, tout comme les ténèbres le sont à la lumière".
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Dossier de l'art, n°236 : Jérôme Bosch, visio..

Oeuvres transmises, perdues, cachées, détruites, réapparues, copiées, démembrées, vendues, volées, rachetées et finalement disséminées de par le vaste monde. L'histoire de l'art s' apparente à un jeu de piste où sont menées des enquêtes d'un genre un peu spécial, le plus souvent jamais vraiment élucidées. Certaines oeuvres de Jheronimus Bosch (entre 1450 et 1455 - 1516) sont aussi sujettes à quelques "embrouilles" d'experts et ce Dossier de l'art s'en fait l'écho. Certaines, probablement perdues, sont connues par les copies de suiveurs de l'artiste. Certaines signées, à priori autographes, suggèrent cependant le doute et d'autres encore, réputées de son atelier, seraient pourtant de la main du maître. Allez savoir… Cinq siècles plus tard, si de nombreuses questions sont toujours loin d'être résolues, le portrait de l'artiste, lui, commence à se faire plus précis.



Quatre morceaux d'un même polyptyque dont la paternité n'est pour le coup pas contestée - la partie centrale est perdue -, séparés par l'atlantique (deux en Europe, deux aux E.U.) se trouvent actuellement réunis par la grâce d'une rétrospective que sa ville natale de Bois-le-Duc dédie à Jérôme Bosch. Ils suffiraient à eux seuls pour raconter l'extraordinaire fortune de l'oeuvre de ce peintre né et mort en Brabant septentrional à la fin de l'âge gothique et à l'aube de la renaissance ; il s'agit de : « La nef des fous », conservée au Louvre ; « Le Voyageur », à Rotterdam ;  « La mort de l'avare » ou « L'usurier », à Washington ; et « La Gloutonnerie » à New Haven. A côté d'oeuvres plus immensément connues, comme « Le Jardin des délices » et « Le Chariot de foin » (signé, mais que des historiens attribuent à un peintre de l'atelier), conservées toutes les deux au musée du Prado, ou des trois triptyques vénitiens prêtés par la Gallerie dell'Accademia ou le musée du Palazzo Grimani, le lecteur découvre avec ébahissement, dans ce numéro édifiant, combien l'oeuvre de Bosch est sujette à de très épineuses et délicates questions d'attributions et de chronologie, autant que susceptible de se prêter à un champ d'interprétations inépuisables.



L'événement, introduit par le commissaire de l'exposition Charles de Mooij, fait bruisser le petit monde de l'art car l'état des recherches a beaucoup progressé ces dernières années, révélant son lot de surprises. Les études récentes liées aux douze campagnes de restauration menées ici et là depuis 2009, ont permis en effet aux experts de mieux délimiter le périmètre des oeuvres attribuées à Jérôme Bosch, vingt tableaux et dix-neuf dessins en tout et pour tout, en l'état actuel des connaissances. Les résultats sont mis à la disposition du public dans l'imposante monographie qui accompagne l'exposition. Mais, à tous ceux qui ne pourraient la lire, ce numéro offre vraiment de quoi satisfaire toutes leurs curiosités. Deux dossiers passionnants, pour leurs aspects à la fois scientifiques, techniques et méthodologiques, documentent l'un, la restauration des triptyques vénitiens par la main experte de Maria Chiara Maida de l'Accademia de Venise, et l'autre, celle de « La Nef des fous », le seul Jérôme Bosch du Louvre acquis en 1918, racontée à plusieurs voix par l'équipe du Centre de Recherche et de Restauration des musées de France. Scotchant, pour ceux que le sujet intéresse.



Toutes considérations indispensables qui n'occultent en rien, bien entendu, l'essentiel : la belle composition visuelle de ce numéro chargée d'apporter son appui au décryptage d'un univers étrange (dans lequel le roi d'Espagne Philippe II voyait « une satire peinte des péchés et des délires des hommes »), remis au goût du jour au XXe siècle par les surréalistes. Car le répertoire absolument personnel de Bosch, dominé par une profusion de créatures fabuleuses ou monstrueuses, inquiétantes, frappe immédiatement, continue de fasciner et d'interroger le spectateur du XXIe siècle. L'évocation du contenu et de la symbolique complexe des grandes oeuvres est rendu accessible par les commentaires précieux de deux spécialistes, sans les lumières desquels elles resteraient probablement hermétiques. Leurs deux points de vue se complètent d'ailleurs parfaitement et restituent la cohérence de ces représentations au sein de l'oeuvre entier, affinant et précisant au passage l'image d'un artiste volontiers taxé d'ésotérique.



L'un, Frédéric Elsig, après l'exposé des éléments biographiques concernant le peintre et son atelier et les indispensables clés stylistiques permettant d'aborder l'oeuvre ("Qui est Jérôme Bosch"?), examine « L'au-delà selon Jérôme Bosch ». Autrement dit les idées philosophiques et religieuses qui alimentent ses « visions » et qu'illustrent les oeuvres majeures dites eschatologiques - où son imagination est totalement débordante -, telles les jugements derniers de Vienne et de Bruges, mais surtout le fameux triptyque du «Jardin des délices », conçu comme une réflexion possible sur la destinée humaine, la représentation d'une utopie en réponse à une question théologique posée au XVIe siècle (p.34) . Alexis Merle du Bourg explore, lui, à la fois une peinture religieuse nettement moins « excentrique », inspirée des épisodes de la vie de Jésus – Nativité, scènes de la passion, représentation des saints ou des prophètes – (« L'oeuvre de Dieu"), et une peinture d'inspiration profane, très populaire largement diffusée par des copies, narrative, en prise avec un monde hanté par le péché, dont les sujets empruntent aux croyances, proverbes, divertissements ou travers de l'époque, (« La part du diable »).



Bosch renouvelle ainsi la tradition flamande : verve satirique et fantaisie débridée au service d'un humanisme cependant foncièrement pessimiste, nourri aux sources littéraires de son époque (« L'ars moriendi », « La Nef des fous » de Sebastian Brant publiée en 1494, ou encore les manuscrits enluminés peuplant les scriptoria des nombreux monastères de Bois-le Duc). Dans la droite ligne du répertoire très populaire de Jérôme Bosch, Pieter Bruegel l'ancien reprend et adapte plus tard son illustre maître, assurant leurs deux passeports pour la postérité.



Comme à son habitude, le magazine renvoie in fine à un dossier complémentaire : page dédiée à Philippe le Beau, duc de Bourgogne et mécène ; quelques autres à la découverte du Brabant septentrional et de ses villes, pour un itinéraire touristique et artistique organisé en 2016 à l'occasion de l'année Bosch ; « La Nef des fous »  de Sebastian Brant : flash sur une oeuvre littéraire de grand succès, publiée en allemand en 1494, et un ultime contrepoint contemporain, hommage du plasticien Jan Fabre à Jérôme Bosch.



Incontournable lecture avant de se rendre à Bois-le-Duc.



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Dossier de l'art, n°226 : Les trésors du musée ..

La Renaissance a son musée et on l'oublie trop souvent ; ouvert en 1977, sur une idée d'André Malraux, au château d'Ecouen, dont on ne saurait que trop conseiller la visite. Bâti sur un ancien site médiéval dont il ne reste rien et reconstruit vers 1538, il offre par son architecture élégante - liée aux noms de Jean Bullant et de Jean Goujon - et ses collections précieuses, issues pour la plupart des réserves du musée de Cluny, un témoignage vivant de la Renaissance française et, d'une manière plus générale, participe au rayonnement de la renaissance européenne. Ce numéro que Dossier de l'art lui consacre en est une superbe mise en lumière. Une visite avant la visite en quelque sorte, ou même après.



Présentons d'abord le maître des lieux, Anne de Montmorency (1493-1567), qui reçut le prénom de sa marraine, Anne de Bretagne. Connétable de son état, ami de François 1er et d'Henri II, dont le portrait par Léonard Limosin - peinture à l'émail sur cuivre datée de 1556, dans son cadre d'époque, conservé au musée du Louvre -, est reproduit en majesté p 83. C'est mon coup de coeur : l'homme à l'air bienveillant, son teint frais surprend et on adore le rendu délicat de l'étole d'hermine qui le fait paraître encore plus rose ! Un chef-d'oeuvre renaissant de l'émail peint de Limoges. Les pages réservent bien d'autres surprises.



Revenons à la lecture en son début. Simplicité absolue d'un découpage éditorial faisant passer le lecteur des élévations extérieures novatrices de l'époque, aux amènagements et aux décors intérieurs conservés où se note parfois l'influence de Fontainebleau (lambris, trumeaux de cheminées, escaliers, carreaux de pavement) puis aux nombreux et riches objets de collections en dépôt : mobilier, tapisseries et cuirs, vitraux, céramiques, émaux, verrerie, armes, dinanderie, horlogerie, cadrans solaires, astrolabes etc. On n'a pas forcèment de goût pour tous, mais on ne peut s'empêcher d'admirer, parfois un détail, que la photo et la très belle mise en page mettent en relief. Un parcours passionnant au coeur des arts décoratifs qui donne la pleine mesure du foisonnement artistique et des échanges à la Renaissance, "boostés" par la diffusion des modèles que favorise le développement de la gravure. Sculpteurs, ébénistes, peintres-verriers, lissiers ou céramistes d'ateliers flamands, italiens ou français rivalisent d'ingéniosité et de talent pour placer des arts, qui ne sont pas alors considérés comme mineurs, à un niveau de virtuosité étonnant quand ce n'est pas spectaculaire.



C'est par l'architecture et son vocabulaire repris de l'antique que s'ouvrent les portes du château : plusieurs très belles photos du bâtiment, et notamment, l'incontournable avant-corps de la façade de la cour sud et son ordre colossal spectaculaire abritant les deux captifs de Michel Ange, dans leurs niches (copies). L'exceptionnelle tapisserie de David et Bethsabée étant une autre prouesse qui surprendra le visiteur sur ces lieux, ou encore, la ravissante Daphné d'argent doré coiffée d'un buisson de corail (Nuremberg, 1500), pour laquelle j'ai un petit faible. Pas question de tout recenser.



Le château d'Ecouen tombe dans l'escarcelle des Condé au XVIIe siècle, qui lui préfèrent Chantilly autre possession de notre connétable esthète ; les Condé procèdent à de nombreux transferts. Nombre des trésors des collections ont été détruits ou saisis à la Révolution et confiés ultérieurement au musée des Monuments Français ou plus tard au Museum central des arts, ancêtre du Louvre actuel, qui les remet parfois en dépôt en leur lieu d'origine, ainsi va l'histoire. Ainsi, une belle copie de La Cène, attestée à Ecouen depuis le début du XVIIe siècle au moins, est-elle réinstallée en 1980. Exécutée en 1506-1509 par Marco d'Oggiono, d'après Léonard de Vinci, l'une des plus ancienneps et intéressantes copies qui soient (sur toile), de la célèbre fresque du maître florentin, et qu'on peut voir aujourd'hui dans la chapelle du château : deux pages d'informations complémentaires sur l'histoire de la fresque et des innombrables copies qu'elle a suscitées sont fournies au lecteur.



Le dossier Ecouen "hors les murs", à la fin du numéro, propose aux randonneurs impénitents de retrouver, les oeuvres, les éléments architecturaux ou de décors dispersés. L'autel ainsi que des verrières et une série de 44 vitraux en grisaille (ayant pour thème les amours de Psyché et Cupidon) destinée à la galerie occidentale d'Ecouen, ont été remontés au Château de Chantilly ; de même les originaux des deux captifs de Michel-Ange cités plus haut sont désormais visibles au musée du Louvre qui conserve, par ailleurs, plusieurs autres trèsors d'Ecouen dont la pietà de Rosso Fiorentino, peinte entre 1530 et 1540. Quelques itinéraires complémentaires sont judicieusement conseillés, de l'église paroissiale d'Ecouen jusqu'aux collections des émaux de Limoges. Les plus curieux pourront s'aventurer, hors de France, et prendre contact avec d'admirables collections contemporaines de celles d'Ecouen à Londres (Victoria and Albert Museum), Rome (musée du Vatican), Florence (Le Bargello), Dresde (musée de la Voûte verte) et New York (Metropolitan Museum of Art). Belles perspectives à tous ces voyageurs potentiels.



A pied, à cheval ou à vélo, plus probablement en RER (l'arrivée par la forêt est tout à fait recommandée), précipitez-vous à Ecouen pour une complète Renaissance.
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