Je n'ai jamais réussi à être moi-même face à ce père si faux et superficiel. La seule chose qu'on a construite ensemble, c'est un mur pas droit entre nous. Chacun mettait un bloc à son tour. Je ne sais toujours pas qui il est.
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J'étais une poupée de chiffon, plus aucune force, plus aucune volonté... Un robot à qui on dit "Mets-toi là et fais ça" et j'obéissais. Et pourquoi j'obéissais ? Je ne ressentais plus rien... Je n'étais plus dans mon corps... il n'y avait plus qu'à attendre, attendre la fin.
Il m'a laissé ma virginité cette nuit-là, oui. Il m'a pris tout le reste, ma confiance en l'adulte, mon sommeil, mon enfance, mon cœur.
Il m'a juste laissé un champ de ruines.
À chaque fois que j'en parlais, que j'osais m'ouvrir, la réaction des adultes était tellement décevante. C'était d'autant plus difficile de m'en remettre....
Les règles c’était pas drôle, mais ça pouvait se cacher, personne ne le savait. Mais… l’acné ! Ça, c’était un réel problème visible
- Je n’avais pas de protection hygiéniques, alors je devais faire avec les moyens du bord : du papier toilette. Et ça impliqué d’aller souvent vérifier que tout était OK… Pas très pratique.
- Le papier toilette, ça se mange pas, hein… Pendant la guerre on faisait attention !
- Oui, mamie…
(Quarante ans que la guerre est finie, mamie…)
Mais c'était un secret joyeux. Ceux qui rendent tristes, il faut les partager pour qu'ils ne fassent pas de nœuds.