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Critiques de Adam Johnson (43)
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La chance vous sourit

La volonté suffit-elle pour échapper à ce que la vie a inscrit en nous?

*

Tel est le thème majeur (le fil conducteur) de ces six nouvelles d'un écrivain à l'avenir prometteur. Ce recueil a reçu le National Book Award Fiction en 2015. Et c'est mérité d'après moi.

*

Un conseil de lecture: lisez -en une à la fois, jamais deux en une journée. Savourez le texte, l'histoire, laissez infuser, digérez, analysez si vous voulez. C'est de cette façon que vous ressentirez la pleine puissance d'évocation.



Enfant prodige sorti d'atelier d'écriture, l'auteur arrive avec brio, malgré des dispositifs narratifs sophistiqués, a créer cette sensibilité qui est l'essence même d'un très bon écrivain.

Chaque histoire, dotée d'anti-héros, a cette finesse de propos, une subtilité dans des situations dissonantes (telle le pédophile qui lutte contre ses pulsions, l'absence de regrets de la part d'un ex-Stasi sur ses méfaits, une femme tétraplégique hésitant entre se tuer ou faire un enfant). On pourrait être choqué par ces histoires atypiques, dont la narration pourrait surcompenser par des débordements à coup de mouchoir. Mais la maîtrise est parfaite.



Bouleversantes, justes, et avec une seule question : est ce que l'homme doit lutter contre ce qui le détermine ou peut-il s'arranger avec sa vérité?



Chapeau bas, Mister Johnson !

*

Lu dans le cadre du #Picaboriverbookclub sur FB

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La vie volée de Jun Do

Comment écrire sur la Corée de Nord? Ou plus exactement, comment écrire une oeuvre de fiction qui ne soit, par là-même, une approbation du régime? Car la dictature héréditaire des Kim a perfectionné le roman national comme aucun autre pays. Dès lors, quelle vérité un roman sur la Corée peut-il apporter? Adam Johnson peut-il ne pas être un allié objectif de la propagande nord-coréenne, puisqu'il emploie les mêmes subterfuges qu'elle, en donnant à croire ce qui n'est pas?

Bon, on se doute bien que Johnson a quelques billes et qu'il s'est largement documenté avant de traiter le sujet. Mais le livre s'intéresse peu aux faits: c'est l'art de la fiction qui l'intéresse, et une question fondamentale qui le taraude: qu'est-ce que la vérité?

Le roman, tel qu'il apparaît dans la table des matières, est composé de deux parties: une biographie et une confession. Mais il est plus complexe encore car différentes voix narratives s'entremêlent et les histoires y sont sans cesse réinventées ou interprétées. Si un marin manque à l'appel, le reste de l'équipage lui invente une mort honorable pour ne pas être contaminé par sa traitrise. Si une délégation est invitée par les Américains pour un pique-nique, elle hurlera à l'humiliation pour avoir dû manger avec les doigts. Mais est-ce mentir que de croire à ce que l'on affirme? le cher dirigeant est persuadé que l'otage qu'il torture est secrètement amoureuse de lui. Or le syndrome de Stockholm existe bel et bien. Et la propagande la plus éhontée ne ment pas toujours quand elle rapporte certaines exactions américaines. Si l'art officiel mythifie la fille du peuple, la femme qui l'incarne peut susciter un amour vrai...

De cet immense jeu de cache-cache entre vérité et mensonge, Johnson parvient à tirer deux enseignements:

- Ce n'est pas la propagande qui fait la dictature mais l'unanimité. le roman dit la vérité puisqu'il multiplie ici les narrateurs; et quand bien même ce ne serait pas le cas, il la dit, puisqu'un auteur de fiction n'a pas plus de légitimité qu'aucun de ses personnages ou de ses lecteurs.

- Il y a pire que l'union sacrée contre le bouc émissaire pour détruire la démocratie: c'est la haine de soi. Quand les enfants dénoncent leurs parents et que les époux se méfient l'un de l'autre, là se trouve la pointe acérée du fascisme. Et Johnson lui oppose une très belle valeur: l'intimité, "quand deux personnes partagent tout, quand il n'y a pas le moindre secret entre eux".

Quoi, c'est pas gai, comme bouquin ? Forcément, amis lecteurs, ça parle quand même d'une des pires dictatures qui soit. Mais comme disait peu ou prou cette chère Marguerite D., ça fait mal, oui, et ça fait du bien.
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La chance vous sourit

Aimant désormais les nouvelles depuis que j’ai compris l’importance de les lire différemment pour les apprécier, j’ai pris mon temps pour découvrir les six novellas de La chance vous sourit d’Adam Johnson, traduites par Antoine Cazé, picorées une à une entre deux autres lectures.



Et j’ai bien fait tellement ce recueil nous plonge dans des univers très différents : ici la Louisiane post-Rita ; là, la Corée et sa blessure géographique toujours béante ; ou plus loin les décombres de l’ex-RDA. Pas d’unité de lieu donc. Ni de temps, ni d’action. Normal, on est loin d’une écriture ou d’un recueil classique.



Le point commun de ces textes brillants se trouve chez les protagonistes : des personnages à des tournants de leur vie, qui s’interrogent et hésitent souvent à saisir cette chance qui semble leur sourire mais les inquiète en même temps. Des femmes et des hommes en questionnements décisifs.



Mieux accompagner sa femme grabataire et accepter son évasion ailleurs ? Profiter de la page blanche qu’ouvre un ouragan pour basculer dans une vie nouvelle appuyée sur la paternité ? Que sera la vie des miens une fois que le cancer m’aura emporté ? Mon passé assumé est-il acceptable par d’autres aujourd’hui ? Est-il possible de lutter avec succès contre ses déviances ? Et si mon bonheur personnel se trouvait finalement au Nord tyrannique mais familier plutôt qu’au Sud libre mais étranger ?



Adam Johnson excelle à décrire ces femmes et ces hommes anti-héros du quotidien, déballant les limites de leurs faiblesses devant des situations complexes. Dans un style moderne et délicat, il n’est pas toujours aisé de suivre sa plume au début, mais on s’y habitue et, surtout, l’ensemble fait grand sens à la fin. Déjà consacré par un Pulitzer en 2013, Adam Johnson a reçu un National Book Award pour ce recueil deux ans après. On comprend pourquoi !
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Des parasites comme nous

Immense chef-d'œuvre.

Bien sûr, commencer un avis, aussi court soit-il, par une sorte d'évidence présomptueuse pourrait mener à une catastrophe, mais là il n'en est rien.

L'histoire débute sur une érudition totale, toujours pleine d'humour et de gravité, et enfonce sans peine la myriade de lecture post-apocalyptique qui inonde les librairies depuis un certain moment. C'est vraiment, mais vraiment un grand bouquin. Une très belle lecture. Et puis, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, on a quand même à faire au génie d'Adam Johnson. À lire d'urgence.

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La chance vous sourit

C'est un recueil de 6 nouvelles, une galerie de portraits, des personnages tous à un moment particulier ou charnière de leur vie. Les histoires sont plutôt noires, les thèmes abordés sont la maladie, la mort, la pedopornograpie, l'ouragan Katrina, la torture, l'emprisonnement, les transfuges.

Personnellement j'ai aimé la nouvelle qui se passe à Berlin où un ancien directeur de prison de la Stasi, est confronté à une ancienne prisonnière qui sert de guide à des étudiants. Ce vieil homme qui se promène avec son petit chien semble inoffensif, au début de l'histoire, plutôt sympathique. Quand il se trouve dans l'ancienne prison confronté à une ex détenue qui raconte ce qu elle a vécu et subit , il trouve des excuses à ses agissements, il nie les tortures et les interrogatoires musclés ou les justifie. Il ne voit pas le mal à avoir confisqué certains objets aux détenus et à les avoir offert à sa fille. Il ne se remet pas en cause, il n'a aucune empathie pour toutes les personnes qui ont été emprisonnées et torturées. On voit le danger que peuvent représenter des personnes de ce genre qui ne sont que les maillons d'une chaîne mais qui manipulées, parce qu'elles sont malléables, par des systèmes totalitaires peuvent devenir redoutables et extrêmement dangereuses.

Je remercie les éditions Albin Michel, terres d'Amérique et le Picabo River Book Club qui m'ont permis de découvrir cet auteur d'une grande qualité.
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La chance vous sourit

La novella est un exercice à part, hybride. Plus long qu’une nouvelle, généralement entre 30 et 150 pages, moins long qu’un roman, elle est un intéressant compromis pour développer histoire et personnages. Un genre malheureusement peu développé en littérature (surtout pas dans les pays francophones), l’un des spécialistes en étant Stephen King. Vous ne trouverez d’ailleurs pas le mot dans le Larousse…



Avec ce recueil, Adam Johnson propose six histoires, calibrées entre 35 et 65 pages, qui sont autant de moments forts qui marquent durablement l’esprit du lecteur.



On reproche souvent, à tort, à la nouvelle ou à la novella d’être frustrante et de ne pas être suffisante pour s’attacher au récit et aux protagonistes. Ces six histoires sont une preuve éclatante du contraire. A tel point que je sais, avec certitude, qu’elles resteront longtemps gravées dans ma mémoire, dans mes tripes et dans mon cœur.



Adam Johnson n’est pas un auteur prolifique. Deux romans et deux recueils de nouvelles / novellas. Mais une palanquée de prix, dont le prestigieux prix Pulitzer pour son livre La vie volée de Jun Do. Et ce recueil a été récompensé par le National Book Award.



Posons le constat immédiatement : l’écrivain a un talent fou, et de formidables dispositions de conteur qu’il met entièrement au service de ses histoires et surtout de ses personnages.



Une plume forte et accessible, émotionnellement puissante, expressive, qui propose de nombreux dialogues, vous faisant entrer dans ces chroniques de vie dès les premières lignes. Dont il vous semble connaître les personnages depuis longtemps, une fois la lecture terminée. Du grand art, une capacité étonnante à ainsi raconter et nous faire entrer en empathie.



Et pourtant, ses protagonistes et ses histoires sont singuliers. Tous ont des particularités qui les font sortir du lot.



Étrange choix que cette couverture, qui n’est en lien avec aucune novella. Et n’imaginez pas vous retrouver dans du Nature writing parce qu’on parle de Terres d’Amérique. C’est bien le talent de l’auteur américain qui est mis en exergue, pour preuve deux des histoires se déroulent hors du pays (Allemagne et Corée du Sud), et la technologie ou des événements majeurs servent de terreau.



Hormis l’ambiance doucereuse de la novella-titre, qui se déroule entre les deux Corées, les autres sont noires.



Johnson n’est pas du genre à proposer des intrigues qui ne tiennent qu’avec la surprise finale. Au contraire, ses histoires sont davantage des tranches de vie à des moments clés, avec des fins subtiles, ouvertes et qui font réfléchir.



Elles mettent mal à l’aise, tant les sujets sont forts, les histoires tourmentent, le ton grinçant, les personnages bouleversants. De ceux qui restent imprimés dans votre esprit, qui vous hantent, alors que vous ne les avez que peu fréquentés. Du grand art, vous dis-je.



Ces récits n’ont donc pas grand-chose à voir, dans leurs contextes. Mais on peut y retrouver des obsessions communes en lien avec la maladie, le couple, certaines formes d’amour… Des relations ou comportements dissonants mais qui résonnent pourtant terriblement juste par l’empathie de l’écriture de l’auteur.



La chance vous sourit, titre bien cynique pour des novellas aussi sombres, est un recueil dont on ne peut oublier les personnages. L’immense humanité d’Adam Johnson contrebalance cette noirceur pour proposer des fortunes diverses, de celles qui vous déchirent le cœur mais vous rapprochent irrémédiablement de l’âme de ces êtres de papier. Admirable.



(Le titre original du recueil est : Fortune smiles).
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
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La vie volée de Jun Do

Pak Jun Do et la Corée du Nord. Combien de vies volées comme la sienne ? Cette émouvante histoire nous guide à travers La Corée du Nord, au gré des turpitudes et des caprices d'un «Cher Dirigeant» assoiffé de reconnaissance et de pouvoir (tout comme l'ont étés ses aînés et comme l'est, sans nul doute, son successeur). Jun Do ressent, plus qu'il ne sait, la vacuité de son existence dans ce pays étrange où tout semble irréel. Tellement irréel que, bientôt, il finit par adopter l'identité d'un autre dans l'unique but de survivre. Sa nouvelle identité va le conduire dans une situation plus inconfortable encore, mais va lui offrir un luxe que peu de de ses concitoyens, y compris «le Cher Dirigeant» en personne, n'ont l'occasion de découvrir en ce pays mystificateur. Ce luxe, que nous autres occidentaux, considérons comme acquis, s'appelle l'Amour. Et cet amour, bien qu'il le conduise vers un inéluctable et funeste destin, va lui permettre de comprendre le sens du mot «Liberté». Amour et Liberté, notions et sentiments formellement interdits et sévèrement réprouvés dans ce pays sans foi ni loi où règnent en maîtres la souffrance, la peur, la faim et l'ignorance. Jun Do, être étonnamment clairvoyant, au cœur pur et loyal, va permettre, par son sacrifice, à son Amour Sun Moon et à ses enfants de goûter pour de bon cette Liberté. Liberté chérie de nous tous, et que pour rien au monde, il ne faut accepter de perdre. Roman instructif, édifiant et bouleversant à la fois, La Vie Volée de Jun Do est à lire absolument !
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Des parasites comme nous

Comment carboniser en 460 pages une idée pas si mauvaise que ça, alors qu'il était possible d'en tirer un roman tout à fait consommable tout en limitant la ponction sur la filière papier.



Voilà comment je vois les choses.

Un soir, dégustant une crème glacée devant la télé, Adam Johnson prête une mole attention au programme qui semble captiver son fils. Apparemment le permafrost ne renfermerait pas seulement de jolis mammouths congelés mais aussi pas mal de saloperies microscopiques potentiellement dangereuses.



Et là son sang de romancier ne fait qu'un tour, en voilà une bonne idée pour mon prochain bouquin, en plus il faut que je change ma Porsche.

Vite dit mais pas si simple, même en Amérique!

Souvenez-vous, son sang n'a fait qu'un tour, il n'a déjà plus de jus, mais il pense à la Porsche et à deux ou trois autres trucs agréables qui nécessitent un paquet de dollars. Alors il monte au grenier chercher ses notes de l'Université d'État McNeese et relit quelques bestsellers de ses compatriotes les plus vendeurs.



Article premier du manuel du romancier américain : si ton sujet s'avère mince, que tu ne sais plus quoi en faire mais que tu as déjà dépensé l'avance de ton éditeur, il te reste le Couteau Suisse du roman américain pour noyer le poisson, l'histoire familiale avec drames originels à tiroirs.



Et c'est parti mon kiki, les deux premiers tiers du bouquin se résument (euphémisme ! 300 pages environ! quand même) à présenter les protagonistes et à poser par brides le cadre de la mise en scène finale.

C'est long, convenu, prévisible et truffé de cet humour si récurrent dans les séries TV US qu'il ne fait plus mouche. Seules quelques loufoqueries du "père" m'ont arraché un sourire.



Quant à l'idée fondatrice, elle est expédiée en une centaine de pages où le dantesque cède le plus souvent au ridicule pour déboucher sur un happy end mièvre au possible.



Ne me reste de ce livre qu'une interrogation, quelle est l'origine de cette fixation de l'auteur pour l'usage du fil dentaire qui revient sans cesse tout au long du roman?

Un pari avec son dentiste?



Pour être honnête avec lui je dois mettre à son crédit quelques saillies quant au sort réservé depuis Colomb à ceux que l'on appelle à présent "premiers habitants".

Pas du Jim Harrison, cela mérite d'être mentionné mais ne sauve en aucun cas ce laborieux mélo.



Lecteur croulant sous ta PAL tu pourras allègrement passer ton chemin.
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La chance vous sourit

Adam Johnson, dans son recueil de nouvelles, nous livre six novellas sur les thèmes de l’amour perverti « Prairie Obscure », la famille « Ouragans Anonymes », la maladie « Nirvana » et « Le saviez-vous ? », sur l’évolution du monde contemporain : sur l’ex RDA « George Orwell était un de mes amis », sur les Corées du Nord et du Sud « La chance vous sourit ».



L’auteur maîtrise à la perfection l’écriture des textes. Ils sont courts mais efficaces. Il donne chair à des personnages complexes et avec une justesse impressionnante.



Il nous raconte une Amérique sombre, sans détour. Le titre du recueil est d’autant plus ironique. La chance ne sourit à aucun des personnages. Nous sommes plutôt dans les tréfonds de l’humanité. Les « héros » se perdent dans leur noirceur : par exemple, dans la dernière nouvelle, un Coréen du Nord qui a pu s’échapper de l’enfer et rejoindre la Corée du Sud n’arrive pas à s’acclimater à cette nouvelle société et préfère retourner dans le pays de la dictature, de la faim…



Les livres d’Adam Johnson ont été maintes fois récompensés. Il a reçu avec « La chance vous sourit » le National Book Award.

Les écrivains américains excellent dans l’écriture des nouvelles. J’ai pu lire celles d’un autre auteur, Eric Puchner, « Dernière journée sur terre », éditées aussi chez Albin Michel dans la collection « Terres d’Amérique ».



Le journal The Washington Post ne s’est pas trompé en affirmant que « La chance vous sourit » est « Un recueil magistral ».



N’oublions pas le traducteur : Antoine Cazé, grâce à qui nous pouvons lire ce livre dans la langue de Molière.



Pour finir, je voudrais remercier le groupe Facebook et Instagram Picabo River Book Club ainsi que l’Editeur Albin Michel pour m’avoir permis de lire ce très beau recueil.
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La vie volée de Jun Do

Saisissant ! Un mot pour décrire ce livre ? Ça serait celui-là, saisissant. Il vous saisit du début à la fin, tout est hallucinant dans ce bouquin. Personnages, ambiances, péripéties, tout est à couper le souffle. Bien que le portrait politique de ce pays reste sans nul doute le plus marquant pour moi.



Bien sûr le régime dictatorial de la Corée du Nord n’est pas une découverte pour moi, d’ailleurs personne ne l’ignore je pense, mais là le vivre de l’intérieur, le vivre avec les personnages, c'est une expérience différente. Honnêtement, quand j’ai lu ce livre plus aucune distance n’existait entre les personnages et moi. Je vivais avec eux. J’avais peur avec eux. Je m’inquiétais pour eux. Je me révoltais même pour eux ! Car pour moi c’était juste impossible de rester de marbre face à ce régime monstrueux, qui prône le culte de la personnalité, qui est vicieux, qui est injuste, qui est mensonger, qui ne devrait pas exister.



J'insiste peut-être, mais malgré le fait que ça soit un roman j’ai ressenti comme si j’y étais cette ombre menaçante et oppressante qui pèse sur chaque habitant, qui les empêche de s’exprimer librement, et qui instaure un climat délétère, d’hypocrisie, même au sein d’une même famille. (Un noyau censé être sûr !)



A côté de ça, la multitude des personnages fait aussi vivre cette histoire. Les différentes personnalités et les différents niveaux de la population qu’ils représentent, aide bien sûr à l’ambiance de ce roman, mais pas seulement, puisque là ils donnent vie à l'intrigue. Il n'y a aucune page qui ressemble à une autre grâce aux milles vies des divers personnages.



L’histoire prend certes du temps, 608 pages en l’occurrence, mais c’est tellement fluide, tellement riche qu’on ne les voit pas passer, à la différence des personnages qui ne cessent de défiler.



Un seul regret dans ce bouquin finalement, c’est la fin. J’aurai aimé qu’elle se finisse autrement, même si autrement elle aurait sûrement gâché tout ce qui avait avant. (Jamais contente cette fille ^^)



Pour résumer c'est un excellent livre que je recommande, si vous voulez vivre quelque chose de différent et découvrir de l'intérieur un pays très fermé.
Lien : http://voyagelivresque.canal..
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La vie volée de Jun Do

Kim Jong-Il est mort trop un an tôt pour pouvoir le lire, puisque «La vie volée de Jun Do», roman dont il est l’un des principaux personnages, est paru en 2012, et en septembre 2014 en français (traduction Antoine Cazé, Éditions de l’Olivier).



Mais le héros de ce livre n’est pas le Cher Dirigeant mais Jun Do, un John Doe de Corée du Nord dont la vie est volée dès l’enfance avec la disparition de sa mère cantatrice, une enfance passée dans l’orphelinat "Lendemains Infinis" dont son père est le Directeur. Son père ne peut se permettre la moindre trace de favoritisme, Pak Jun Do est donc élevé comme les autres orphelins et sa vie ne vaut rien. Dès quatorze ans il rejoint l’armée un rat de tunnel, un soldat entraîné au combat dans l’obscurité totale. Il est ensuite envoyé en expédition pour kidnapper des citoyens japonais pour le compte du régime, puis en mission dans le fond de la cale d’un chalutier de pêche, le Junma, afin d’y espionner les communications étrangères.

Au cours de ces mésaventures qui font sans doute dévier ses convictions intimes et croître son humanité, ce qui n’est que suggéré dans cette première partie du roman intitulée «Biographie de Jun Do», un titre sur lequel on reviendra peut-être à la fin du livre en se demandant par qui et pour qui cette biographie a été écrite, Jun Do réussit à échapper à la famine, au froid mortel et aux chausse-trappes monstrueux du régime, et même à être reconnu comme héros de la nation, jusqu'à l’échec d’une mission en Amérique pour le Cher Dirigeant.



Dans la deuxième partie, une année plus tard, le régime a laissé Jun Do sauver sa peau et devenir un autre, sans mesurer qui il est vraiment devenu intérieurement.



«Là d’où nous venons, lui rappela-t-il, les histoires sont purement factuelles. Si l’Etat déclare qu’un paysan est un musicien virtuose, alors tout le monde ferait mieux de l’appeler maestro. Et en secret, il serait bien avisé de commencer à prendre des leçons de piano. Pour nous, l’histoire est plus importante que l’individu. Si un homme et son histoire ne s’accordent pas bien, c’est l’homme qu’il faut changer.»



La narration éclate alors en plusieurs voix, la propagande du régime et l’histoire officielle diffusée par la radio, que tout citoyen doit écouter en permanence, la voix d’un inquisiteur qui torture et interroge les prisonniers pour que rien de leur biographie n’échappe au régime, et enfin les souvenirs de Jun Do, de ses compagnons de route, de sa détention et de son amour pour Sun Moon, l’actrice la plus populaire de Corée du Nord.



«En prison, quand les pierres lui broyaient les phalanges ou qu’un coup de trique s’abattait sur sa nuque, il essayait de se transporter sur le pont du «Junma», doucement bercé par le roulis. Quand les aiguilles électriques du froid lui transperçaient les doigts, il tentait de se lover au creux de l’aria chantée par la diva, d’entrer dans sa voix même. Il s’efforçait de s’envelopper dans le jaune vif de la robe appartenant à la femme du deuxième second ou de rabattre la courtepointe américaine en capuchon sur sa tête, mais rien de tout cela ne marchait vraiment. Ce fut seulement après avoir vu le film avec Sun Moon qu’il put enfin disposer d’une réserve – elle le protégeait de tout.»



Extrêmement ambitieux et très impressionnant, «La vie volée de Jun Do» réussit le tour de force de construire un roman, fiction et dystopie pour le lecteur occidental, tout en étant totalement fondé sur ce qu’Adam Johnson a pu recueillir comme informations et apprendre lui-même, lors d’une unique visite en Corée du Nord. Il réussit à évoquer la vie quotidienne et l’intimité impossible des hommes de ce pays, à ne jamais tomber dans la caricature manichéenne, à dire la noirceur et l’horreur insoutenable des orphelinats, des famines, des camps de prisonnier et de la torture, tout en maniant un humour né de situations qui nous semblent totalement absurdes. Il réussit enfin avec Jun Do à construire un héros magnifique, qui s’est construit seul et dans le noir total.



«Et bien qu’il n’eût jamais su ce qui était arrivé au maître de l’orphelinat, Jun Do sentait que son père n’était plus de ce monde. Pour combattre dans l’obscurité totale, ce n’était pas différent : il fallait percevoir son adversaire, sentir sa présence et ne jamais se servir de son imagination. Les ténèbres au fond de votre crâne sont un puits que votre imagination emplit de récits sans aucun rapport avec la véritable obscurité régnant autour de vous.»

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La chance vous sourit

Pour nous présenter La chance vous sourit d'Adam Johnson, l'éditeur nous annonce en 4e de couverture que "ces six novellas s'imposent chacune comme un bijou de subtilité et d'intelligence". Subtil et intelligent sont effectivement les qualificatifs premiers qui me viennent à l'esprit quand je repense à ces nouvelles très différentes les unes des autres.



Parmi les six nouvelles que compte La chance vous sourit, certaines m'ont émue, d'autres m'ont dérangée et une plus particulièrement. Je crois que c'est même l'un des textes les plus difficiles que j'ai été amenée à lire. Vous comprendrez pourquoi si vous lisez Prairie obscure et je vous garantis qu'une fois lu, vous ne pourrez plus l'oublier. C'est d'ailleurs une nouvelle qui n'est pas présentée en 4e de couverture et je comprends parfaitement pourquoi.



En dehors de cette expérience presque traumatisante, je suis parvenue à entrer rapidement dans l'univers de quatre autres nouvelles, la dernière qui a pourtant donner son titre au recueil ne m'a pas du tout touchée en revanche. Tous les personnages sont confrontés à un moment de la vie où l'on sent que les choses peuvent ou doivent changer, que l'on en fasse soi-même le choix ou que la vie nous l'impose. Un moment qui peut s'avérer lumineux ou angoissant car on ne sait pas toujours si la route choisie est la bonne et si les résolutions prises seront tenues. Ainsi on assiste dans Ouragans anonymes à la naissance d'un père tandis qu'une mère disparaît dans le saviez-vous ?, on suit un couple à la dérive qui se raccroche aux paradis artificiels pour survivre dans Nirvana tandis qu'un homme seul continue de vivre dans un passé que seul lui trouve glorieux dans George Orwell était l'un de mes amis.



Tout et son contraire. Des destinées singulières, des peurs, des attentes, des douleurs, des espoirs que nous partageons tous mais que nous vivons chacun à notre manière. Ce recueil enrichit l'âme et le coeur par ses réflexions mais aussi par la puissance d'écriture d'Adam Johnson. Ses personnages tout comme leur univers sont finement ciselés et décrits avec une telle précision que l'auteur parvient à les rendre uniques. Rien n'est interchangeable dans ses histoires, aucun personnage ne paraît terne et sans saveur, bien au contraire ils sont criants de réalisme car très éloignés des clichés. Et c'est ainsi qu'on le ressent même dans l'écriture d'une nouvelle à une autre (mention spéciale pour le ton de le saviez-vous ?). Encore une fois, c'est subtil et intelligent : j'en reviens toujours au même point, comme si ces adjectifs avaient été inventés pour parler de la chance vous sourit.
Lien : https://www.lettres-et-carac..
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La chance vous sourit

RÉSUMÉ: "Tour à tour grinçantes, bouleversantes, drôles et déchirantes, ces six nouvelles offrent au lecteur une autre façon de voir le monde, s’imposant chacune comme un bijou de subtilité et d’intelligence. On y croise notamment un ancien gardien de prison de la Stasi, qui reçoit devant sa porte d’étranges colis anonymes tout droit venus du passé ; deux déserteurs ayant fui la Corée du Nord et son régime totalitaire pour tenter de reconstruire leur vie à Séoul ; un homme en plein désarroi face à la grave maladie de sa femme, qui ressuscite à la vie sous forme d’avatar le président américain récemment assassiné afin de profiter de ses conseils ; ou encore un livreur UPS à la recherche de la mère de son fils de deux ans après que celle-ci a disparu en Louisiane lors du passage de l’ouragan Katrina…"



MON AVIS: Ces nouvelles racontent des histoires dont les lieux et les personnages ne se ressemblent pas. Mais il y a un point commun à toutes : le point de vue des différents protagonistes changent et dans chaque histoire les personnages opposent leur façon d’interpréter une situation vécue, présente ou passée. Un mari et sa femme, un père et sa fille,un bourreau et sa victime, 2 compagnons de fuite.....Ils réagissent avec assurance, sur d'avoir raison quant à leur jugement.

Adam Johnson frappe fort avec ces tranches de vie difficiles et si l'humour est présent parfois cela ne nous empêche pas d'être vraiment touché par cette approche ambivalente des sentiments humains.

Car après tout c'est ce que nous sommes, des êtres ambivalents, oscillants d'une émotion à l'autre.

Une belle lecture et un auteur à suivre.



Lu grâce à un partenariat avec le Picabo River Book Club et les éditions Terres d'Amérique Albin Michel.



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La vie volée de Jun Do

Ce livre m'a laissé une impression bizarre.



L'écriture est intéressante sans être alambiquée. Les questionnements autour de l'identité sont très bien traités tout au long du roman, que ce soit directement ou par le truchement de certains procédés ingénieux . Tous les personnages n'ont pas "droit" à un nom, et cela n'est pas anodin car certains, pourtant présents régulièrement, sont toujours désignés par les mêmes expressions, reprenant leur fonction ou leur lien de parenté avec un autre personnage. le nom du personnage principal Jun Do est d'ailleurs plein de symboles. Toutes ces réflexions ont une portée universelle et peuvent trouver écho en chaque lecteur et le toucher de manière différente.



Mais on ne peut ignorer le contexte géographique et historique de cette belle histoire. Nous sommes en Corée du Nord, de nos jours. La découverte de cette société cachée habituellement à nos yeux d'Occidentaux est assez troublante. Le fait que ce soit une fiction pousse parfois à se demander si c'est réellement ainsi que les choses se passent. L'alternance entre le discours officiel et différents regards sur cette réalité, surtout dans la deuxième partie, contribue à ce trouble. Le passage de la première à la deuxième partie est d'ailleurs assez magistralement mené et bluffant.



Mais ce qui m'a surtout gêné est que ce livre reste malgré tout écrit par un Américain... et que l'image assez idyllique donnée des personnages américains ne contribue pas à rassurer sur une objectivité au moins partielle. Je ne prétend pas que la Corée du Nord soit une démocratie parfaite, un paradis de la liberté d'expression ou un monde idéal; je ne suis pas assez naïf pour ça. Mais voir décrit la réalité dramatique vécue par les Coréens du Nord... par un écrivain américain alors que l'Amérique est expressément désigné par le régime comme l'ennemi principal... Je ne peux m'empêcher de penser que le regard porté ne peut être que partial.



Je reconnais malgré tout à l'auteur des qualités indéniables pour dépeindre ses personnages et les rendre touchants et proches de nous. Mais qu'y a-t-il de politique dans l'attribution du prix Pullitzer à un tel livre... ?

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La vie volée de Jun Do

Que ressent-on à la lecture de ce livre ? Une foule d'émotions qui varie de l'incompréhension à la révolte, de l'humour à la haine.

Pourquoi ? Parce que cette histoire ne peut laisser personne indifférent, surtout à notre époque où la plupart des pays se battent pour la démocratie et contre toute forme de dictature. Mais il existe un endroit, quelque part au-dessus du 38ème parallèle, où vivre est un combat quotidien, où chaque souffle et regard non conforme peut vous entraîner dans un camp pénitentiaire, dans une salle de torture ou mieux à une mort rapide mais douloureuse.

Il s'agit de l'histoire de Jun Do, un héros attachant qui a mené dans ce récit une vie palpitante et souvent malheureuse : marqué dans son enfance par une existence des plus misérables dans un orphelinat de province, il s'engage dans l'armée comme rat de tunnel puis devient kidnappeur professionnel et opérateur radio sur un chalutier. J'aimerai tout vous raconter mais je m'arrête là pour vous laisser découvrir la suite.

L'auteur essaie de décrire le régime politique nord-coréen : dictature de Kim-Jong-Il basée sur la propagande, les mensonges quotidiens diffusés par les haut-parleurs et la délation ; conditions de vie pathétiques de la population partagée entre la famine, la peur de se faire arrêter et un travail harassant ; les terribles camps pénitentiaires ou bagnes où sont envoyés les « dissidents » au régime.

Mais l'auteur ne sombre jamais dans le pathétique et même les situations les plus tragiques et absurdes sont traitées avec un brin d'humour. Et c'est ce qui m'a marqué dans ce livre !

Son style d'écriture est frais, dynamique et riche et mélange de multiples points de vue. On passe du récit à la 1ère personne à celui des commentaires incisifs des haut-parleurs sans presque sentir la transition. Bien que certains passages soient très durs, l'auteur arrive toujours à distiller un infime espoir et relâche la tension au moment où celle-ci est à son paroxysme. Il a un talent indéniable de conteur et d'écrivain et j''ai eu beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage !

Conclusion: un prix Pulitzer bien mérité et un excellent livre à découvrir ! To be read? YES!
Lien : http://leslecturesdehanta.co..
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La vie volée de Jun Do

Jun do, un quasi-orphelin Nord Coréen, exécute sans ciller tous les ordres qui lui sont donnés, c'est un citoyen patriotique œuvrant pour son pays, la « nation la plus démocratique du monde »,

Cependant, lors d'une mission d'espionnage en mer, il fait preuve de bravoure et est récompensé, son statut passe ainsi de simple citoyen à celui de « héros de la patrie ». Suite à cela il est affilié à une équipe qui aura pour mission d'aller au Texas afin de préparer la séance de pourparler entre la Corée du Nord et les États-Unis. Jun Do rencontrera le sénateur, il découvrira un monde très différent, une nouvelle définition de la liberté.



A son retour il est envoyé en prison et aux travaux forcés, pour s'en sortir il usurpe l'identité d'un puissant personnage, un homme détenant la ceinture dorée de takwaendo et qui épousa Sun Moon, l'actrice nationale. Ne pouvant sortir de son rôle il sera présenté au Cher Dirigeant Kim Jong-Il en personne, et fera la connaissance de la magnifique Sun Moon.



Ce roman est à la fois une fenêtre ouverte sur la Corée du Nord, nation emprisonnée par une politique absurde et cruelle, véritable énigme pour le reste du monde. Ainsi qu'une histoire d'amour douce-amère, Jun do tombera amoureux de Sun Moon et tentera de lui décrocher la lune.

La vie volée de Jun Do mérite indéniablement le prix Pulitzer à bien des égards. Adam Johnson a réalisé un véritable travail de journaliste, c'est réellement un livre que je ne pouvais plus lâcher tant il est obsédant, la curiosité est piquée à vif et l'écriture est parfaite.
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La chance vous sourit

Six histoires courtes, sombres, de qualité inégale, qui peuvent mettre mal à l'aise. Les personnages essayent de relever des défis dans des circonstances inhabituelles: maladie grave, passé sombre, maltraitance d'enfants, catastrophe naturelle....



Les 2 qui m'ont fait la plus grande impression sont:

'George Orwell etait un de mes amis'. C'est l'histoire d'un ex-directeur d'une prison de la Stasi dans l'ancienne Allemagne de l'Est. Il vit toujours prés de cette prison convertie en musée. Son déni des activités horribles qui s'y pratiquaient, est exaspérant.

'Le saviez vous?'. C'est l'amertume d'une femme cancéreuse, dont la fin approche, qui médite sur la vie de son mari et de ses enfants après sa mort.



Un National Book Award a récompensé cette œuvre.
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La vie volée de Jun Do

Une écriture peu commune, pour nous relater une destinée « amoureuse » dans ce régime absurde de la Corée du Nord. Une population condamnée à subir des ordres terribles enrobés des slogans les plus aberrants et monstrueux. Et baigné dans ce monde inepte, voilà que je m’interroge sur notre société, cette démocratie où l’on vend du « temps de cerveau disponible » quelles insidieuses croyances nous instillerait-elle ?
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La chance vous sourit

Ce que l’on peut déjà dire, c’est combien le titre de ce recueil souligne le sentiment de désenchantement qui traverse ces six nouvelles et place l’ensemble de l’oeuvre sous le signe de l’ironie. En effet, si quelque chose caractérise bien les différents personnages rencontrés au fil des pages, c’est leur manque de chance, malgré les efforts qu’il développent afin de se sortir des situations dans lesquelles il se sont retrouvés, volontairement ou non. Impossibilité d’empêcher la mort d’un proche, un bébé qu’on abandonne dans votre voiture, une femme qui, condamnée par un cancer, fait un triste bilan de son existence, des fabricants nord-coréens de billets de loterie condamnés à fuir en Corée du Sud… Voilà un petit aperçu de ces destins « souriants » !



Tous les personnages sont à un carrefour de leur vie. Vous savez le moment où vous vous arrêtez et vous vous demandez comment continuer à vivre ou si revenir en arrière ne serait pas la solution au mal-être qui s’empare de vous quand tout vous semble vous échapper. On tente alors tout avec plus ou moins de réussite (et ici, c’est plutôt moins que plus). On s’émeut devant certains d’entre eux, on tombe en empathie ou on se montre moins compréhensifs avec d’autres. Pour ma part, le personnage de Nonc (« Ouragans anonymes ») est sans doute celui qui m’a le plus touché avec ses interrogations : comment s’occuper d’un enfant tombé du ciel, dont il n’est même pas certain d’être le père ? Comment être un bon père quand on n’a pas eu la chance d’avoir eu soi-même un modèle dans le domaine à admirer enfant ? Sa détermination à trouver des « solutions » m’a bouleversé car après tout, en plein climat de catastrophe naturelle, rien ne l’empêchait de se débarrasser du mioche, ni vu ni connu. A l’opposé, le personnage du directeur de prison de la STASI (« Georges Orwell était un de mes amis ») m’a profondément horripilé avec son incapacité à se remettre en question et son obstination à défendre un système politique auquel il a contribué activement malgré les exactions commises.



Chose également surprenante : les nouvelles semblent fonctionner en binômes. Par exemple, « Nirvana » et « Le saviez-vous ? » mettent respectivement en scène un homme se préparant à la mort de son épouse, mort qu’il sait inévitable et qu’il refuse désespérément, et une femme atteinte d’une cancer qui, décrivant les effets de la maladie sur son corps mais également le regard qu’elle porte sur ses proches, finit par réaliser que l’on n’est finalement que de passage. De la même manière, « George Orwell était un de mes amis » et « La chance vous sourit » mettent en scène des personnages en proie avec un passé historique dont ils se révèlent prisonniers avec cette incapacité à se remettre en question et à vivre dans le présent. Quant aux deux dernières nouvelles, « Ouragans anonymes » et « Prairie obscure », c’est une thématique qui les lie : l’enfant, mais avec des intentions totalement différentes. Dans la première, un père « un peu malgré lui » se prend finalement d’affectation pour ce fils « abandonné » par sa mère dans une voiture et se lance dans une quête d’une légitimité paternelle et d’une vie meilleure pour lui et le petit Geronimo dans une Amérique ravagée suite à des ouragans dévastateurs. Ou comment faire pour repartir sur des bases solides quand tout est détruit autour de vous. Concernant la deuxième nouvelle, c’est sans doute la plus dérangeante dans la mesure où elle met en scène un pro de l’informatique pédophile qui lutte avec ses démons intérieurs alors tout ce qui l’entoure semble constituer à ses yeux des sources de tentations.



Au final, un recueil de nouvelles très différentes les unes des autres mais là encore, qui met en avant des questions sociétales qui parlent à tous : le couple, la maladie, la sexualité, la patriotisme… Une très belle découverte.
Lien : https://mespetitsplaisirsamo..
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La vie volée de Jun Do

L’auteur a une plume telle qu’il ne vous laisse pas indemne. Qu’il vous emporte dans le doute, la peur, la tristesse mais aussi dans les joies de la vie et la liberté.

C’est déstabilisant et attristant surtout si cette histoire est proche de la réalité. La Corée du Nord … pays inconnu et connu à la fois. Une telle pauvreté, un tel dévouement, un tel dénuement semble tellement impossible pour nous européens … tellement loin de nous.

Nous suivons Jun Do dans une première partie, jeune "presque"-orphelin engagé dans l’armée. Est-il besoin de préciser de force ? Et, dans une deuxième partie, un "presque"-héros, le commandant Ga. Tous deux habitent en Corée du Nord mais pas tout à fait avec le même statut. Sont-ils plus à l’abris pour autant ?

Tellement réel qu’il en parait irréel. Tellement dur que la moindre once de tendresse vous fait fondre. Et ce doute instiller par la propagande … La vraie histoire est-elle celle des hauts-parleurs ou celle de Jun Do. Qui vole qui ? Où est l’espoir ? dans ces photos peut-être.



Challenge Multi Défis 2016 : Un livre avec une usurpation d'identité
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