Le 6 février 1934 est une date qui reste très importante dans l’Histoire du XXème siècle de notre pays. En effet, suite à l’affaire Stavisky et au limogeage du préfet de police Chiappe, une manifestation regroupant les ligues s’ébroue dans Paris, qui fait vaciller le pouvoir. Elle fut aussi le point de départ d’une union des gauches qui se matérialisera dans le Front Populaire. Dans son premier roman, Passage de l’Avenir, 1934, Alexandre Courban revient sur les mois qui ont suivi cette manifestation en nous gratifiant d’un roman historique et policier très réussi qui se veut le premier volume d’une série.
Nous sommes en février 1934. Le Parti Communiste et la SFIO organisent une manifestation en réponse à celle organisée par les ligues le 6 février. Pour la gauche, les manifestants du 6 février sont des fascistes et l’on perçoit la volonté d’unité exprimée dans la rue. L’un des personnages principaux de l’intrigue est le journaliste de l’Humanité Gabriel Funnel qui, au-delà d’articles traitant des dures journées de février, couvre également un fait divers : en effet, le corps d’une femme inconnue a été repêché dans la Seine, enquête dont a hérité le Commissaire Bornec. Peu d’indices existent, hormis le fait que la jeune femme avait des doigts très abîmées, de telle sorte que certaines voix invitent le commissaire à classer l’affaire. Néanmoins, ce dernier tient bon et veut découvrir ce qui se cache derrière celle qui surnomme « Daphné ».
L’auteur nous invite à revisiter le Paris des années 30, dans une période de tension qui, si je ne me trompe, n’est pas souvent traitée en littérature. Cela constitue l’un des attraits du roman. On redécouvre des personnes historiques comme Vaillant-Couturier, le colonel de la Rocque, Marcel Cachin ou encore Edouard Daladier (une chronologie, une description des principaux personnages historiques ainsi que des journaux de l’époque sont d’ailleurs présentes en fin de livre et permettent de compléter notre compréhension du contexte). La condition ouvrière est également au centre du roman, à travers la description qui est faite des ouvrières aux « doigts blessés » ou aux « mains abîmées » qui travaillent en plein Paris dans la Raffinerie de la Jamaïque et qui sont à la merci de contremaîtres qui abusent de leur pouvoir :
Les ouvriers vivent dans des conditions difficiles, il existe encore des bidonvilles à Paris, alors que des spéculations (ici sur le sucre) subsistent. Cela est rappelé à juste titre.
Même si le roman est classé comme un policier, l’intrigue en elle-même est assez légère et ce premier tome se lit davantage comme un roman socialement engagé (et l’on sait de quel côté penche Alexandre Courban). C’est peut-être une limite du livre et l’on verra vers quelle direction le second tome nous dirige. J’ajouterais également une autre réserve. Que ce soit dans le corpus ou dans l’annexe, les Croix de Feu du colonel de la Rocque sont mentionnées et jouent un rôle important à l’époque. « Les forces de l’ordre empêchent les manifestants de marcher vers le Palais Bourbon », écrit l’auteur à propos du 6 février. Or, les forces de l’ordre n’étaient pas si nombreuses ; on doit surtout au colonel de la Rocque le fait d’avoir tenu ses troupes. Il n’était d’ailleurs pas anti-parlementaire et fut vilipendé par L’Action française pour ne pas avoir marché sur le Palais Bourbon. Aussi aurais-je préféré que l’auteur choisisse un autre mouvement réellement fasciste comme symbole du 6 février 1934 (et il y avait du choix !).
Passage vers l’Avenir, 1934 reste au final un très bon roman, bien écrit, qui nous fait revivre une époque charnière de notre histoire nationale, en convoquant des personnages fictifs auxquels on ne demande qu’à s’attacher davantage dans les prochains tomes.
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