« L’amitié n’est pas un soleil, c’est une jolie lune qui éclaire surtout le soir de la vie » .
Reportons-nous ne serait-ce que vingt ans en arrière. Les cantines scolaires n'étaient pas encore des lieux de revendications identitaires. S'il y avait du porc, on le laissait de côté dans son assiette, si l'on tenait absolument à ce que la viande soit halal, on laissait de côté aussi celle qui n'était pas conforme. C'était aussi simple que ça et personne ne trouvait à redire. Il n'était pas question de remettre en cause les menus servis dans les restaurants scolaires... Comme l'école, la cantine était un territoire de la République, sacré, intangible, où l'enfant apprenait à se socialiser et, en même temps, à s'initier au goût des aliments. Ce temps-là est aujourd'hui révolu.
Verviers, ça pourrait être Pripiat. Pripiat, c'est la ville ukrainienne la plus proche de Tchernobyl. Elle fait, malgré elle, le bonheur des photographes du monde entier qui viennent la visiter. Et pour cause : abandonnée par ses habitants, du jour au lendemain, après la catastrophe nucléaire d'avril 1986, Pripiat offre des panoramas de cité fantôme uniques : traces d'un univers révolu à jamais, silence mortel, vision d'apocalypse.
A une dizaine de kilomètres de la frontière allemande, Verviers, foyer de l'islamisme belge et européen, a, par certains côtés, cette allure de ville effacée du monde qui l'a vu naître, enfoncée dans les crêtes molles des Ardennes, où tout ce qui constituait son identité wallonne a disparu, comme si le monde ancien, celui de l'industrialisation, celui des ouvriers, avait été aspiré dans le tourbillon de l'islamisation. Verviers, c'est l'apocalypse culturelle et historique. Verviers, c'est en effet Pripiat. Soixante-mille âmes y vivent encore.