Elle n'avait pas honte de son amour, ni de ce qui arriverait. Elle en avait trop vu. Elle avait glané un peu de bonheur et trouvé une main amie, une épaule pour y oser son front, un grnd corps silencieux contre elle, une douce tiédeur dans la tourmente.
Cela n'avait pas de prix. Et si un petit être prenait vie, elle lui dirait qui était son père, un homme comme les aures, bon, qui aimait rire et chantait de merveilleux cantiques. p 110
la suçarello faisait partie de ces journées familiales au cabanon, au grand air. Comme our l'aïoli ou la soupe au pistou, c'était une joie de la ménagère que de se lever tôt. Préparer longuement ces plats délicieux, appétissants et hauts en couleurs, dresser les grandes tables de bois ou des planches sur des tréteaux, poser les assiettes dépareillées, souvent ébréchées, avec le gros pain de campagne encore bruni et craquant sorti du four d'Agnès.
Chacun apportait sa bouteille de vin, une tarte à croisillons ou un panier de fruits; C'était la détente, on oubliait les soucis entre amis. A la fin du repas, chacun y allait de sa chansonnette, les refrains étaient repris en choeur. p225
Il fallait éviter de mettre les semelles l'une contre l'autre du côté lisse, ce qui les faisaient crisser en marchant, on entendait alors :"Il n'a pas payé ses souliers !"p156
Ses yeux se fermèrent. Elle sentit les mains de Horst la prendre doucement par la taille et la serrer contre lui, avec une douceur infinie, puis ce fut ses lèvres douces et fermes sur les siennes.
Ce baiser était éclatant, comme s'ouvre une rose au mois de juin, avec des volutes de velours qui se gonflent de sève, laissant seulement deviner le mystère de l'éclosion à la vie.
C'était la bêtise de la soldatesque, qui cachait sous l'uniforme un incognito de mauvais aloi. Sous l'uniforme sans nom, sans grade, se réfugiait la bestialité d'hommes libérant leurs fantasmes. On cassait, on souillait sous le prétexte ignoble que l'ennemi, quel qu'il soit, pourrait s'en servir ! p 134
Matteo reverrait toute sa vie ce moment. Agnès avait dû se déchausser, poser son pied sur une plaque de cuir. Mattéo, un genou en terre, avait glissé sous son pied le centimètre de toile vieillie et, entourant le pied cambré, prenait les mesures de l'endroit le plus large, puis ce fut la longueur du pied.
La jupe légèrement relevée sur le bas de coton épais laissait voir le haut de la cheville, qui était fine et qu'il avait aussi fallu mesurer. La main de Matteo tremblait légèrement quand il avait dessiné le contour du pied d'Agnès avec son grand crayon plat, bien effilé par le tranchet.
Cette paire de bottines, même plus tard au paradis il se la rappelerait ; elles seraient les plus belles de sa vie, avec leur rangée de petits boutons noirs. p47
Domenica Bradamante avait inculqué à ses filles, le maintient, l'art de la cuisine, la broderie, mais aussi comment tenir la ferme, la lessive, et cuire le pain dans le grand four de pierre une fois par semaine.
On faisait aussi les pâtes fraîches sur la grande planche enfarinée, les gnocchi à la pomme de terre, les raviolis, sans oublier les tagliarini, ces larges nouilles taillées à la main, d'où leur nom, mais le plat régionnal vraiment piémontais, c'était cette polenta de maïs, cuite dans la marmité en fonte noire, que l'on renversait sur la planche spéciale, comme un gros gâteau, et que l'on coupait avec un fil en belles tranches blondes.
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En découvrant cette région du département du Var, le voyageur ne peut s'imaginer qu'en 1900 les village de Flayosc et Bargemon étaient de grands centres de fabrication de chaussures.
Les hommes et les femmes y travaillaient en chantant, les villageois des alentours venaient y apprendre leur métier de cordonnier. Il n'y avait pas d'usines mais des ateliers, où l'on coupait, clouait, piquait le cuir.
Assises devant les portes, tout en bavardant, les femmes cousaient à la main les tiges des chaussures. p10
En Provence , la poix, c'est la pègue, d'où le nom, donné en dérision aux cordonniers, de pégot. On l'employait aussi pour une personne "collante" : "C'est une véritable pègue!". p156
"Elle est toujours aussi belle", se dit Domenica en voyant Elise venir vers elle. Il est vrai qu'elle avait un corps superbe et un port de tête royal.
Ses cheveux bruns tressés en couronne autour de sa tête lui formaient un diadème retenu par de longues épingles d'or avec des cabochons ciselés.
Ses yeux bleus avaient la couleur des glaciers, pétillaient de gaieté intérieure, un lourd collier d'or et de corail était à son cou. Un sourire éclatant disait "N'ayez pas peur".p 100