Lorsque ta beauté vient, c'est comme le soleil
L'univers est charmé par l'astre que tu es.
Toi, ma belle à l'œil noir, viens et sois généreuse
Et fais de mes prunelles ta demeure à jamais.
Au jardin de mon cœur, plante ta fleur heureuse.
Au jardin de mon âme, mets au corps son terreau.
Existe-t-il un ciel qui possède un soleil plus beau que ton visage ?
Existe-t-il un jardin possédant une. fleur égale à ta beauté ?
Ô pauvre coeur !
Tu fus attrapé par ses boucles de cheveux
Chacune de ces boucles a agi en crochet.
Il ne faut point trop dire
Que sz figure d'ange et ses cheveux de jais
Seraient comme le jour s'unissant à la nuit :
Cette jacinthe-là et cette fleur-là s'unissent à leur façon.
Pourquoi l'or de ma face devient-elle plus jaune encore
Au fil du temps qui passe
Alors que mon visage est noyé sous ces larmes
Qui sont si argentées qu'on croirait du mercure ?
L'ange vient à s'incliner au pied de son château
Qui est tout en rondeurs
Et les nombreux mihrabs forment une dentelle.
Sa richesse t'attire, tu devrais te sauver
Car pour te capturer, elle a utilisé
Ses boucles de cheveux solides comme fer
Et pourquoi donc Navoly oublie-t-il ton visage et tes lèvres rubis ?
Il est comme le chien s'assoupissant à l'aube après sa nuit de garde.
La courbe des sourcils, le noir profond des yeux,
Face aux uns et aux autres, ce que ressent mon coeur, dois-je les dire ?
Les accroches des cils, le regard plein de rage,
Derrière la tristesse, l'éclat de cette face, dois-je les dire ?
La douleur de l'amour puis de la désunion,
Mais l'union avec elle, qui fut ma guérison, dois-je les dire ?
Les boucles de cheveux, les paroles si vives,
L'arabesque des uns, la fantaisie des autres, dois-je les dire ?
Ce grain de beauté noir, son corps de jeune plante,
Et sur sa robe bleue, son manteau rouge ardent, dois-je les dire ?
Ô ! Navoiy, ne décris rien et borne-toi à dire
La courbe des sourcils, le noir profond des yeux, dois-je les dire ?
Mon visage a tourné couleur jaune de coing
Pour cause de rupture
Dans ma gorge est bloquée la graine de folie,
De celle qui ressemble à la graine de coing.
Et mon humiliation est comme une poussière
Qui couvre mon visage, couleur jaune de coing,
Comme cette poussière qui forme le duvet
S'étalant sur le fruit qu'on appelle le coing.
[...]
Dans ce monde trop dur où il nous faut bien vivre
Qui cherche la bonté ressemble bien au coing,
Il lui suffit de mettre son vieux manteau de laine
Pour faire sa prière incliné dans un coin.
Navoiz !
Elle a choisi le coing,
Elle n'a pas choisi l'orange de soleil,
C'est parole de reine, la pureté du monde.
Sur cette nuit couleur de musc,
L'hiver a saupoudré de la poudre de camphre
Pour jouer à mêler le noir avec le blanc !
L'Inde ne connait pas les flocons de la neige
Mais grâce à cette neige, cet hiver opiniâtre a transformé la nuit
Et fait que ce pays resplendit comme l'Inde !
Noir est la couleur du peuple et c'est grâce à la neige
Que l'hiver le transforme, passant du noir au blanc,
Changeant ce peuple sombre en peuple lumineux !
[...]