Anaïs Mony

- Le jour de ta naissance, elle est venue me voir à la maternité. Elle était ravie que tu sois là. Elle était si fière alors que tu découvrais tout juste le monde. Et elle m'a demandé de te parler de ça, cette année, précisément celle de ta trentaine. Je pensais qu'elle aurait oublié, mais le jour où je suis allé la voir sur son lit de mort, elle m'a rappelé cette promesse faite des années auparavant. Je tiens à honorer la dernière promesse fait à ma mère.

On s’évertue à m’appeler mais je n’ai pas envie de répondre. Je préfère m’évader dans mon imaginaire et rejoindre cet homme qui me manque tant. Mais le garde de la prison ne me laisse pas en paix et d’un petit coup de matraque me fait lever de ma couchette. J’ai envie de dire à ce type de me foutre la paix mais je ne peux pas et je n’ai pas envie de me retrouver au trou encore une fois.

L’amour est trop cher pour être gaspillé.

« La quintessence de ma vie, c’est elle. Ma résurrection doit être la sienne. Mon amour, le sien. Mon cœur, son cœur ne doivent faire qu’un. »

Prologue

Lohan

17 septembre 2018

Je l'observe discrètement à la sortie de la douche. Sa chevelure rousse tombant sur la naissance de ses fesses, son corps parfait... Elia est magnifique et a tout pour elle. Entre nous, ça a été un coup de foudre immédiat.

Prologue

Christelle

Aujourd'hui

Main dans la main avec Jérôme, je déambule dans les rues bondées de Hong Kong, je vis enfin mon rêve de gamine ave l'homme de ma vie. Que demander de plus ?

Sœur Madeleine,

18 mai

Un nouveau jour se lève. Identique à la veille, à la semaine passée, à toutes ces années écoulées. Une profonde lassitude m'enserre, ma foi s'effrite. Du haut de mes vingt-cinq ans, je me demande ce qu'est la vie en dehors de ces murs. Je suis excédée de ne pouvoir faire autre chose que travailler et prier. L'existence de moniale me pèse. Je ne l'ai pas choisie, je la subis.

je suis vexée que tu n'es (sic) pas ressenti cette différence

je suis vexée que tu n'es pas ressenti cette différence (sic)

Oh ! Ça va, j'ai compris qui vous étiez, dis-je en me surprenant d'avoir retrouvé l'usage de mon corps et de la parole. Je vais être votre prisonnière, c'est ça ? Et au lieu d'être dans une cage dorée, je me retrouve coincée dans un ciel cotonneux. Génial, je ne rêvais que de ça, crachè-je. Et arrêtez de lire dans mes pensées !

Ce qu’elle lui ferait s’il voulait bien se laisser faire, serait fabuleux. Il en redemanderait sans pouvoir s’arrêter. Mais Élia, bien qu’elle semble avoir cédé, n’est en fait qu’en réflexion pour mettre dans ses filets sa prochaine proie. Et cette proie serait ce docteur qu’il le veuille ou non, il cèdera à ses charmes.

Si par élever, vous voulez dire nourrir, loger et blanchir, oui en effet c’était leur rôle mais jamais ô grand jamais ils ne m’ont élevée. C’étaient des gens parmi tant d’autres qui ne voyaient en moi qu’un moyen de récupérer de l’argent. J’étais leur source de revenu et c’est tout. La preuve en est que je ne les ai pas vus depuis le jour où je me suis tirée de chez eux à mes dix-huit ans. Ils n’ont jamais cherché à me joindre et c’est très bien comme ça. Je ne vois pas pourquoi, là, ils viennent.

Vous devez savoir que je suis un homme marié et père de famille, je suis très heureux dans mon mariage. Vous êtes une patiente exceptionnelle, certes mais vous n’en restez pas moins une patiente à mes yeux, seulement une patiente. Je suis là dans le seul but de vous aider à évoluer dans votre vie et apprendre à appréhender ces démons qui vivent en vous. Si à un moment donné mes paroles ou mes gestes ont pu vous faire penser l’inverse, j’en suis désolé mais là n’était pas mon attention. Je m’en excuse.

Retournant presque quarante ans en arrière, il la prend sur ses genoux face à lui. De nouveau, ils ont vingt ans. De nouveaux, les ennuis n’existent pas. Le temps de ce court instant, ils oublient leurs soucis, ils oublient Lohan, Bastian et Élia. Mais la réalité les rattrape vite, beaucoup trop vite par la sonnerie retentissante de leur téléphone.

Dans les bras de celui qu’elle avait toujours aimé, Michelle se sent en sécurité. Comme si sa vie en dépendait, elle s’accroche à lui comme une ancre à son bateau. La réciprocité de l’acte la rend plus forte. La fatigue, subrepticement l’enveloppe, la faisant sombrer dans de beaux rêves.

Elle qui croyait que cette jeune femme rendrait heureux son fils, elle s’est rendue compte qu’Élia les avaient tous manipulés. Cette femme était malade, ça elle ne pouvait lui en vouloir, mais encore aujourd’hui elle ne comprenait pas pourquoi elle s’était comportée de la sorte.

Le docteur l’aide, elle en est certaine. Il est un protecteur, une sorte d’ange gardien. Quelque chose en lui l’attire, la pousse à se confier, à lui raconter ses rêves, sa réalité. Depuis quelques temps, elle se sent mieux, un peu plus vivante. La blouse blanche lui a parlé de thérapie cognitive, « ça a l’air chouette » s’est-elle dit sans savoir de quoi il en retournait, mais il est vrai que depuis elle se sent plus libre, plus elle-même. L’impression de se découvrir ou de se redécouvrir. Dans ses moments de lucidité, elle a appris qu’elle était schizophrène paranoïaque et qu’elle avait plusieurs superpositions de troubles de l’humeur et du comportement.

Avec ce qu’elle avait fait, il avait conscience qu’il ne devrait plus l’aimer mais l’amour était plus fort que tout, il avait besoin d’elle, de son cœur, de son amour dévastateur. Cela faisait des mois qu’il essayait de lui faire entendre raison mais plus il lui parlait, plus ça l’enfonçait davantage. Sa présence animait auprès d’Élia, quelque chose d’étrange, une gêne, une révulsion. À ses côtés, elle se sentait persécutée. Tout ce qu’elle avait dit était réel à ses yeux.
 

Elle avait toujours dit oui, elle était toujours consentante, c’est même elle qui le suppliait de lui faire l’amour quand lui n’en pouvait plus. Bastian avait compris qu’il s’était fait piéger, il avait subi. Plus tard, alors même qu’elle était déjà internée, Élia avait tenté d’étrangler Michelle. Elle disait que c’était Bastian…

La vie a mis sur notre chemin bien des épreuves, celle-ci en fait partie. Je ressens ta douleur. Je te pardonne parce que moi aussi je dois me faire pardonner.