Citations de André Fortin (23)
Ce n'était pas de la défiance, au contraire cela ressemblait à une sorte de communion. Une communion entre piliers de bar, c'est vrai.
Tout, et surtout son maître, conspirait contre son repos. Logique, clairvoyant et expérimenté comme on l'a vu, il n'en était pas moins chat, et, comme tout félin, rien ne l'énervait autant que les cliquetis, les grincements, les frôlements, les souffles et les chuintements, les grattements, les creusements, les fouilles et les affouillements; rien ne le crispait plus que les trous, cavités et excavations dans les murs, les sols et les sous-sols. (p 163)
Quand on lutte pied à pied pour ne pas sombrer dans la folie, la mort paraît bien innocente et douce. (p 148)
J'ai toujours été, par principe, opposé à cette législation et à cette juridiction d'exception [la juridiction anti-terroriste] : augmentation considérable des droits de la police, durée de garde à vue doublée, voire triplée, détention provisoire allongée, accointances entre justice et services de renseignement, cour d'assises sans jurés, incriminations élastiques, droits de la défense réduits... Un système que l'on croirait relever d'un régime totalitaire et non d'une démocratie européenne du XXIe siècle? (p.219)
L'intelligence n'est rien sans l'anticipation.
Un gisement d'uranium découvert quelques mois auparavant constituait la pomme de discorde entre la France et son ancienne colonie. Paris s'était rendu compte, trop tard, que Cyrille Soumaré n'était peut-être pas l'homme de la situation. Mieux aurait valu un dictateur cupide, ç'aurait été tellement plus simple... (p. 162)
Mais, même s’il lui revenait à l’esprit toutes sortes de situations qui le confirmaient complaisamment dans sa conviction, il se trompait. Jérôme était peut-être homosexuel, ou peut-être pas. Nul ne pouvait le dire et lui-même ne se posait pas la question. L’amour et la sexualité n’étaient pas ses sujets. Tout désir était chez lui refoulé. Il n’était ému par rien, sauf, à l’occasion, par sa sœur Cécile. Il était tout entier dans l’action. Seul son père, qui n’y comprenait rien, comptait pour lui.
Toulon, Brest, Paris, c’était à cette époque le triangle d’or d’une bonne carrière de navalais. Rien ne semblait devoir changer cette tradition, pas même l’arrivée au pouvoir d’un président qui s’apprêtait à gouverner avec des communistes, le parti de l’étranger. La marine, la Royale, n’avait pas sabordé la flotte malgré la crainte diffuse et entretenue de l’arrivée des chars russes à Paris. Et, ce qui aurait pu être plus probable, la haute hiérarchie n’avait fait l’objet d’aucune épuration. Aucune des prévisions catastrophistes et des menaces brandies jusqu’à la veille de l’élection ne s’étaient réalisées. Ainsi était-on fondé à croire que, comme par le passé, si l’on obéissait aux ordres – ce qui est somme toute la moindre des choses pour un militaire – et à condition de laisser voir une vie privée si ce n’est irréprochable, tout du moins conforme à la tradition, on avait toujours l’assurance de finir amiral. Toulon et Brest, ports de guerre, et Paris, état-major, ministère, cela demeurerait, pour ces officiers de marine sortis du moule de Lanvéoc, mais aussi pour leurs femmes et leurs enfants, surtout pour les enfants qui n’avaient pas le choix, des va-et-vient incessants et au fond insupportables. Exils, déchirements, séparations à perte de vue aussi douloureuses sinon plus que des ruptures d’amour.
Ce jeune homme au visage sans grâce, aux cheveux blonds filasses déjà rares qu’il laissait pousser dans le cou, aux yeux bleus sans éclats, au menton fuyant un visage allongé, à la bouche prématurément amère, n’était autre que le descendant de quatre générations de marins, le rejeton d’une famille de militaires orgueilleuse de son passé.
Tu vois Ménardo était foutu ; sa carrière politique, ses affaires, tout ça sentait le sapin… Quant au député-maire, cette disparition lui rend bien service. Ménardo était trop mouillé, un scandale allait éclater et risquait d’emporter toute la droite de la ville et du département. Moi, je m’en fous, l’extrême-droite me déplaît pas et ici elle viendra forcément un jour.
Ainsi vivait ce qui restait de cette famille qui donnait l’apparence d’une parfaite cohésion depuis qu’elle avait tranché le rameau putride. Les filles avaient toutes deux faits des mariages « bleu marine », l’une avec un navalais, comme son père, l’autre avec un ingénieur du génie maritime
Il n'était pas disposé à échanger le confort ennuyeux du célibat pour une vie dont il n'était pas, mais alors pas du tout, en mesure de se faire une idée précise. Au demeurant, il venait de résoudre une partie du problème en adoptant un petit chat (p 31).
Le prince Al-Walid qui avait fait ses études secondaires en Angleterre, au prestigieux collège d'Eton, puis ses humanités à Oxford parce que, cette année-là, les étudiants de cette université avaient battu Cambridge aux avirons, n'en était pas moins un partisan convaincu du despotisme absolu. Ça tombait bien parce que le despote, dans son pays, n'était autre que son grand-oncle et que cet ancêtre tout puissant avait le sens de la famille. On avait eu beau apprendre au jeune dandy qu'il était alors, la philosophie des Lumières avec Locke puis Montesquieu et Voltaire (et non pas Rousseau, il ne faut tout de même pas exagérer...), rien n'y avait fait. (p.13)
Il était comme un animal affamé à qui l’on donne délicatement des aliments sans qu’il ignore que c’est dans le seul but de l’engraisser pour en tirer profit… Parfois, l’esprit vous pousse à croire en une chose dont on sait qu’elle n’est pas crédible.
« Ainsi le chat Ponsard, armé de la légendaire patience du félin, mais aveuglé par la réussite et corrompu par le pouvoir, attendait, confiant, l’arrêt du destin ».