... il semble essentiel de considérer ces espaces virtuels comme des surfaces que nous qualifierons d'extra-topiques, c'est-à-dire des surfaces du même mais au-dehors du Moi. Il existe là une extension de la réalité psychique du sujet sur la surface virtuelle, que j'ai nommé le Moi-virtuel. En se présentant sur un réseau social, tout un chacun dévoile une part de son Moi. Ce reflet écranique du sujet se constitue comme une médiation entre soi et la communauté virtuelle, une représentation de soi projetée dans l'espace virtuel mais malléable, car soumise aux interactions avec les autres virtualisés.
Un adolescent n'est pas encire un adulte, et même s'il n'(est plus un enfant, il a besoin du regard de l'adulte sur lui, de son accompagnement, de sa bienveillance pour se sentir exister, et en sécurité. Tout comme pour le nouveau-né, à qui l'adulte apporte les premiers soins face à la dépendance primaire, à l'adolescence, c'est à l'adulte d'apporter son attention à cet enfant vulnérable en devenir adulte, car "les adolescents sont et se considèrent en fonction de ce que sont les adultes et de la façon dont ils les considèrent.
Pour plus de la moitié des harceleurs, les recherches montrent que ces derniers ont déjà été victimes de harcèlement.
Une autre caractéristique du harcèlement virtuel est le paradoxe existant dans les termes mêmes ; bien que virtuel; n'existant qu'en puissance pour reprendre la définition de virtuel, ce harcèlement est bien réel tant dans les actes que dans les effets groupaux et psychiques qu'il induit.
Certains auteurs préfèrent parler de profil de situation concernant le harcèlement, plutôt que de profil psychologique. [...] Ces auteurs mettent en évidence que le climat scolaire et la qualité des relations et de la communication entre adultes enseignants, entre adultes enseignants et parents, entre enseignants et élèves, sont des facteurs essentiels dans les phénomènes de harcèlement. Il a été montré qu'un environnement scolaire dans lequel des adultes sont indisponibles, inattentifs aux préoccupations des enfants, se cantonnant ç une position dominante de savoir sans porter de regard bienveillant sur les relations entre élèves, était plus propice au harcèlement. La concordance de ces multiples facteurs et notamment de la fragilité de chacun, peut induire le harcèlement.
Se montrer ou dévoiler quelque chose sur Internet implique un moment fondamental que j'ai nommé la désintimité. La désintimité désigne le passage de l'intime, ce qui appartient à la vie privée, à un sentiment profond, intérieur, soustrait au regard d'autrui, à l'extérieur de soi sur une plateforme virtuelle. Ce passage d'une part de soi à la vue de tous est un point de nouage essentiel car, à ce moment-là, cette part de soi n'appartient plus à l'individu mais à l'ensemble de la communauté virtuelle. La désintimité, c'est-à-dire la dépossession de son intime, initie deux destins qui sont fonction de l'individu lui-même et de sa construction psychique, mais également de la bienveillance ou de la malveillance des autres derrière l'écran.
Il existe donc un continuum entre le harceleur et la victime, soit que le haceleur a été victime antérieurement, soit que le harceleur se retrouve dans la souffrance de la victime, celle-ci lui permettant de mettre au-devant de lui ce qu'il éprouve sans pouvoir le mettre en sens. Dans d'autres cas, le harceleur n'a pas été victime de harcèlement auparavant, mais souhaite prendre une place de leader avec une véritable intention de nuire pour assujettir sa victime à son pouvoir. Il est alors craint et admiré. Le harceleur se rapproche ici de la figure du tyran. Ce dernier a besoin des autres pour se sentir exister et reconnu. Les réseaux sociaux lui offrent un lieu d'exaltation de son omnipotence aux yeux de la communauté virtuelle.
Différents outils existent pour travailler les habilités relationnelles et affectives par exemple, le jeu des trois figures, instauré par S. Tisseron, où les ateliers de la pensée joueuse mis en oeuvre en Belgique en déclinaison du précédent. Le théâtre, les jeux de rôle, les jeux collectifs, les débats, les forums de discussion sont autant d'outils développant l'empathie, la prise de parole sur ses émotions, l'écoute et le respect d'autrui, tout en contribuant à la dynamique groupale. Ces approches ont montré qu'elles amélioraient le climat scolaire et ceci est favorable à la diminution des risques de cyberviolence.
Le second destin de la désintimité est celui de la désintimité pure, que le harcèlement virtuel met en lumière. Suite à la mise en ligne d'une part de soi sur internet par un autre ou par soi-même, il existe une perte irrémédiable de ce bout d'intimité publié. [...] La désintimité pure est un instant catastrophique lié à une rencontre qui réduit l'histoire du sujet au moment présent. Cette atteinte traumatique et narcissique altère le Moi et la représentation qu l'adolescent a de son corps et de lui-même, engendrant une symptomatologie sur laquelle nous reviendrons;
Snapchat utilise un des enjeux majeurs de l'adolescence l'immédiateté. Les remaniements adolescents réaménageant le passé et construisant un devenir font que l'adolescent vit dans l'urgence du présent et le plaisir "ici et maintenant" aveugle les conséquences sur les moyens et long termes. D'où des dérives possibles pour capter le regard de l'autre, pour obtenir le plaisir d'être regardé, d'être aimé.L'adolescent étant lui-même dans une dissolution de ses propres limites de ses repères, le virtuel se fait écho à cette déréalisation de soi et du monde qui l'entoure.