Rencontrez Ann-Helén Laestadius, l'autrice de Stöld
Rentrée littéraire 2022.
C'est l'hiver au nord du cercle polaire arctique. Elsa, neuf ans, est la fille d'éleveurs de rennes samis. Un jour, alors qu'elle se rend seule à skis à l'enclos, elle est témoin du meurtre brutal de son faon, Nástegallu. Elle reconnaît le criminel : Robert, un Suédois du village voisin qui harcèle sa famille et sa communauté depuis des années.
Mais celui-ci la menace de mort et la petite fille, terrorisée, garde le silence. Dix ans ont passé. Face à l'indifférence des autorités et de la police, la haine et les menaces à l'encontre du peuple sami n'ont cessé de s'intensifier. Et lorsque Elsa se retrouve à son tour prise pour cible, quelque chose en elle se brise : le poids du secret, le traumatisme et la peur qu'elle porte depuis son enfance refont surface, libérant une rage nouvelle, celle de vaincre et de vivre.
Stöld retrace la lutte d'une jeune femme pour défendre son héritage et sa place dans une société où la xénophobie fait loi, et dans laquelle les idées modernes se heurtent à une culture façonnée par les traditions et la peur.
« Stöld est à la fois un page-turner palpitant et une histoire dont on se souviendra longtemps. » Sundsvalls Tidning
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Elsa filait sans se retourner. Le dos droit, concentrée pour trouver la bonne cadence, elle regardait ses skis afin de les maintenir dans les traces. Il faisait sans doute un peu trop sombre pour sortir, mais elle trépignait d'impatience.
L'air qui lui fouettait le visage lui glaçait les joues. Du coin de l'œil, elle apercevait ses cheveux noirs devenus gris argentés qui dépassaient de son bonnet. Ses cils avaient aussi changé de couleur, et elle sentait le froid humide quand elle clignait des yeux. Elle avait l'impression de se transformer.
Le lac était un lacis de traces de motoneiges qui menaient chez elle ou ailleurs. Chez des voisins, des cousins. Au parc à rennes.
(Incipit)
Cela faisait des mois qu’elle attendait le marché et pourtant, à ce moment précis, elle aurait voulu être ailleurs. Elle observait les gens, qu’elle pouvait sans peine classer en différentes catégories. Les Samis assumés se pavanaient avec un kolt qu’ils avaient cousu jusque dans le moindre détail, de grands pendants en argent aux oreilles, le risku épinglé à la poitrine. Les moins assumés, ceux qui n’avaient pas la langue, le regard fuyant, effleuraient les châles suspendus aux cintres. Ils avaient envie d’acheter, mais hésitaient. Et puis les autres, ceux qui prenaient les photos, qui ignoraient tout de la culture samie, qui avaient voyagé en train de nuit jusqu’à Boden et continué en autocar, ceux qui étaient venus en car de tourisme ou avec leur voiture personnelle. Ceux qui admiraient sans jamais réfléchir, probablement. Qui photographiaient et postaient sur Instagram.
Elle ne pouvait pas pleurer, pas crier. Mais dans sa tête montait un grondement effrayant. L'idée qu'un jour, elle le tuerait.
Allez. Il mit les gaz et accéléra sur la piste. Le renne tenta à nouveau de changer de trajectoire, de courir dans la neige profonde. Il s'enfonçait, tournait sur lui-même, donnait des coups de pied, se débattait. Robert aimait ça. Il heurta un peu plus violemment les pattes arrières de l'animal. Il y eu un craquement. (...) Le renne resta allongé, les yeux tournés vers le ciel. Robert s'avança pour inspecter les membres : ils étaient fracturés, tordus dans le mauvais sens. Il sortit son portable et filma la scène, depuis les pattes cassées jusqu'au museau tremblant. Le regard de la bête n'exprimait plus la terreur, mais la capitulation. Il devrait peut-être lui sectionner les bois pendant qu'il était encore en vie. Juste histoire de.
Elle se disait qu'ils avaient sans doute une part de souffrance en eux. Ca ne devait pas être évident de choisir une autre voie, il y a tant de décisions qu'on ne prend pas librement.
p 336
« Être Sami, c’est porter son histoire avec soi. Se trouver, enfant, devant un lourd sac à dos et choisir ou non de le porter .
Mais comment oser choisir autre chose que de porter l’histoire de sa famille et de transmettre son héritage ?.
Lasse avait essayé, il avait hésité et porté, pourtant à la fin, il n’en avait plus la force. »
Etre sami, c'est porter son histoire avec soi. Se trouver, enfant, devant un lourd sac à dos et choisir ou non de le porter. Mais comment choisir autre chose que porter l'histoire de sa famille et de transmettre son héritage?
p 221
« Le ciel était mauve et les pâles rayons rasants grimpaient à peine jusqu’à la montagne.
Le mois de novembre touchait à sa fin ; en décembre, le soleil les abandonnerait et ils entreraient dans la saison de la lumière bleue.PFF!
Il se fichait bien des couleurs. Il lança avec peine une jambe par- dessus le siège noir et tourna la clé. Cela faisait un moment que la corde du démarreur résistait, il devrait la réparer . Vu l’état de son épaule, il serait bien incapable de tirer assez fort.
Ça lui faisait déjà un mal de chien » ,…
In lamas du, leat di iezat. Leat beare luoikkasin munnje.
Je ne te possède pas, tu es à toi, rien qu'à toi. Je ne fais que t'emprunter.
On y avait écrit en lettres irrégulières : Un bon Lapon est un Lapon mort. Elle arracha le papier et le roula en boule.