Annabelle Hirsch

Dans ce livre, je souhaiterais guider mes lectrices et mes lecteurs dans le passé comme dans un couloir où j'ouvre çà et là une porte, prends un objet sur une étagère pour fournir un éclairage particulier ou raconter une histoire. Il y a cent objets, mais il aurait pu y en avoir deux cents, trois cents, mille - il a été difficile de se restreindre. L'histoire des femmes et de leurs objets est d'une richesse incroyable, bien supérieure à ce qu'on attendrait. Elle est variée, parfois triste, souvent extrêmement drôle. De temps à autre, on voudrait jubiler tant il est beau de voir combien les femmes ont été fortes, inventives et rusées, combien nos plus lointaines parentes nous sont proches, combien leurs pensées, leurs interrogations et leurs aspirations ont été semblables aux nôtres en dépit des différences. Cette histoire des femmes n'est ni exhaustive ni définitive et n'a pas vocation à l'être. Elle souhaite avant tout donner envie de continuer à creuser, à sortir des objets des rayonnages de l'histoire, à chercher des détails, des anecdotes, tout ce qui est en apparence accessoire, et à établir des liens sensibles avec l'univers encore trop largement méconnu des femmes du passé.

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Depuis quelques années, et c'est heureux, de nombreux livres tentent de restituer leur place aux femmes dans l'Histoire et de rappeler que, si elles n'ont parfois pas laissé de traces, ce n'est pas à défaut d'avoir participé mais parce que ceux qui écrivaient les grands récits nationaux les avaient effacées. Et pourtant, elles étaient là, partout, tout le temps, au centre du pouvoir ou dans le cercle des dominés, artistes ou muses, inventeuses ou illettrées, épouses dociles ou ouvrières révoltées. Elles étaient là, et c'est avec une intelligence stupéfiante qu'Annabelle Hirsch s'empare d'objets du quotidien pour nous les raconter. Archéologue du féminin, elle parvient à démontrer que derrière la trivialité des objets se cachent des enjeux de pouvoir, d'émancipation, de sexualité. Les objets n'ont peut-être pas une âme mais ils ont un sens, une histoire, une portée politique ou sociale. Les objets sont en quelque sorte des témoins silencieux auxquels Annabelle Hirsch redonne une voix.

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En lisant le livre d'Annabelle Hirsch, j'ai retrouvé cette sensation merveilleuse, émouvante, de pénétrer dans une maison de famille, une maison abandonnée depuis longtemps où, en ouvrant un placard, on caresse le couvercle d'une boîte à bijoux ancienne et on renifle les pages poussiéreuses d'un album photo.

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De cette lecture, on ressort émue, parce qu'on se sent investie de ces vies-là, de ces vies anciennes, on se sent liée à elles par leurs objets qui disent aussi quelque chose de notre présent et restaurent une dignité longtemps niée. Mais j'éprouve aussi, en parcourant ce livre, une sorte d'exaltation car je suis convaincue, comme l'a prouvé Simone de Beauvoir, que le savoir émancipe et apporte de la joie.

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