AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Anne Carson (26)


C'est qu'il y a bien des façons d'être prisonnier,
me dis-je en arpentant la lande.
En général ma mère après le déjeuner fait une sieste

et je pars en promenade.
Les arbres bleus et nus, le ciel pâle et dur d'avril
Me sculptent en dedans avec des ciseaux de lumière.

Quelque chose dans cette lumière me rappelle l'enfance
c'est la lumière du temps arrêté après le déjeuner quand les horloges tictaquent,

que les cœurs se ferment,
quand les pères s'en vont reprendre leur travail et les mères restent devant l'évier à méditer

ce dont elles ne parleront jamais.
Tu te rappelles trop de choses, m'a dit ma mère il n'y a pas longtemps.

Pourquoi t'accrocher à tout ça ? Et j'ai répondu :
Où le déposer?

( Extrait de L'essai de verre )
Commenter  J’apprécie          332
Qu'est-ce qui fait la sainteté du citoyen?
C'est d'ouvrir

un jour

à l'étranger,
qui n'a pas de jour
à lui.

( Extrait de "La chute de Rome" )
Commenter  J’apprécie          280
Dieu est une grande déchirure dans le cœur.
Sur la route où l'homme avance ballotté Il peut,
comme le dit le prophète,
tarder.

( Extrait de "La vérité sur Dieu" )
Commenter  J’apprécie          230
Il pleuvait sur son visage. Un moment il oublia qu'il avait le cœur brisé et puis il s'en souvint. Embardée nauséeuse aux tréfonds de Géryon coincé dans sa pauvre pomme pourrie. Chaque matin le choc de revenir à l'âme incisée.

Il se traîna jusqu'au rebord du lit et fixa l'amplitude sourde de la pluie.

L'eau balancée par seaux entiers du ciel sur les toits les gouttières les rebords de fenêtre. Il la regardait tomber sur ses pieds et former des flaques au sol.

Il entendait des bribes de voix humaine couler dans les canalisations - "Je crois en la gentillesse" –

Il referma d'un coup la fenêtre.
Commenter  J’apprécie          200
Les noms nomment le monde. Les verbes activent les noms. Les adjectifs viennent d'ailleurs.

Ces petits mécanismes importés ont pour fonction d'attacher toute chose dans le monde à sa place. Ils sont les verrous de l'être.
Commenter  J’apprécie          120
ANTIGONE certains pensent que le monde est fait de
corps certains pensent qu'il est fait de force
je pense qu'un homme ne connait rien d'autre
que ses propres pieds à l'instant où il les brûle
dans les feux brûlants
Commenter  J’apprécie          110
ELLE

Elle habite dans une lande au nord.
Habite seule.
Le printemps là-bas s’ouvre comme un rasoir.
Je voyage en train toute la journée, emportant un tas de livres —

certains pour ma mère, d’autres pour moi,
dont Les Œuvres complètes d’Emily Brontë.
C’est mon écrivain favori.

Aussi mon plus grand sujet d’angoisse, que je veux affronter.
Chaque fois que je vais voir ma mère
je sens que je me change en Emily Brontë,

ma vie solitaire autour de moi comme une lande,
mon corps gauche arpentant la plaine boueuse avec une apparence de transformation
qui s’efface quand je franchis le seuil de la cuisine.
Quel est ce viatique, Emily, dont nous avons besoin ?
Commenter  J’apprécie          90
C'est une arnaque. Je lui dis toujours :
baisse les yeux,
compte jusqu'à quatre,
lève les yeux,
dis ta réplique.
C'est comme ça que tu pérennises une arnaque.
Donne-leur le sentiment qu'ils regardent Norma Jeane complètement nue
même si tu es devant eux avec tous tes vêtements sur toi.
Commenter  J’apprécie          70
JE

J’entends un léger plic ploc dans mon rêve.
Le robinet argent de la nuit goutte
le long de mon dos.
4 H. Je me réveille. Pensant

à l’homme qui
est parti en septembre.
Law était son nom.

Mon visage dans la glace de la salle de bains
montre des traînées blanches.
Je le baigne et regagne mon lit.
Demain je vais rendre visite à ma mère.
Commenter  J’apprécie          60
Il serait doux d'avoir un ami à qui confier des choses la nuit
sans avoir à payer le prix terrible du sexe.
Commenter  J’apprécie          51
Observer un vent du nord broyer la lande
qui entourait la maison de son père de tous côtés,
constituée d'une sorte de roche appelée grès de meule

a appris à Emily tout ce qu'elle savait de l'amour et de ses nécessités -
une éducation violente qui façonne la façon dont ses personnages
S'usent l'un l'autre. " Mon amour pour Heathcliff, dit Catherine,

est pareil à la roche éternelle sous la surface -
source de peu de joie visible, mais nécessaire."
Nécessaire ? Je constate que le soleil a baissé

et que le vent est plus âpre.
Commenter  J’apprécie          50
L'esprit commande en secret seul le corps n'arrive à rien
Commenter  J’apprécie          30
Elle n'est qu'un petit grain d'audace pris dans le désir de transcendance du monde.
Commenter  J’apprécie          30
Et vous aussi vous êtes athée ? dit Géryon.

Je suis sceptique. Vous doutez de l'existence de
Dieu ? Pour être plus précis je fais

crédit à Dieu

d'avoir le bon sens de douter de mon existence.

Qu'est-ce que la mortalité après tout sinon le soudain éblouissement du doute divin?

Pendant un instant

Dieu suspend son assentiment et POUF! nous disparaissons.
Commenter  J’apprécie          20
Anne Carson
Les amoureux attendent toujours. Ils détestent attendre; ils aiment attendre. Coincés entre ces deux sentiments, les amants en viennent à beaucoup penser au temps, et à très bien le comprendre, à leur manière perverse.
Commenter  J’apprécie          20
 A l'intérieur de lui des flammes léchaient le plancher.
Commenter  J’apprécie          20
...la totale sujétion d'Emily

à un projet de création qu'elle ne pouvait ni comprendre ni maîtriser,
et pour lequel elle ne mérite pas plus d'éloges ni de critiques
que si elle avait ouvert la bouche

"pour exhaler la foudre". Le scorpion descend peu à peu
sur le bras du canapé pendant que Charlotte
continue à nous renseigner sur la foudre
Commenter  J’apprécie          10
Géryon était un monstre chez lui tout était rouge
Commenter  J’apprécie          10
Quand justice est faite, le monde se réduit.
Commenter  J’apprécie          10
appendice 17
sur le second paradoxe de Zénon
Les personnes que Marcel aime sont des gens en mouvement. Comme Albertine – toujours en train de filer à bicyclette, en train, en voiture, à cheval ou de s’envoler par la fenêtre ; comme la mère de Marcel – perpétuellement en train de monter l’escalier pour aller lui souhaiter bonne nuit ; comme sa grand-mère – qui arpente le jardin tous les soirs pour entretenir sa santé même quand il pleut à verse ; ou comme son ami Robert de Saint-Loup – qu’on aperçoit la première fois en train d’escalader la banquette dans un restaurant pour apporter un manteau à Marcel, qui reste assis, tout frissonnant, au bout de la table. Marcel est le centre immobile de toute cette activité cinétique, il est comme la flèche qui vole dans le second paradoxe de Zénon, que l’arc décoche mais qui n’atteint jamais sa cible parce qu’elle n’est pas en mouvement. Pourquoi la flèche de Zénon n’est-elle pas en mouvement ? Parce que (c’est l’explication d’Aristote) le mouvement de la flèche est constitué d’une suite d’instants, et à chaque instant la flèche emplit l’espace entier de cet instant, et c’est là (comme dirait Zénon) une description de l’immobilité. Donc, si vous additionnez tous les instants de l’immobilité, ça ne bouge toujours pas. Personne n’irait nier que le roman de Proust ruisselle de temps, et de flèches partant dans toutes les directions. Mais on pourrait également envisager le roman entier comme un immense moment figé, puisqu’il faut à Marcel les trois mille pages de l’histoire pour arriver au point initial où il se met à l’écrire. À la dernière page du livre il décoche sa flèche mais surpasse Zénon, il la tire en arrière, puisque vous venez juste de finir de lire le roman qu’il se propose d’écrire. Ca me donne un peu mal à la tête de penser longtemps à Zénon et à ses paradoxes, même si son élocution pince-sans-rire me plaît. Voici un verre d’antidote-Zénon par ce proustien dévoué, le réalisateur Chris Marker (Sans soleil) : « C’est ainsi qu’avance l’histoire, en se bouchant la mémoire comme on se bouche les oreilles […] un instant arrêté grillerait comme l’image d’un film bloquée devant la fournaise du projecteur. »
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Anne Carson (75)Voir plus

Quiz Voir plus

Que peut-on mettre en bouteille avec des SI et des SY ?

Le bavardage excessif est-il à l'origine de cette inflammation du parenchyme de toute glande salivaire ? Là n'est pas la question, choisissez la bonne orthographe de cet excès de production salivaire, la ...?...

sialorrhée
syalorrhée

12 questions
3 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}