MGEN Académie - 3 bonnes raisons de se mettre au plongeon par Antoine Catel
La petite soeur avait la clarté d’une aube , elle était belle d’une beauté funambule, de mésange, d’une beauté nocturne, elle était un la au piano et un jour de fête. Un opéra blanc.
Et même s'il y a l'horizon du matin qui vient trancher la plénitude, la petite sœur- jeune et convulsée - veut se convaincre qu'il y a, dans ces plaines d'amour s'étendant à perte de vue, ne serait-ce qu'une part infime du réel.
Je crois toujours que les toxicomanes sont faibles et qu'ils devraient en être honteux . Au sein de cette société qui valorise la force , je ne les perçois que comme des lâches qui passent volontairement à côté du monde . Je pense encore qu'ils font ça rien que pour nous faire chier , nous , les normaux , les sains , les beaux , les puissants et les puissantes . Nous qui n'avons rien à nous reprocher . Aucun défaut , aucune faiblesse , aucune tare , aucune cicatrice . Qu'ils ne peuvent pas , qu'ils ne veulent pas . Et de toute manière , depuis le début , qu'ils n'avaient qu'à pas . Qu'on ne récolte que ce qu'on sème . Je pense qu'ils n'en ont tout simplement rien à foutre et que tout ce qui leur arrive est finalement bien fait pour eux .
Ma petite soeur est toxicomane et je suis d'une ignorance coupable . J'aimerais pouvoir dire que je suis un héros , que je sais ce qu'il lui faut , que j'ai la solution , que tout va bien se passer . Qu'elle n'est pas seule à combattre .
C'est comme ça, finalement, que tout commence pour la petite sœur. Par cette mélancolie que rien ne rattrape.
La petite sœur écrivait dès qu'elle avait un moment de libre [...] elle recelait en son âme une sensibilité telle qu'elle demandait déjà à s'exprimer à outrance avant même de pouvoir être comprise. Une richesse intérieure aussi vaste qu'une civilisation étouffée, un volcan de nuit.
Elle savait pertinemment qu'elle était la plus sensible d’entre nous, donc la plus intransigeante.
En réalité, elle est malade. Si malade. Je ne le réalise que maintenant. Il était plus facile de penser que c'était de sa faute.
Les mots sont le carcan des vies humaines.
Et comme le vent était trop fort ce soir-là, partout, il s'était mis à pleuvoir des étincelles. (p72)
Pour la simple et bonne raison que son futur resplendissait de l'ivoire des promesses.