Tant de nuances de pluie - Asha Lemmie
Tu n'as jamais rencontré d'épreuve dont tu ne te soit relevée, se dit-elle. Tu n'as pas à avoir peur d'une vieille femme mourante. Aujourd'hui, c'est elle qui est faible et toi qui est forte.
Yuko plissa les yeux.
- Tu devras être forte. Il faut de la force pour diriger.
- Il faut de la force pour survivre, lui opposa calmement Nori. Vous m’aurez appris au moins cela, grand-mère
Yuko esquissa un sourire ironique. Son feu s’éteignait. Elle s’enfonça dans ses oreillers et ferma les yeux.
L'adoration à l'état pur, trop absolue, même, pour parler d'amour. L'amour peut faiblir avec le temps ou être oublié, remplacé. L'amour peut disparaitre sans raison ni explication particulière, comme ravi par un voleur qui s'échappe dans la nuit.
𝑰𝒍𝒔 𝒓𝒂𝒄𝒐𝒏𝒕𝒆𝒏𝒕 𝒒𝒖’𝒊𝒍 𝒆𝒙𝒊𝒔𝒕𝒆 𝒄𝒊𝒏𝒒𝒖𝒂𝒏𝒕𝒆 𝒎𝒐𝒕𝒔 𝒅𝒊𝒇𝒇𝒆́𝒓𝒆𝒏𝒕𝒔 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒅𝒊𝒓𝒆 « 𝒑𝒍𝒖𝒊𝒆 ». 𝑰𝒍 𝒚 𝒂 𝒕𝒂𝒏𝒕 𝒅𝒆 𝒏𝒖𝒂𝒏𝒄𝒆𝒔 𝒅𝒆 𝒑𝒍𝒖𝒊𝒆 𝒒𝒖’𝒊𝒍 𝒇𝒂𝒖𝒕 𝒖𝒏 𝒎𝒐𝒕 𝒑𝒐𝒖𝒓 𝒄𝒉𝒂𝒄𝒖𝒏𝒆 𝒅’𝒆𝒏𝒕𝒓𝒆 𝒆𝒍𝒍𝒆𝒔.
« je vois que tu es comme de l’émail. Tu brilles à l’extérieur, mais à l’intérieur il n’y a rien. Je suis sincèrement désolée pour toi. Car je suis peut-être une bâtarde et une fille illégitime, mais je ne suis pas assez mauvaise pour voler la lumière des autres afin de combler le vide qui est en moi. Alors que toi… tu as tout, mais tu n’as rien. »
L'océan semblait infini, et pourtant, quelque part, il finissait par s'arrêter. Ou par devenir moins profond, en tout cas
Peut-être en serait-il de même pour son chagrin.
Mais elle en doutait.
Tandis que le bateau s'éloignait, elle se retourna pour jeter un dernier regard à son pays natal, le pays qu'elle avait désespérément voulu aimer.
Mais plus que tout, elle voulait savoir pourquoi. Pourquoi son frère avait gaspillé ne serait-ce que trois phrases pour l'aider. Pourquoi il tolérait ne fût-ce que sa présence. Pourquoi, contrairement au reste du monde, il ne semblait pas la haïr à cause d'un événement survenu alors qu'elle n'était même pas née.
J’adore… mon Dieu, j’aime tout chez toi, Nori. Même les choses que je voudrai ne pas aimer,je les aime. Je t’aime plus que… tout ce dont j’ai pu rêver. Parce que je n’aurai jamais pu l’imaginer. Je n’aurai jamais pu t’imaginer, toi.
Lui revint alors en mémoire un poème appris il y avait longtemps, son poème préféré.
" Je sens que la vie est
Triste et insupportable.
Pourtant je ne peux m'enfuir
Car je ne suis pas un oiseau"
« Certains de ces arbres étaient millénaires, lui dit-il, c’était la raison pour laquelle elle se devait de toujours honorer la terre, car notre sang coule en elle et le sang de la terre coule en nous. Akira, qui pourtant ne semblait pas attacher une grande importance à la spiritualité, portait un profond respect à toutes ces choses immuables, même s’il ne s’agissait que d’arbres. »