B. A. Paris

Il est si intelligent, tellement rusé. Il a retourné contre moi tout ce que j'avais pu lui dire .

Lorsque je le vois, je suis atterrée de constater à quel point il a l'air normal. Il devrait forcément y avoir un signe, des oreilles pointues ou des cornes, censés avertir les autres qu'il est maléfique.

Pourquoi ? Pourquoi ai-je fait ça ? Parce que j'ai oublié ? Ou parce que ça m'a permis de repartir, la conscience tranquille ? Hé bien ma conscience n'est plus tranquille, maintenant. Je l'ai abandonnée à son destin, je l'ai laissée se faire assassiner.

Au contrôle des passeports, je n'ai pu me débarrasser du sentiment que j'étais en train de commettre l'erreur de ma vie.

En jetant un coup d'œil par la fenêtre, je m'aperçois que de là, on peut voir toutes les maisons du Cercle. Leurs fenêtres sont comme des yeux qui soutiennent mon regard et je frissonne involontairement. Est-ce pour ça qu'ils ont bâti les maisons en cercle, pour qu'on puisse se surveiller les uns les autres ?

Donc, je ne déteste pas la maison, c'est plutôt son atmosphère que je n'aime pas.
Ou peut-être est-ce qu'elle n'a pas d'atmosphère. La maison n'a été construite qu'il y a cinq ans alors que le cottage où je suis née, où j'ai grandi et où j'ai vécu jusqu'à ces dernières semaines a plus de deux cent ans.

En admirant les robes, les gâteaux et les bouquets de mariage, elle me parlait de la cérémonie luxueuse qu’elle et mon père m’offriraient. Mais, quand je suis tombée enceinte, peu de temps après mon dix-septième anniversaire, ils ont coupé tous les ponts avec moi.

Mais qu'est ce que tu prends, bon sang ? Des antidépresseurs ?"
Je hausse les épaules . " Je dirais plutôt des suppresseurs d'imagination.

" Tous les deuils sont terribles, quelles que soient leurs circonstances."

Malgré la pluie, j'aperçois l'eau sombre d'un petit lac sur ma gauche, piquetés de roseaux noirs pointant à la surface comme une barbe de trois jours.

Incroyable, la façon dont ces deux poupées russes me travaillent l’esprit. Il me serait très facile de jeter celle que j’ai trouvée, ou tout au moins la reléguer dans mon tiroir avec l’autre, celle qui a appartenu à Layla. Mais je la garde à portée, dans ma poche, comme pour me rappeler que je ne peux pas me montrer trop confiant. Inévitablement, cependant, elle fait remonter des souvenirs de Layla. Et pour ne rien arranger, Ellen a laissé sa famille de poupées russes bien alignées sur le plan de travail de la cuisine au lieur de les remboîter et de les remettre dans la salle à manger. Je ne veux pas lui demander de les déplacer pour ne pas montrer que j’y accorde une quelconque importance, ni lui faire croire qu’elles me mettent mal à l’aise.

Pour elle, la frontière entre réalité et fiction est souvent brouillée, et un assassinat est une simple solution à un problème donné.

- On t'a diagnostiqué un Alzheimer précoce ?
- Non, pas encore. Je suis censée aller voir un spécialiste mais je vais sûrement oublier d'y aller." Nous nous mettons à rire tous les deux, et je ne peux plus m'arrêter.

La peur est le meilleur moyen de dissuasion qui soit.

Je n'étais pas furieux contre toi, j'étais furieux contre le salaud qui t'avait contrainte. Je voulais lui casser les os un par un, lui couper les couilles.

Lorsque je le vois, je suis atterrée de constater à quel point il a l'air normal. Il devrait forcément y avoir un signe, des oreilles pointues ou des cornes, censés avertir les autres qu'il est maléfique.

Je commence à désespérer que quelqu'un remette un jour en cause la perfection absolue de notre existence, et quand nous sommes avec des amis, je m'émerveille de leur bêtise qui les incite à croire que Jack et moi ne nous disputons jamais, que nous tombons d'accord sur tout, et qu'une femme de trente cinq ans intelligente et sans enfant comme moi se contente de rester chez elle toute la sainte journée pour jouer à la dînette.

La peur et la culpabilité sont devenues des compagnes si familières que j'ai oublié ce que c'est que de vivre sans elles.

J'avais du mal à admettre la réalité de ce qui m'arrivait. Il m'a même traversé l'esprit que je participais à l'une de ces émissions de télévisions tordues, où l'on place les gens dans des situations abominables, tandis que le monde observe comment ils s'en tirent.

Je crois que ma mère a toujours tout fait par devoir. Je ne pense pas qu'elle ait eu de vraies joies dans sa vie. Sur les photos des moments qui auraient dû être les plus heureux pour elle, le jour de son mariage, celui de ma naissance, elle a l'air aussi sévère et fermée que d'habitude. Et je réalise que je ne l'ai jamais vue sourire, sauf quand elle saluait le prêtre de notre paroisse à la sortie de l'église.