la confrontation des études pour Sainte Bibiane, le plafond Barberini, le palais Pitti et les coupoles du bas côté droit de Saint Pierre de Rome souligne à quel point le gout de la ligne pure, élégante et juste tend à s'effacer pour laisser place à une manière toujours plus frémissante, où les volumes se construisent par facettes, où les noirs, couvrants et tendres rejoignent parfois apparence du pastel ou celle du fusain, produits vraisemblablement par des pierres reconstitués plutôt que naturelles.
on découvre aujourd'hui que son rôle pour la première travée avait été sous-évalué. grandement dépendant de Cortone pour l'obtention de commandes, au Quirinal, au palais Pitti, peut être même à Sant'Agnese in Agone, Ferri est aussi le vecteur du cortonisme, qu'il consolide à Florence, qu'il répand à Bergame, qu'il diffuse grâce à son exceptionnelle production de dessins pour l'estampe, qu'il démultiplie sur d'autres supports et notamment l'orfèvrerie.
les variations d'attribution entre Cortone et Ferri, à l'étape graphique comme au stade de la peinture, offrent un objet d'étude d'autant plus passionnant qu'elles mettent en jeu différentes perceptions des langages stylistiques, perceptions non seulement subjectives mais qui évoluent au même rythme que nos présupposés sur les rapports maître-élève, sur les conditions de la création et sur les critères de beauté d'une oeuvre d'art.
salué ou décrié, Cortone a joué dans l'histoire de la peinture italienne un rôle qui n'a jamais été sous-évalué. la courbe de sa fortune critique n'a d'original que son amplitude: de son vivant, objet de toutes les convoitises concurrentes des grands de ce monde, il incarna à la fin du XVIIIème siècle, avec Bernin pour la sculpture, Borromini pour l'architecture et le cavalier Marin pour la poésie, l'une "des pestes du goût".
les traits de plume parfois linéaires et saccadés, parfois déliés et faussement aléatoires, accentuent les effets de vibration et de torsion. Avec cette surcharge désordonnée qui lui est propre, Ferri trace, sur sa feuille tournée en différent sens, découpée après coup, des traits de sanguine dont la signification nous échappe, des essais de plume, un début de paraphe, un bras à la pierre noire, un verre ou un calice de même.
sur une esquisse rapide de la silhouette, vue en contreplongée, Cortone se livre à une étude approfondie du drapé, créant la profondeur et le volume par un jeu de trois valeurs: la papier laissé en réserve qui donne la valeur neutre, la pierre noire appliquée très légèrement qui marque le creux des plis et des rehauts de craie blanche qui en signalent les crêtes.
Il manque toujours un pan entier de la production graphique de Cortone et de Ferri, dans lequel ce dernier excelle, pan si bien représenté dans les fonds romains: ces croquis sommaires à l'encre, vifs, rapides, énergiques, où le trait fuse au rythme des idées, se démultiplie, se répète, faisant surgir une figure d'un lacis faussement aléatoire.
Cette feuille prépare le buste de sainte Bibiane pour la scène de la flagellation. Cortone y cherche la juste disposition des bras, surligne le contour enfin trouvé, travaille le modelé en modulant sa sanguine selon une gradation très douce: nul trait visible sur la chair, seulement des nuances de valeur.
avec le recul, à l'évidence, Cortone est l'inventeur d'un nouveau langage artistique et Ferri son porte-voix. Mais dans l'intimité des dessins, cette hiérarchie se trouble parfois et laisse le spectateur désarmé face à la spontanéité d'un geste graphique ou à la satisfaction d'une pensée retenue.
au service de trois papes successifs, Urbain VIII, Innocent X et Alexandre VII, il a profondément transformé l'art de peindre dans la ville éternelle, enrichissant la leçon d'Annibale Carracci par ses recherches en illusionnisme, l'unification de l'espace figuré et la lumière vénitienne.