Louise retira sa veste, fit passer sa robe bain de soleil à pois par-dessus sa tête et se retrouva en dessous et chaussettes sur le parquet froid. Elle retira avec précaution la robe de son cintre en bois et la tint devant elle, contemplant son reflet dans le miroir poussiéreux et craquelé.
La robe était d’un rose parfait : couleur barbe à papa, chewing gum et Marylin Monroe. Louise avait l’impression d’être vraiment belle grâce à elle ! Elle se fit un énorme sourire. Le miroir lui renvoya l’image d’une pauvre fille à la bouche bourrée de bagues hyper voyantes. Déprimée, elle revint vite à la réalité.
Soupirant, Louise s’empara de la robe rose, glissa ses bras dans les emmanchures et la laissa tomber le long de son corps comme un rideau. Elle entendit le frou-frou du tissu qui se coulait autour d’elle, la soie fluide et le taffetas qui grattait sur sa peau. Dès que la robe fut en place, sa tête se mit à tourner… et tout devint noir. Louise s’effondra inconsciente sur le sol, dans un nuage de soie rosée.
- Le Metropolitan Museum of Art adorerait mettre la main sur cette fabuleuse robe, haleta Glenda.
Elle était coupée dans un délicat satin vert d’eau, de la couleur des boîtes de chez Tiffany’s. Le corsage en ruché s’ajustait sur une superbe jupe longue à crinoline, décorée de deux panneaux drapés qui ressemblaient à des rideaux de scènes retenus par des glands dorés. Son décolleté plongeant était bordé de dentelle blanche et d’un galon bleu vif entrelacés, qui soulignaient également le bas de la robe dont la longueur couvrait les pieds. La dentelle décorait aussi les manches trois-quart avec un plissé parfait, agrémenté d’un ruban de soie fixé par une grosse broche en diamant sur chaque bras. Une rangée de minuscules nœuds rose pâle en décorait le devant de haut en bas. La robe rigide tenait droite toute seule.
Louise avait horreur d'être la seule cliente dans un magasin. C'était trop gênant de se retrouver au centre de l'attention au moment où il s'agissait de farfouiller dans les portants surchargés de vêtements !
Le rouleau était si peu pratique à manipuler qu'il était tenu par deux serviteurs, vêtus en tout et pour tout de simples pagnes. Apparemment, dans cette époque pré-iPad, il fallait trois personnes pour lire un livre !
Après trois vaines tentatives pour quitter la pièce, Louise finit par découvrir (trop spécial !) qu’elle devait se mettre de profil pour franchir le seuil afin de ne pas esquinter sa robe ! Elle entendit de nouveau les rires étouffés de ses deux femmes de chambre, et eut soudain le sentiment que la nuit serait longue.
Marla et Glenda font-elles partie d'une monde magique? Ou est-ce la robe?
Les plats suivants se succédèrent rapidement. Huîtres glacées qui ressemblaient à des limaces gluantes, mais vous donnaient l'impression de goûter la mer en direct.
Je crois que s'amuser à se déguiser commence à l'âge de cinq ans et ne s'arrête jamais.
- Pourquoi achètes-tu autant ? Ne put s’empêcher de demander Louise alors qu’elles entamaient leur long retour cahoteux vers Versailles.
[…]
- Mais… parce que je le peux, répondit-elle en gloussant, tout en dessinant du bout du doigt un cœur enfantin sur la vitre embuée du carrosse. Je suis tout simplement terrifiée à l’idée de m’ennuyer.
L'âme ne peut pas mourir ; elle se transforme, tout simplement, elle change.