Citations de Bill Konigsberg (40)
Toute sa vie durant, tout a été terriblement difficile. Et à présent, c'est si simple ! Une grande part de votre existence dépend de votre approche .
L'expression qu'elle lui adresse ressemble à une grimace. Elle espère qu'elle lui communique tout. La compréhension. Le fossé qui les sépare. Le naufrage.
À vrai dire, beaucoup de raisons m’avaient poussé à déménager à l’autre bout du pays pour passer ma première à l’internat de Natick. Sauf que certaines de ces raisons auraient été bien difficiles à expliquer à quelqu’un comme, par exemple, la présidente de l’Association des parents, familles et amis d’élèves lesbiennes et gays de Boulder. Car cette personne ne pourrait pas comprendre qu’un élève homo puisse vouloir s’en aller alors qu’on avait tout fait pour lui faciliter un peu la vie.
D’autant plus quand ladite présidente de ladite association était votre propre mère.
Là, je ne répondis pas. Je regardai Ben, qui s’occupait très clairement de ses oignons. J’avais remarqué qu’il ne participait pas aux discussions trash ni à celles sur les filles. J’adorais faire partie de l’équipe de foot, mais je devais bien admettre qu’il y avait un millier de choses que je préférais à cette partie du rituel, à cette façon dont ils parlaient des femmes, comme si elles n’étaient que des objets. J’essayais de m’imaginer un monde où la norme serait d’être gay et dans lequel toute l’équipe le serait. Traiterions-nous alors les autres hommes de la même manière ?
— C’est aussi clair que le sourire niais sur ton visage, Rafe.
— Sérieux, arrêtez, là. Vraiment, dis-je en regrettant de ne pas être sorti avec Ben.
— Oh, je suis si contente, tu aimes un garçon ! s’enthousiasma ma mère. Tu es toujours notre Rafe, sous cet hideux déguisement d’hétéro…
— Ce n’est pas un déguisement ! m’emportai-je, à ma propre surprise. Je sais que vous ne comprenez pas, mais ça fait vraiment partie de moi, tout ça, OK ? Je sais, je suis gay. Je suis votre fils gay. Mais vous ne pourriez pas me foutre la paix deux minutes, que j’aie l’occasion d’être un peu moi-même aussi ? Merde.
Je cognai le siège à côté de moi.
Le silence dans la voiture était assourdissant. Mes parents me dévisageaient, la bouche ouverte. Je ne crois pas leur avoir jamais hurlé dessus avant ça. Je me sentis soudain très mal, et je baissai la tête.
— Oh, mon Dieu, je suis désolé, dis-je. Pardon, c’était complètement inadmissible. Je suis désolé. Je vous aime, tous les deux. C’est juste que vous ne comprenez pas. Faites-moi confiance, d’accord ? Je sais ce que je fais.
Ma mère posa une main sur mon bras, et le frotta affectueusement.
Qui étais-je ? Comment pouvais-je prendre la défense des gays tout en dissimulant cette partie de moi-même ?
Je me sentais si étranger, allongé là, avec le vent qui hurlait aux fenêtres. À quoi jouais-je ? Qui était vraiment Rafe ? Peut-on réellement faire abstraction d’une partie de soi-même ? Et dans ce cas, cesse-t-elle d’exister ?
C’est tellement plus facile pour les hétéros. Ils ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas comprendre. Être ouvertement hétéro, ça n’existe pas.
Parce qu’avant, j’étais quelque chose, et c’était difficile. Mais au moins, j’étais quelque chose, voyez-vous. Je n’étais pas seulement ce type qui prenait la défense de quelqu’un d’autre dans les douches alors que j’aurais dû, au contraire, me défendre moi-même.
C’était quelque chose que mon meilleur ami Ben ne pourrait jamais savoir sur moi.
Pourtant, je me disais : ce qui serait vraiment chouette, ce serait de vivre dans un monde où personne ne verrait le fait d'être gay comme un sujet de moquerie.
— C'est difficile d'être différent, continua notre professeur. Et peut-être que la meilleure réponse serait de ne pas tolérer les différences, ni même de les accepter, mais de les célébrer. Alors, peut-être, ceux qui sont différents se sentiraient plus aimés, et moins, disons, tolérés.
— C’est injuste que tu aies un fils avec un cerveau cassé. Tu n’as pas signé pour ça.
— Oh que si, j’ai signé pour ça.
- Quand je suis rentré de la fac, à l'époque où j'allais très mal, Mamie m'a passé ce morceau. Ce n'était pas trop ma came. Je veux dire, à l'époque, c'étaient les débuts du grunge, et aimer la pop archi sentimentale de Wilson Phillips n'avait rien de cool. Mais... cette chanson m'a transpercé, tu comprends ? Je l'ai écoutée encore et encore. Hold on for one more day. Je restais assis sur la banquette devant la fenêtre du salon, celle qui surplombait l'Hudson, pendant que mamie s'affairait. Vois-tu... j'ignore si elle l'a su avant de mourir, car je suis pratiquement certain de ne lui avoir jamais dit, mais cette chanson... ma sauvé la vie.
Sois tu acceptes la vulnérabilité, soit c’est elle qui te gâche la vie.
Jesus. If he can't trust his brain, what can he trust ?
Peter Pappas a décidé d'être ce que son père pensait qu'il devait être. Et je ne dis pas que le fait d'être ce que les autres veulent que vous soyez mène à la mort. C'est beaucoup trop simple. Mais je pense que, lorsque nous choisissons une voie facile, où les gens et la société nous récompensent d'être ce qu'ils veulent que nous soyons, en allant à l'encontre de qui nous sommes vraiment, une sorte de mort survient. Celle de l'âme. [...] Mais aujourd'hui, je pense que la meilleure façon de vivre est de faire comme mon ami Toby Rylander, qui choisit d'être lui-même, même si cela lui complique la vie d'une certaine façon, car au moins il est vivant dans son âme.
La culpabilité, c'est en rapport avec quelque chose que tu fais. La honte, c'est par rapport à ce que tu es.
On finit par devenir un expert sur la question, parce qu'ils vous gavent de statistiques. Par exemple, saviez-vous que les enfants LGBT ont 8,4 fois plus de chances de tenter de se suicider que les jeunes hétéros ? Et que cinquante pour cent des enfants LGBT sont rejetés par leurs parents ? Qu'entre vingt et cinquante pour cent des adolescents SDF disent être gays, lesbiennes ou transgenres, et que cinquante pour cent des garçons parmi ces jeunes ont vendu leur corps pour s'en sortir ? Ca, c'est le genre de choses que j'ai apprises, et ne pas avoir vécu ces problèmes m'a donné le sentiment que j'étais l'ado le plus chanceux du monde.
- [...] Je ne comprends pas. Tu es de retour dans le placard ?
- Pas exactement, maman. Simplement, je ne le dis à personne.
J'avais plutôt l'impression de rester dans l'embrasure de la porte que d'être retourné dans le placard, pour ainsi dire.
- Seamus Rafael. Pour l'amour... C'est ça, le placard, chéri. Tu as déjà connu ça. Pourquoi le revivre encore une fois ?
Steve m’emmena à la salle de bains de l’étage et m’aida à me nettoyer, tout en me répétant un nombre incalculable de fois à quel point c’était trop génial que j’aie failli dégueuler sur une fille quand elle avait essayé de m’embrasser.
— Oh, mec, c’était grandiose. Tu assures, Colorado.
Je marmonnai une réplique affirmative, tout en me penchant vers le robinet pour me débarrasser de l’acidité dans ma bouche. Ça commençait à cogner dans ma tête, mais je trouvais quand même ça génial de faire partie de ce groupe de mecs.
— Ce que je dois vraiment faire, c'est arrêter de me soucier de ce que les autres pensent de moi, avouai-je.
— Je me sens un peu à côté de la plaque, en quelque sorte. C'est dur.
— On est tous un peu à côté de la plaque, d'une certaine manière, dit-il.
Il faut que je vous dise que, quelquefois, ma mère oublie certains détails importants quand elle parle. Comme la fois où elle nous a dit qu’elle allait se lancer dans le cuir (pour les canapés, en fait), ou bien quand j’étais petit et qu’elle m’a dit : « Tiens, voilà une serviette pour ranger ta couille. » Elle parlait des Couilles de mammouth que j’étais en train de sucer.