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Citations de Boris Quercia (134)


[...] ici, la mort, comme tout le reste, est un business. Et on tire plus de profit d’un moribond que d’un mort.

Même si, une fois refroidi, on continue à leur faire gagner du fric, car on doit louer son petit lopin de terre – ça ne coûte pas trop cher, vu que le locataire n’ira pas bien loin.

Sinon, comme monsieur le Pape a interdit de garder des cendres chez soi, ou de les lancer où l’on veut, on doit louer une niche funéraire comme celles qu’il y a dans les cimetières, pour caser les restes de tous ces pauvres cons, même si on n’est jamais bien sûr que ce soit vraiment les leurs, car dans ces fours on brûle des milliers de personnes.
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[...] Je viens d’un autre monde, d’un monde froid et compact comme du goudron. Même si je le voulais, je n’arriverais pas à faire remuer le cadavre que je suis devenu.
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JIMÉNEZ est mort avant d’arriver à l’hôpital. Un projectile est entré par l’aisselle, là où le gilet pare-balles ne le protégeait pas, lui a perforé une artère et lui a traversé les poumons.

Pendant la messe, je vois de loin sa veuve. Elle est très jeune, au moins dix ans de moins que lui. Elle a l’air d’une provinciale, toute simple. Elle a pris tellement de calmants qu’elle ressemble à un zombie. Une gamine de deux ans s’accroche à ses jupes sans rien comprendre.

Les enterrements, c’est pas mon truc.

Je continue à regarder le cercueil, m’attendant à tout moment à voir Jiménez se lever et nous dire que c’était une blague. Il avait son sens de l’humour, mon collègue, il m’a fait le coup une fois à la morgue. Il s’était couché sur une des civières, recouvert d’un drap, vous imaginez la suite… Mais de cette farce-là, il n’en sortira pas. C’est la blague finale, le clou du spectacle, et ce n’est pas drôle.

Je ne supporte plus la messe, ni de ne pas pouvoir fumer.

À mi-chemin de la sortie, je sens que quelqu’un m’emboîte le pas. Il est tout près, derrière moi, et bien qu’un titillement paranoïaque s’empare de moi, je ne me retourne pas.

Une fois dehors, mon poursuivant me rejoint. C’est un grand type chauve, un peu voûté, comme souvent chez les gens grands au Chili. C’est un pays qui punit ceux qui dépassent la moyenne, les grands essayent de passer inaperçus et les très grands, comme ce type, se voûtent pour entrer dans le rang.

Il m’appelle par mon nom, me tend la main et me donne une vigoureuse accolade.

« Toutes mes condoléances.

– Merci », je lui dis sans avoir la moindre envie de savoir qui il est. Je cherche mes cigarettes et lui en offre une. Il ne fume pas, c’est ce genre-là.

Les allumettes, je ne les trouve pas. Je farfouille dans mes poches comme si elles allaient finir par apparaître à force de chercher. Lui, pendant ce temps, me regarde avec commisération, ou intérêt, ou les deux à la fois. Son attitude commence à m’irriter.

« Moi non plus, je n’aime pas les messes », il dit, comme s’il cherchait à créer une complicité. Je ne relève pas et hausse les épaules. « Je m’appelle Ricardo Arenas, de la Nouvelle Lumière. »

Je comprends maintenant, Jiménez en parlait tout le temps et voulait m’inviter à ses réunions hebdomadaires. Des conférences et des trucs comme ça, philosophie, sagesse chinoise. Je ne sais pas trop. Moi, je suis un type plus terre à terre. Moins compliqué. Jiménez, par contre, avait toujours de nouvelles idées, qu’il tournait et retournait dans sa tête.
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C'est curieux comme l'homme est le seul être de la création à parler tout le temps de lui. Il ne lui suffit pas d'exister, comme n'importe quel autre animal. Peut être que ce qui nous rend un peu cinglé , c'est le fait d'essayer de toujours tout expliquer.
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Je suispar exemple resté à regarder une fontaine bâtie en hommage à Christophe Colomb. C'est une fontaine minable, presque sans eau, sur laquelle on a posé une plaque ronde avec le visage de Colomb, qui a l'air d'avoir été dessiné par un élève de primaire. Et là, je me suis mis à réfléchir. Si c'est çà l'hommage qu'on rend au type qui a découvert la moitié du monde, qu'est-ce qu'on peut espérer pour soi? Et je me suis répondu à moi-même : le broyeur à viande et rien d'autre.
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Alors Romina me montre le soleil qui se lève et me dit : « Regarde comme c’est beau », et je me rends compte qu’il y a encore de l’espoir.
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Si on apprend une chose en étant flic, c’est que les pères sont de vraies merdes dans ce pays. Ils fourrent leur bite et disparaissent. L’autre chose, c’est qu’ici personne ne paie pour ses fautes, à moins d’être pauvre. Mais ça ne compte pas, les pauvres payent toujours, ici comme ailleurs.
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« On ne peut pas fumer ici, monsieur. »
Quelle tristesse, ce monde où on ne peut pas fumer dans les bars, pendant que les gens dans la rue sont obligés de respirer la merde qui sort des pots d’échappement des autobus.

J’éteins la cigarette sur le petit plateau de l’addition et je sors. Dans la rue, je redeviens une fourmi de plus qui avance au milieu des gaz des pots d’échappement.
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[...] Moi, je pense que c’est juste un coup de bol. Mourir, pour un flic, est un accident du travail, comme la silicose pour les mineurs de charbon.
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[...] Les enterrements, c’est pas mon truc. Je continue à regarder le cercueil, m’attendant à tout moment à voir Jiménez se lever et nous dire que c’était une blague. Il avait son sens de l’humour, mon collègue, il m’a fait le coup une fois à la morgue. Il s’était couché sur une des civières, recouvert d’un drap, vous imaginez la suite… Mais de cette farce-là, il n’en sortira pas. C’est la blague finale, le clou du spectacle, et ce n’est pas drôle. Je ne supporte plus la messe.
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[...] Ce n’était pas une situation facile, j’avais la maîtresse du mort au téléphone et sa veuve assise en face de moi.
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[...] J’aime bien les gens qui savent allumer leurs allumettes malgré le vent et qui font cette espèce de petite maison avec leurs mains autour de la flamme. C’est plutôt mon genre, je me dis.
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[...] Je cherche mes cigarettes et lui en offre une. Il ne fume pas, c’est ce genre-là.
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[...] C’est un grand type chauve, un peu voûté, comme souvent chez les gens grands au Chili. C’est un pays qui punit ceux qui dépassent la moyenne, les grands essayent de passer inaperçus et les très grands, comme ce type, se voûtent pour entrer dans le rang.
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On dirait un vrai démon ce chien, la fumée lui sort par le museau à cause des coups de feu tirés à bout portant.
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[…] Ces jours pluvieux où l’on marche sous un parapluie en fumant une cigarette sont faits exprès pour penser à des choses tristes.
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[…] Les dents de travers ont plus de personnalité, elles sont vraies. Beaucoup de femmes me plaisent, mais celles qui me plaisent ont presque toujours les dents de travers. Ça dit d’elles qu’elles ne sont pas nées avec une cuillère en argent dans la bouche. Qu’elles sont plus fidèles.
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Ma blessure au bras me fait mal. J'appuie sur le PQ imbibé d'eau de toilette. Je regarde par la fenêtre. La petite maman est en train de changer le bébé. Je la surprends toujours là, avec son enfant. Elle lui nettoie le nombril avec du coton à la Bétadine. Et moi, qui va me soigner ma blessure... Mon angoisse revient. Je m'assieds sur le tabouret de la cuisine. Je pleure. Ça faisait si longtemps que je n'avais pas pleuré. Dehors, il fait déjà nuit et il n'est même pas six heures.
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« Rien, rien, rien… » répète Mila.
Mais cette fois, j’entends aussi des halètements, comme si elle s’était mise à courir, puis un sifflement épouvantable qui me perce les tympans. J’arrache violemment mon oreillette. Je lève les yeux : deux caméras surveillent l’allée, elles ont dû détecter mon geste, ils m’ont envoyé ce bruit insoutenable pour me repérer. J’essaye de me persuader que Mila s’est déjà réfugiée quelque part, et que c’est donc certainement moi, le gibier principal. C’est sur moi que va se jeter la meute. Je serre instinctivement le cube métallique dans ma main. Je ne sais pas comment je vais pouvoir me sortir de là, le sang cogne contre mes tempes, je sens des crampes dans tous mes muscles. Je ne peux pas supporter l’idée qu’ils m’attrapent, j’ai vu tant de corps de camarades, les doigts triturés, les dents arrachées, la peau brûlée par l’électricité.
J’entends la sirène d’un des bateaux qui arrivent au port, à présent j’en suis à deux blocs de distance. Je joue ma dernière carte. Je me mets à courir. Je cours tant que je peux, le cube dans la main. Je cours tout en jetant du lest, je me débarrasse de tout ce qui est traçable, ma montre, le mini-récepteur, l’imperméable climatisé. C’est à peine si je vois les gosses des rues se précipiter sur les petits trésors que je sème derrière moi. J’entends dans mon dos les sirènes des voitures blindées qui se rapprochent, mais je me retourne pas, je continue jusqu’au débarcadère et je replonge dans la cohue des passagers empressés, qui descendent des ferries en se bousculant pour ne pas arriver en retard au boulot. Je me fraie un passage avec brusquerie, ils m’ouvrent une voie. Plusieurs agents de la police portuaire font leur apparition, essayant de m’arrêter en me frappant, mais j’esquive leurs coups, je pousse une vieille dame qui est restée paralysée sur mon chemin, les insultes pleuvent, la femme hurle. Un vigile sur un ferry utilise sa radio, je crois entendre deux coups de feu. Mais j’ai déjà sauté du quai, je reste un instant suspendu dans les airs, puis je plonge dans l’eau sale. Je coule, sans lâcher le cube, le peuple libre se noie avec moi, je ne peux pas le lâcher.
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« Il n’y a pas de copie », c’est tout ce que peut me dire Enzo quand il me glisse le paquet de chiffons sales dans lequel il a enveloppé le NEURON. Il n’a même pas osé le toucher, ses mains tremblent, il sue et peut à peine parler.
Je jette immédiatement les chiffons pendant qu’Enzo disparaît au milieu de la foule qui s’agglutine sur le quai du métro en cette heure de pointe. Ensuite, je fais d’innombrables détours, j’emprunte plusieurs ascenseurs à la suite, je change de niveau, je me débarrasse d’une partie de mes vêtements et je mets un bonnet. Je parcours plusieurs blocs, privilégiant les endroits où les caméras ont été vandalisées et sont hors service, jusqu’à arriver au débarcadère et me mêler à la multitude qui descend des ferries.
Puis je remonte l’allée Cienfuegos en tenant le NEURON dans mon poing d’une façon naturelle, sans qu’on puisse deviner sa présence. C’est un cube d’aspect métallique, opaque. Il doit mesurer quatre centimètres de côté. Il pèse trois cents grammes. Ses arêtes sont légèrement arrondies, comme si elles étaient usées à force de passer de main en main. Il ne présente aucune marque, ni rayure, ni inscription. Ses six côtés sont parfaitement lisses, sans rainure ni orifice. Il est de couleur indéfinissable, comme de la terre morte. Il est froid et ne se réchauffe pas au contact de la peau. Il se maintient en permanence à 18,8 degrés Celsius, quel que soit l’environnement dans lequel il se trouve. Il ne vibre pas et ne peut pas être détecté par les portails magnétiques à l’entrée des souterrains.
L’avenir de la Société du peuple libre repose dans la paume de ma main.
Je me fonds dans la foule et marche tranquillement, comme si je ne sentais pas sur mes épaules la responsabilité d’avoir en ma possession la dernière copie du NEURON. C’est une habitude que l’on acquiert dans la clandestinité : mentir en permanence. C’est un instinct, un camouflage naturel, être comme tout le monde, ne pas de faire remarquer, ne pas avoir peur, ne pas regarder les gens dans les yeux. S’arrêter de temps en temps devant une vitrine, reprendre son chemin comme une personne distraite, perdue dans ses pensées et ses préoccupations, inquiète de ne pas réussir à joindre les deux bouts.
Je suis clean, indétectable. Le NEURON est en sécurité pour le moment. Il ne reste qu’un dernier rendez-vous. Plus qu’un échange et le réseau pourra être restauré. Une fois le NEURON en ligne, les relais se multiplieront pour dupliquer les informations, nous aurons résisté une fois de plus aux attaques et la Société du peuple libre sera de nouveau sauvée.
L’allée Cienfuegos est éclairée de mille feux, les fêtes vont bientôt commencer, je ne sais pas qui peut avoir envie de fêter quoi que ce soit, mais c’est la dynamique commerciale qui veut ça, on passe d’une chose à l’autre, de la Saint-Valentin à la fête des Mères, du jour des animaux domestiques au jour de l’enfance, de la célébration de l’Armistice à Halloween, etc. Ça ne s’arrête pas, on cherche toujours un moyen de forcer les gens à acheter ce dont ils n’ont pas besoin, parce que s’ils n’achetaient que le strict nécessaire, la moitié des magasins ferait faillite.
« Victor… » dit la voix de Mila dans mon oreillette.
Je m’arrête. C’est curieux que ce soit elle, le dernier contact. Nous avons fait nos armes ensemble dans le NEURONisme et, après beaucoup de sacrifices, nous avons grimpé dans la hiérarchie. Nous avons finalement intégré le premier cercle du mouvement sans rien devoir à personne, et aujourd’hui, nous sommes les deux derniers maillons dont dépend toute la chaîne.
« Victor… »
Cela fait des années que je ne l’ai pas entendue prononcer mon nom, et, bien que je sois à moins de cent mètres de notre point de rencontre, je m’immobilise. Quelque chose dans la voix de Mila me prévient d’un danger.
« Rien. »
Rien est notre signal d’alerte, si quelque chose ne va pas. Je me tourne face à une vitrine. J’attends.
« Rien, rien, rien… » répète Mila.
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