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Critiques de Brigitte Lozerec`h (5)
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Au diable Pauvert

Un livre palpitant et déchirant comme un hommage profond à l’éditeur hors du commun que fut Jean-Jacques Pauvert et parallèlement, une très grande histoire d’amour….unique et des plus atypiques. Pas de voyeurisme. Une ode à l’Amour, aux Livres et aux métiers d’éditeur et d’écrivain !...



Brigitte Lozerec’h raconte avec talent , respect, admiration et sincérité , quarante années d’un tumultueux compagnonnage amoureux et intellectuel avec Jean-Jacques Pauvert... Elle en sera la dernière épouse.



Sans rien savoir de cette publication, j’ai été, dans une premier élan, spontanément attirée à la fois par le jeu de mots du titre et ce dessin éloquent de la couverture, représentant une bibliothèque… et par n’importe laquelle , puisqu’il s’agit de celle de l’éditeur, Jean-Jacques Pauvert… dessinée par l’auteure …



Là aussi , pas une auteure parmi d’autres, mais la dernière compagne de l’éditeur ; Brigitte Lozerec’h, qui le connut à l’âge de 30 ans, lui apportant son premier texte, qui se trouvait être un texte des plus délicats, retraçant des secrets familiaux honteux, au sein d’une famille nombreuse, bretonne, catholique, !très rigide quant à la bienséance et aux apparences qu’il faut maintenir à n’importe quel prix, même au prix d’une enfance massacrée.



Brigitte Lozerec’h découvrit le nom de cet éditeur « sulfureux », quand ce dernier publia et défendit Albertine Sarazin…Elle avait vingt-ans… Plus tard, l’auteure proposa son premier texte à trois éditeurs dont J.J. Pauvert !...

Je venais de débuter ma carrière de libraire depuis un plus d’une année lorsque j’ai lu ce premier texte de Brigitte Lozerec’h (1982) avec malaise et révolte… « L’Intérimaire »… Il fut parmi les premiers textes à aborder la tragique réalité de l’Inceste…



Ce que j’apprends, en premier, dans ce récit autobiographique… c’est tout le travail d’accompagnement, de réécriture que fit Pauvert auprès de sa « jeune auteure » à laquelle il croit fortement…

S’ensuivent une histoire passionnelle de sept ans avec la complicité intellectuelle, les discussions sur les livres, les corrections, remaniements multiples à apporter au manuscrit, et enfin, la publication de « L’Intérimaire », un succès énorme de librairie, la promotion de ce livre qui faillit être adapté au cinéma par Maurice Pialat… la séparation ultérieure, avec la venue d’une autre femme.

L’auteure partira en Bretagne… »tenter de se guérir » de cette séparation, même si ils gardent le lien… ils se retrouveront progressivement. L’histoire de cette passion prendra d’autres visages plus apaisés, avec une belle complicité avec la nature, les livres, l’Ecriture… jusqu’à l’accompagnement dans la vieillesse et la maladie de son « Amour-Pygmalion »…



« J'étais à nouveau perdue, mais je voulais continuer à apprendre avec lui [Jean-Jacques Pauvert ] cette langue étrangère de la vie où l'on a le droit d'aimer sans se cacher, où l'on écrit des livres pleins de vérités qu'il fallait taire dans la vie courante (...)

L'avantage était qu'il m'entraînait loin, loin des codes de mon éducation, et je le suivais avec l'entêtement de qui s'avance derrière l'aventurier en terre inconnue. (p. 64)”



Au fil de ma lecture, je retrouve mes souvenirs de l’autobiographie de J.J. Pauvert, « La Traversée du livre »… ses débuts, grâce aux connaissances paternelles…, comme « saute-ruisseau » chez Gallimard , ses débuts d’éditeur, ses procès, les scandales successifs, la publication des écrits d’Albertine Sarrazin, qu’il défendit « becs et ongles »…, sa curiosité insatiable , ses recherches et son étude magistrale sur le marquis de Sade…qui lui prit une très large part de sa vie…



« Comme toujours, il me faisait osciller entre deux sentiments contraires. Son amour pour ses parents était au coeur de ses souvenirs de jeunesse qu'il racontait avec un plaisir plein de tendresse. D'aussi loin que remontait sa mémoire, ils l'avaient soutenu en tout. Renvoyé de l'école ? Qu'à cela ne tienne, il y en a d'autres... Plus d'école à quinze ans ? pas de problème, il y a de l'embauche chez les libraires, puisque la lecture est sa passion. Justement son père connaissait Gaston Gallimard, le créateur, outre la maison d'édition, de la librairie du boulevard Raspail. Le vilain petit canard tant aimé de ses parents y était devenu livreur et homme de main. J'enviais un tel fils que le père ne jugeait pas, à qui il accordait sa totale confiance en toute chose, le laissant lire tout ce qui lui tombait sous la main depuis son apprentissage de la lecture. La magie des mots sur le papier, il l'avait sentie immédiatement, me redisait-il. (p. 129)



Des multitudes de moments magiques, de complicités, de silences, de travaux jardiniers et forestiers dans les collines méditerranéennes, ainsi que les indispensables échanges sur leurs lectures, dont le conseil accentué de Pauvert pour que sa compagne, curieuse de « Correspondances et de biographies », découvre et se lance dans la monumentale Correspondance de Flaubert, qui va en effet, l’emporter et l’enthousiasmer, alors qu’elle appréciait médiocrement « le romancier » !!!



Hormis les derniers moments des plus éprouvants de Jean-Jacques Pauvert que Brigitte Lozerec’h, décrit, sans doute pour conjurer la colère et l’indignation massives éprouvées à cette période ( que je n’aurais pas eu envie de connaître)… Brigitte Lozerec’h a évité tout voyeurisme et tout goût pour le « croustillant »….dans la narration de la vie personnelle et professionnelle de cet éditeur « sulfureux », hors –pair, et toutefois le plus censuré

***[ même si j’ai quelques pensées pour un autre « mauvais garçon » de l’édition, Eric Losfeld ] , l’auteure s’attache à rendre une image aussi fidèle et contrastée de l’homme et l’éditeur, à la fois. Ce dernier était, comme tous les grands personnages, complexe, ambivalent, avec des failles… avec au fond de lui, une tragédie, et une solitude immense vécues à partir de la mort prématurée de son fils adoré…



Des images surgissent à ma mémoire : dans les années 1990, je me trouvais , rue Bonaparte, dans le quartier de Saint-Sulpice, je revois la silhouette de Jean-Jacques Pauvert, un œil malicieux, attentif, taiseux, avec une réserve certaine…, il venait en voisin, fouiner dans la librairie ancienne où je travaillais et rédigeais le catalogue [Librairie –édition Picard ], comme j’allais, à mon tour, pendant ma pause –déjeuner fouiner dans d’autres "antres livresques » dont sa librairie, aux hauts plafonds , belles étagères et mobilier en bois…Un lieu à l’image de son propriétaire, comme hors du temps….Ces images me reviennent en force, lorsque Brigitte Lozerec’h évoque ce quartier de Saint-Sulpice, où ils se retrouvaient pour « travailler » son manuscrit !



Hommage vibrant et subtil à un très grand bonhomme de l’édition… sans oublier les « anecdotes » , les rencontres captivantes nous offrant le miroir et l’ambiance du monde littéraire et éditorial de ces années …des années 60 aux années 90 (& plus)…Je retiens aussi les rencontres loin de la capitale , dans les Cévennes, chez Jean Carrière… lors de la préparation de publication de « La Caverne des pestiférés »; chez Dali pour la publication de son texte à partir de l’Angélus de Millet…les rencontres avec la chercheuse et auteure complice, Annie Le Brun [auteure des « Châteaux de la subversion » ]…etc.



Sans omettre la très exceptionnelle histoire d’amour, d’admiration de Brigitte L. pour son mentor, ce qui ne lui enlève en rien son esprit critique, qui reste toutefois, en toutes circonstances, bienveillant et élégant, jusqu’au bout de leur « compagnonnage » :



« Malgré les heures d’ennui profond au creux des matins mous, je savourais quelque chose de nouveau dont j’avais été assoiffée toute ma vie : l’harmonie, les libres conversations avec l’homme que j’avais espéré rencontrer un jour de mes vingt ans et qui se livrait tout à fait au fil du temps, harmonie d’un partage que je n’aurais su définir. D’accord ou pas d’accord, même douloureux, les mots avec lui n’étaient pas contournés. Il n’avait jamais eu de complaisance, mais je n’avais pas su reconnaître naguère son invitation à cette liberté puisque je n’avais connu que l’enfermement moral qu’imposent l’Eglise et l’éducation des petits-bourgeois. Nos échanges touchaient maintenant à l’essentiel. (…) Ce n’était plus l’élan de la jeunesse avide d’étreintes, et je me demande si ce n’était pas maintenant que je connaissais l’amour. « (p. 175)



Un très, très beau livre, ainsi qu’ un vrai et grand coup de cœur !!!





********En parenthèse, j’ajouterai ma curiosité envers les écrits de l’auteure, dont un qui m’intrigue « fichtrement », celui concernant un « perdant magnifique », explorateur du « Pôle sud» tenace, entreprenant, mais malchanceux , auquel elle s’est intéressée : Ernest Shackleton…[au début du 20e]

Brigitte Lozerec'h a été directeur scientifique de l’exposition « SURVIVANTS DES GLACES / Avec Shackleton vers le pôle Sud », inaugurée le 10 décembre 2006 à La Corderie Royale de Rochefort-sur-mer.







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L'intérimaire

Ce roman autobiographique démarre alors que Brigitte à 27 ans . Après une brève carrière de jardinière d'enfants, elle suit une non moins rapide formation de sténo-dactylo pour ne plus accepter que des missions intérimaires. Pourquoi? Parce qu'elle a peur, qu'elle ne veut pas ou ne peut pas s'adapter à la vie d'une entreprise. Par peur de disparaître dans la masse, il lui est impossible de se fondre dans un esprit de groupe, de se conformer à la pensée et au mode de vie des autres. Cette incapacité lui vient de son enfance passée au sein d'une trop grande fratrie de dix enfants où elle s'est sentie perdue, dépossédée d'elle même. Avec d'infinies précautions, elle laisse entendre que cette enfance est entachée par un lourd secret qui la rend à moitié folle. C'est son péché, une honte qui l'a empêchée d'être une petite fille comme les autres et maintenant une adulte incapable de s'adapter tout à fait a la vie normale. Ce secret dont elle ne sait s'il est épouvantable ou terriblement banal, elle ne peut l'avouer à personne. Ni à ses proches, ni au psychiatre qu'elle voit depuis dix ans, ni même à son amie intime la page blanche, celle de son journal mais aussi celle de son roman sur lequel elle travaille depuis plusieurs années. Une fois son "petit" achevé, elle présente le manuscrit à un éditeur à la réputation sulfureuse. C'est à ce " Monsieur ", comme elle l'appelle, qu'elle osera enfin lâcher sa bombe, mine de rien entre la poire et le fromage " comme si elle parlait de la météo " C'est lui qui va, avec bienveillance, lui faire comprendre ce qu'est l'écriture et lui permettre d'accoucher de ce roman. Avec lui, elle va enfin pouvoir grandir.

Le roman de Brigitte Lozerec'h est passionnant, ce n'est absolument pas un témoignage sur le boulot d'intérimaire du style " Le quai de Ouistreham " comme je l'imaginais. Ce que l'auteur nous raconte va bien au delà de sa condition de travailleuse temporaire, c'est sa vie qu'elle ose nous confier et surtout son terrible secret dont elle nous fait le dépositaire afin de s'en libérer. Je me doutais bien un peu de la teneur de ce secret mais j'ai quand même été estomaquée....

L'éditeur que Brigitte Lozerec'h ne nomme jamais, n'est autre que Jean Jacques Pauvert. C'est lui qui en 1982, la révèle en publiant ce premier roman L'Intérimaire, en coédition avec Julliard.

Brigitte Lozerec'h et Pauvert se sont mariés en avril 2014, 5 mois avant la mort de celui-ci. Le sachant, le récit de leur premières rencontres en devient encore plus touchant.
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L'intérimaire

Je viens d'achever ce livre trouvé dans la bibliothèque de la maison de passage où je me trouve actuellement .Il me fait irrésistiblement penser au Chagrin de Lionel Duroy qui règle aussi ses comptes avec sa famille ,sauf que chez ce dernier il ne s'agit pas d'inceste .Les familles de 10 enfants ,même si elle sont bourgeoises, ce qui est le cas des deux auteurs, ne sont pas une sinécure et leur équilibre loin d'être évident
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Traits pour traits

Brigitte Lozerec'h n'a, jamais cessé d'écrire depuis la parution, en 1982, de L'Intérimaire, son premier roman, qui a connu un immense succès de librairie et a été traduit dans de nombreux pays. Depuis, elle a publié six romans et une biographie sur l'explorateur polaire sir Ernest Shackleton. Trait pour traits 5e lit comme une confidence chuchotée à l'oreille des lecteurs.
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Au diable Pauvert

C'est à la fin des années 70 que Brigitte Lozerec'h va rencontrer celui qui avait été décrit lors d'un diner de famille comme "le diable de l'édition française" : Jean-Jacques Pauvert. Celui là même qui, à quinze ans, quittait une école qui ne voulait plus de lui pour devenir commis à la librairie Gallimard - parrainé par Gaston lui-même! -, la librairie dans laquelle il va faire ses premières armes comme "vendeur" et où il rencontre Jean Genet encore inconnu mais curieux de tout et qui y vole des livres ! "Au diable Pauvert" c'est l'histoire d'une rencontre, celle de Brigitte et Jean-Jacques, l'histoire d'une écrivaine en devenir à qui Pauvert fait retravailler des années durant son manuscrit pour qu'il soit enfin publié au début des années 80 - avec un certain succès. Elle sera l'amie, puis l'amante de Pauvert : "l'éditeur avait ma vie entre ses mains et je m'y cramponnais avec terreur". C'est que Brigitte Lozerec'h lutte contre ses propres démons et un passé familial qui la hante. Les années passant, tout s'apaise et c'est le portrait d'un "vagabond qui n'avait voyagé que dans les livres" qu'elle nous dresse là en parallèle avec le sien, celui de l'écrivaine balancée par les courants, celui d'une femme émancipée aussi. Un livre extraordinairement tendre et touchant, surtout sur la fin ; rédigé dans une langue soignée et originale, pudique et intime, libre et attentionnée. Une publication bien (trop) discrète que les happy few apprécieront à sa juste mesure.
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