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Critiques de Camille Morineau (5)
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Gerhard Richter , Panorama | catalogue de l..

"Je voulais faire un art qu'on puisse appeler rétinien, pictural, beau et même sentimental".



Hormis ses photos-peintures et quelques nuanciers, la richesse de l'oeuvre de Richter m'échappait complètement quand la grande rétrospective "Gerhard Richter/Panorama" s'est profilée à l'horizon 2012. Le Centre Pompidou avait déjà fait connaître cet artiste au public français, en 1977, lors de sa première grande exposition inaugurale d'ouverture "Paris - New York". G. Richter âgé de quarante-cinq ans était rangé alors parmi les représentants de l'art conceptuel ou du minimalisme. A partir des années 1980, l'importance de son oeuvre est définitivement consacrée et les études ne cesseront plus d'en révéler toute la complexité.



La rétrospective de l'été 2012 qui est venue célébrer les quatre-vingts ans de l'artiste, s'est fait l'écho de cette première exposition de 1977, en montrant à nouveau les monochromes gris et des oeuvres sur verre et en mettant l'accent sur l'alliance figuration/abstraction plutôt que sur leur opposition. Fruit d’une collaboration étroite entre le Centre Pompidou, la Tate Modern de Londres et la Nationalgalerie, Staatlische Museen de Berlin, elle a permis à chaque institution d'adopter un point de vue spécifique pour présenter une partie de l’oeuvre et s'est déroulée à des périodes différentes à Londres, Berlin et Paris. Certains ont eu la chance de la découvrir dans toute sa diversité en se déplaçant d'une capitale à l'autre. Pour d’autres, comme moi, « Gerhard Richter/Panorama » reste un excellent moyen de venir prendre la mesure de cette œuvre.



Comment comprendre l'homme dans son art ? C'est ce que propose ce catalogue très complet qui embrasse la presque totalité du parcours de Gerhard Richter (trois cents oeuvres reproduites) de la fin des années cinquante à aujourd'hui. Les oeuvres les plus surprenantes sont parfaitement mises en valeur et le livre projette un éclairage exigeant mais éloquent sur la diversité d'une création très prolifique. Six contributions de spécialistes européens ou américains s'articulent en périodes chronologiques couvrant grosso modo chacune une dizaine d'années, qui présentent de manière tout à fait passionnante la singularité de G. Richter, des premières photos-peintures aux panneaux de verre et aux dernières abstractions ; analyses très stimulantes, même si parfois un peu ardues à la lecture, il ne faut pas le cacher.



Dans l'entretien d'introduction très accessible, accordé à Nicholas Serota, directeur de la Tate Modern, le peintre s'affirme "résolument classique" et déclare vouloir inscrire son intention artistique dans la permanence d'une aventure esthétique où le doute est réitéré sans cesse "comme moteur de la grande tradition picturale". C'est effectivement ce qui traverse l'analyse des oeuvres proposée ensuite mais qui soulève chez lui un paradoxe, car si sa capacité à peindre est toujours remise en cause, s'il doute souvent que la peinture puisse encore trouver une raison d'exister, si son impuissance à traiter de la Shoah est répétée, c'est sa foi dans l'art qui le conduit à perséverer : mystère absolu et dès plus troublant qui lui fait dire aussi : "Je suis un athée qui a la foi".



Son scepticisme, sur lequel il s’explique dans l'entretien, peut aisément trouver son origine dans sa biographie qu’on découvre précisément en fin d’ouvrage. Désenchantement palpable à l'égard des idéologies de celui qui, né à Dresde en 1932 un an avant l'accession d'Hitler au pouvoir, a connu le nazisme puis le communisme. Parler de lui ne saurait cependant se réduire à parler de l'Allemagne car cela n'épuiserait ni le sujet du renouvellement dans sa peinture, ni celui de l'extrême diversité des formes prises par le développement de ses recherches. C'est donc, fort heureusement, par le détour de l'analyse de son oeuvre que l'histoire du XXe siècle devient visible, dans son cas, suggérant de possibles interactions, des allers-retours, entre ses créations et les événements, et non le déterminisme historique qui dicte l'interprétation de son oeuvre, au risque de l'écraser.



Diplômé en 1956 de l'Ecole des beaux-arts de Desde, il a découvert Fontana et Pollock à la Documenta de 1959, raison de plus, à ses dires, pour le peintre muraliste qu'il est devenu, de quitter la R.D.A à trente ans en 1961, juste avant la construction du mur de Berlin. Il s'installe à Düsseldorf où il expose pour la première fois en 1963. Les jeux du flou ou de la précision habitent déjà des portraits de famille peints dans les années soixante : "famille au bord de la mer" (1964), "Oncle Rudi" (1965), "Tante Marianne" (1965), "Famille dans la neige" (1966), qui traitent le sujet des liens et de l'appartenance, du foyer ou de l'origine et laissent d'emblée apparaître tout le travail de transformation des sources photographiques que G. Richter ne cessera d'explorer ensuite. "sérieuse et humoristique", "authentique et fictive" : c'est le regard distancié et ironique que porte l'artiste sur son travail à cette époque. Témoin du "miracle allemand" de la reconstruction, il laisse également des oeuvres nombreuses consacrées à la culture de la consommation et ne dédaigne pas non plus les performances.



G. Richter traverse les années 1970 de manière plutôt discrète à l'écart des idéologies, mais déstabilisé, "suspect" de rester attaché à la peinture, "art bourgeois" et marginalisé par nombre d'artistes de sa génération qui s'en détournent radicalement au profit d'autres modes d'expression. La grande question à laquelle tous sont confrontés, à savoir : Que faire du passé nazi, est largement occultée par le miracle allemand de la reconstruction. Richter crée à ce moment là ce que Mark Godfrey nomme les "Paysages abimés" et en propose une analyse étonnante et très convaincante, à partir d'un principe de construction/destruction : séries de paysages urbains réalisés et recomposés picturalement d'après des vues aériennes de villes réelles reconstruites après guerre, ou de maquettes, mais dont la représentation finale n'évoque que les ruines et les cendres d'une probable apocalypse passée (bombardement de Dresde qu'il a connu enfant ?) ou peut-être prémonitoire ; mais aussi des marines, nuages ou détails (à partir de ses peintures) exagérément grossis et générant des abstractions, font partie de sa production, de même que les monochromes gris dont il dira, mais seulement bien plus tard : "Mais aujourd'hui, quand je regarde les monochromes gris, je me rends compte que, peut-être, et certainement pas de manière consciente, c'était pour moi la seule façon de peindre les camps de concentration".



Après les paysages et l'épuisement des gris, G. Richter jette les bases d'une nouvelle recherche en direction de l’abstraction dans sa peinture qui aboutira à l'utilisation du racloir à la fin des années 80. D'autres artistes que lui ont exploité les ressources de la photographie par le procédé du blow-up (agrandissement spectaculaire d'un détail) largement utilisé dans le Pop-Art américain des années 60-70. Mais - comme le souligne Camille Morineau - dans les années 1980, ce dispositif a permis à Richter, dans toute une série de tableaux de dépasser l'opposition figuration/abstraction qui a toujours existé entre les deux types de représentations, comme "Glenn" (1983) ou Juno (1985). Selon la lecture des oeuvres qu'en fait Camille Morineau, c'est de cohabitation entre figuration et abstraction qu'il faudrait parler ici, mais j'avoue que la démonstration m'a laissée là perplexe. Au moment même où il produit ces abstractions, G. Richter peint d'autres séries, "Crâne" (1983), "Bougie" (1982), qui sont autant de réinterprétations de natures-mortes où il n'hésite pas à utiliser les moyens du luminisme ou de l'illusionnisme.



"48 portraits" (1971 - 1972) ou "4096 couleurs" (1974) qui a directement inspiré la conception, en 2007, du vitrail du transept sud de la cathédrale de Cologne, ou encore ce portrait parfaitement iconique de 1994, "Lectrice" qui suggère Vermeer, sont des oeuvres très connues, mais s'il fallait n'en choisir qu'une pour illustrer un autre propos de G. Richter (2009) : "Une peinture peut nous aider à penser quelque chose qui transcende cette existence absurde. Voilà ce que l'art est en mesure de faire", je retiendrais peut-être "Morte" (ensemble de trois portraits) qui fait partie du cycle "18 octobre 1977" (date du détournement d'un avion de la Lufthansa à Mogadiscio par des terroristes exigeant la libération des membres emprisonnés de la RAF) réalisé en 1988, dix ans après les faits et qui comporte 15 oeuvres (huiles sur toile, toutes reproduites dans le catalogue) dont le contenu renvoie à l'histoire du groupe Baader-Meinhof. « 18 octobre 1977 » qui revisite la peinture d'histoire pour certains, n'est cependant pas une chronologie des faits mais un condensé de réalités juxtaposées. Créée à partir de diverses sources documentaires journalistiques et photographiques, elle succède à la période euphorique précédente de peintures abstraites et fera polémique en Allemagne. Elle a été acquise par le Moma en 1995.



La mort et la beauté peuvent se télescoper en différé et en différents endroits de l'oeuvre de Richter. Dans "Morte", le spectaculaire ou la violence de l'événement, le morbide de la situation s'effacent, l'effroi ou la terreur causés par le sujet sont anéantis dans l'imprécision floutée du noir et du sombre. On ne retient que la seule et l'ultime humanité d'une tête de profil figée dans l'immobilité de la mort et gisant à même le sol (celle de Meinhof trouvée morte dans sa cellule en 1976). Le lecteur interrogatif peut alors revenir sur le si beau "Portrait de Betty" (sa fille), contemporain des événements de 1977 et méditer sur cette autre réflexion du peintre : "l'art et la beauté sont l'apanage de l'espoir face à une réalité souvent difficile à supporter". Le renversement du visible est la marque de l'oeuvre de Richter. En 1988, tandis qu'il travaillait à "18 octobre 1977", l'Allemagne était en passe de se réunifier. L'art échappe chez lui, à toute emprise de la temporalité ainsi que l'expose Achim Borchardt-Hume dans le commentaire puissant qu'il fait de cette période. Richter réunit d'ailleurs dans son "Atlas" les archives relatives à "18 octobre 1977" et celles qu'il détient sur les camps de concentration : sorte de parallèle entre deux moments de béance de l'histoire allemande que l’artiste semble associer.



Le regard que le peintre porte aujourd'hui sur ses oeuvres passées permet aussi de mieux saisir la mise en abyme de ses recherches en peinture. Le travail du verre qui l'a intéressé très tôt ("Quatre panneaux de verre" 1967) et qui est examiné dans la dernière partie de l'ouvrage, est pour lui une prolongation de ses préoccupations picturales et se poursuit jusque dans les années 2000 : "11 panneaux" (2003), ou le vitrail de la cathédrale de Cologne en 2007. Recherches indissociables les unes des autres où finalement c'est la vision d'une certaine réalité donnée, figurée ou abstraite, qui est sans cesse interrogée par le pouvoir des images peintes ou reflétées par le verre, projetées ou agrandies, reconstruites ou recouvertes de peinture, anéanties et recomposées. Compositions monumentales "Trait (sur rouge)" (1980) ou figures d'intimité des années 1990, "Silicate" (2003) ou la dernière série présentée des peinture abstraites de 2009 : cela ne va pas peut-être pas plus loin que ce qui se montre, suggère-t-il enfin.



Un homme, une oeuvre qui n'en finissent pas de questionner.

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Ceramix : De Rodin à Schütte

La couverture est d'un bleu éclatant - bleu de Sèvres, comme il se doit.



Le catalogue de la triple exposition (Paris-Sèvres-Maastricht) consacrée à la céramique est une somme, et un précieux guide pour déconstruire quelques uns de nos pires préjugés à l'égard de cet art dit "mineur" ;



Ah, la céramique ! encore confondue avec l'art du potier dont elle est, effectivement, née, mal distinguée d' un artisanat utilitaire ou , au mieux, décoratif, et dont une autre dénomination, le "modelage", a aussi quelque chose d'humilié, de servile, de platement imitatif...



Pourtant, qu'il s'agisse de la multiplicité de ses techniques, des artistes qui l'ont découverte avec bonheur, en marge de leur pratique artistique habituelle, ou des artistes qui lui ont fait connaître "un renouveau tout à fait unique ces dernières années" , la céramique , loin d'être une pratique marginale, artisanale ou empirique est devenue un art à part entière , à "la croisée de thématiques, de personnalités, d'écoles et de lieux de production" comme le note Camille Morineau.



Il était temps que le Musée de Sèvres, la Maison Rouge et le Bonnefantenmuseum , simultanément, redonnent à la céramique ses lettres de noblesse et sa place dans l'avant-garde de l'art du XXIème siècle.



Le catalogue est très bien fait, croisant les problématiques - celle d'une chronologie, celle des lieux de production et de la "marque" de chaque culture dans le matériau originel, la terre, celle des "écoles" -Teatrini, Sodeïsha, Otis Group…- celle des thématiques -le masque, la casse, l'écriture, l'érotisme, la mort, le sacré-, et enfin quelques grandes figures de cet art, aux racines antiques, et aux quêtes si résolument modernes.



Les photos sont très nombreuses, de qualité, les commentaires et articles, éclairants et limpides. A la fin de l'ouvrage, un lexique nominatif par artiste individualise plus précisément ces itinéraires.



Après la visite des deux expositions françaises et la lecture du catalogue, je retiens de mon éblouissement global quelques pépites: "Face" de Yasuo Hayashi, une faïence peinte d’orange et ocre, traversée d’un trait d’émail blanc, d'une bouleversante pureté de ligne, appelant la caresse, ou encore la Pisseuse insolente d'Elsa Sahal, au jet conquérant, ou les terres oxydées d'Eduardo Chilida, d’un grège et noir très graphique, ou encore les Livres Infeuilletables d'Alechinsky, bourrés d’humour- un cauchemar de Babéliote! .



Mais pour moi, le plus beau, le plus poétique, le plus aérien, c’est l’installation qui vous accueille sur le mur du couloir d'entrée de la Maison Rouge : "t'Is de wind"( « c’est le vent ») du flamand Piet Stockmans- des ailettes aériennes, 1500 exactement, de porcelaine blanche délicatement teintée d’outre-mer, qui se chevauchent et s’envolent, en haut du mur, comme un frisson de plumes de mouettes dans la brise…Superbe !!

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Gerhard Richter au Centre Pompidou

Les invétérés du groupe Sonic Youth connaissent certainement Gerhard Richter à leur insu : la couverture de l’album phare du groupe, Daydream Nation, n’est rien d’autre que sa célèbre Bougie. Beaux-Arts Magazine permettra de découvrir d’autres œuvres de l’artiste plasticien grâce à sa rétrospective de l’exposition au Centre Pompidou.



Le contenu des informations est ténu, à l’image du manque de prolixité de l’artiste. On apprendra peu de choses sur sa personnalité ou sur sa vie privée, pour se concentrer essentiellement sur son parcours artistique (études aux Beaux-Arts de Dresde, passage par le pop-art, abstraction), sur ses thèmes de prédilection (nuances géométriques, paysages, peinture de l’histoire contemporaine, portraits…) et sur la grande originalité des techniques mises au point (floutage, raclage, mathématisation…).

En peu de pages, on balaye la diversité des œuvres de Richter. Le temps de l’aperçu d’une époque, et on passe à la suivante.



Ce hors-série de Beaux-Arts permet au visiteur de l’exposition de revoir avec plaisir les œuvres les plus marquantes du parcours de l’artiste. A celui qui n’a pas visité l’exposition, les informations sembleront en revanche vraiment légères, mais suscitent suffisamment l’intérêt pour donner envie de connaître davantage l’œuvre de Gerhard Richter.

Beaux-Arts Magazine nous lance des pistes de recherche. Au lecteur de s’en emparer et d’approfondir ou non sa connaissance de l’une des nombreuses facettes de l’artiste qui nous sont présentées.


Lien : http://colimasson.over-blog...
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Niki de Saint Phalle

Et pour prolonger ce billet sur Niki de Saint Phalle à l'occasion de l'exposition au Grand Palais jusqu'en février 2015, on notera aussi la publication dans la Collection Hors-série Découvertes Gallimard d'un joli livret de 48 pages dépliantes au prix modique de 8,90€ qui nous montre également à quel point cette personnalité magnifique et rebelle, Niki de Saint Phalle a produit une œuvre singulière qui frappe par sa radicalité mais aussi par son énergie joyeuse, son humour et sa poésie.




Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Niki de Saint Phalle

Très joli petit livre, présenté sous forme de dépliant, reproduisant quelques unes des plus belles oeuvres de Niki de Saint Phalle.

Peut être un magnifique cadeau pour les enfants à l'occasion des Fêtes !
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