Catherine Toesca

En premier lieu, je tiens à remercier ici la formidable Masse Critique Babelio, ainsi que les éditions Riveneuve pour ce joli cadeau.

Catherine Toesca (membre de l’Alliance française de Venise) nous raconte dans cet ouvrage la vie et surtout l’œuvre écrite des deux plus célèbres vénitiens de l’Histoire.

Marco Polo dicte, de sa prison génoise, « Le Devisement du Monde ou Livre des merveilles » en 1298, Giacomo Casanova meurt exactement 500 ans plus tard sans avoir achevé ses mémoires intitulées « L’histoire de ma vie ». En filigrane c’est aussi l’Histoire de la Sérénissime qu’elle nous conte, l’Histoire d’une petite ville lagunaire et sans ressource, devenue une république puissante qui dominera l’Europe et le monde méditerranéen. La grandeur et la décadence, du 13ème au 18ème siècle, d’une puissance maritime basée sur le commerce avec l’Orient et sur une diplomatie faîte d’alliances militaires efficaces.

L’écriture est vive, elle caracole, l’histoire se lit bien et vite. Marco Polo, commerçant-voyageur explore les confins du monde connu d’alors. Il part pour un voyage de 25 ans vers la Chine, où il devient un proche du Grand Khan. Pourtant son retour passe presque inaperçu ; Pire, on ne le croit pas : P.55 « - Vas-tu enfin cesser de raconter des fadaises (...) S’il opine, il renie sa vie. S’il s’entête à informer, on le traite de fabulateur, d’impie ... ». L’Histoire lui donnera raison.

Casanova, aventurier-libertin et franc-maçon de la République des Lettres, parcours l’Europe des Lumières en long, en large et en travers, après s’être évadé de la prison des Plombs. Vers la fin de sa vie, il reviendra à Venise pour y être de nouveau censuré et rejeté.

Ce qui m’a le plus intéressé dans ce texte c’est l’histoire parallèle des deux livres. Par exemple l’auteure nous décrit le choix de Marco Polo pour les matériaux (vélin, reliure …) et pour le scribe de son fabuleux récit de voyage. L’histoire de ces manuscrits rédigés en français, de leurs multiples versions et traductions, de leur première impression ; p.69 « Cependant les ordres religieux s’alarment du procédé. L’écrit ne doit diffuser que la parole sainte ou royale, prêchent les moines. Où va-t-on si l’on imprime n’importe quoi en multiples, renchérissent les copistes ! ». Elle nous dit comment, après de nombreux rebondissements, les manuscrits des mémoires de Casanova se trouvent aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale de France au côté de celui de Marco Polo.

Un texte érudit et riche, à la lecture facile et qui m’a donné envie de retourner à Venise (même si ce n’est pas le cœur du sujet). Allez, salut.

C'est un très beau livre à offrir tant dans le contenu du texte que les illustrations (photographiques, peintures). En cinq parties, nous découvrons le siècle de Giovanni Casanova - Jacques lorsqu'il voyage en Europe. Le 18e siècle est caractérisé par les Lumières (diffusion des savoirs grâce notamment à l'encyclopédie). Le continent européen est en mutation grâce aussi au développement des sciences. Cela passe aussi par la prophylaxie. On pourrait dire que le 18e siècle favorise l'épicurisme pour la haute société européenne qui se traduit par la naissance d'une gastronomie dont la France est l'épicentre.

Casanova est né en 1725 à Venise dans une famille de comédiens. Il est élevé par sa grand-mère maternel, excellente cuisinière. Il en gardera toute sa vie un souvenir savoureux et recherchera l'excellence dans la nourriture. Sa vie est une aventure. Il vit l'instant présent pleinement et devient abbé puis militaire. Il démissionne puis s'attaque au jeu d'argent jusqu'à son emprisonnement car les femmes, le jeu et les intrigues l'y mènent jusqu'à ce qu'il s'évade et s'enfuit, destination la France et Paris. Le Paris de l'élégance et des salons mondains, de la gastronomie et des arts de la table. Il y découvre les bouchées à la reine, ancienne recette dédiée à la reine Margot. Grâce de nouveau au jeux d'argents, il prospère et à sa table, la haute société se presse.

Tout au long de sa vie aventureuse - il a même été espion - il aura reçu la gloire, la fortune, sera ruiné, la reconnaissance sociale, les plus belles femmes. Dramaturge, il aura vu ses pièces de théâtre jouées.

" Cultiver les plaisirs de mes sens fut toute ma vie ma principale affaire."

En Italie, il découvre la tomate, le poivron, l'aubergine.

A la fin de sa vie, il retrouve Venise pour quelques années car il doit à nouveau fuir. Il termine sa vie à Dux en Autriche-Hongrie (aujourd'hui ville tchèque) où il rédige son célèbre Histoire de ma vie. La dernière partie est consacrée à un cahier de recettes. J'ai essayé la lotte en papillote, la recette du chocolat chaud et le gâteau au chocolat. Un délice.

Dans cet ouvrage, c'est un autre Casanova que j'ai rencontré, complexe, bon vivant et peut-être un peu fou. Fou d'amour, fou de la vie.

Cet essai très court pour nous faire vivre mille vies à travers deux personnages d’envergure, deux Vénitiens qui ont fait Venise en l’exportant et en enrichissant l’une des plus belles civilisations au monde.

Mais ce n’est qu’une mise en bouche de luxe, qui va vous faire le palais pour savourer la suite, vous ne refermerez pas ce livre sans avoir envie de vous plonger dans Le Devisement du Monde et L’Histoire de ma vie.

Cinq siècles sous nos yeux éblouis et Venise que l’on aimerait ne pas voir défigurée.

Cette civilisation de la beauté et de l’érudition est-elle encore accessible à tous ?

Catherine Toesca nous fait bien comprendre la place de Venise sur la scène internationale, le commerce entre l’Orient et l’Occident, ses richesses qui circulent et enrichissent pas seulement sur le plan du négoce, mais de façon plus large, sur cette circulation des savoir-faire et savoir-être.

L’érudition comme vecteur.

Cela nous interroge aussi sur notre société actuelle qui met en avant le néant, la bêtise.

Finalement, le lecteur n’a pas envie de quitter ce monde, et puisque ces deux figures emblématiques ont écrit leurs livres en français, ne boudons pas notre plaisir d’aller plus loin, puisque l’auteur nous offre les clefs pour y accéder plus facilement.

Chacun d’entre nous aimerait sûrement que la pandémie, les guerres aux quatre coins du monde, nous fassent revenir à une vie de vraies valeurs.

Car ce sont les vraies valeurs qui font un patrimoine.

Merci Masse Critique Babelio et les éditions Riveneuve pour ce cadeau.

©Chantal Lafon




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Venise vue à travers le regard et la vie de l’un de ses fils les plus célèbres :Casanova le séducteur , hédoniste et cosmopolite qui resta , même évadé des « piombi » attaché à sa cité par des chaînes d’acier. De très riches illustrations . Avec en prime , un cahier de recettes là aussi illustrées de manière à déclencher de diaboliques désirs d’agapes.

Cet essai est court, didactique dans la construction et de fait efficace afin de percevoir la position de Venise et de sa lagune dans le monde du XIIIème jusqu’à ce jour. Catherine Toesca réussit cet exercice grâce à la vie et au manuscrit de deux figures nées dans l’illustre cité, Marco Polo et Casanova. Elle aborde tout d’abord le parcours de ces deux voyageurs, qui, curieusement, ont vécu la plupart du temps éloignés de la cité. C’est bien écrit, pertinent, dans l’esprit de l’époque. J’ai vraiment apprécié de sentir que l’autrice connaissait le fait de « vivre à Venise » au delà de sa préface évoquant le présent d’une cité « Disney » qui se reconstruit différemment au lendemain de la pandémie de covid. On comprend parfaitement le statut de la cité vénitienne comme place commerçante entre Orient et Occident comme les enjeux diplomatiques ou politiques sur la scène internationale. Je pensais m’ennuyer avec le personnage de Casanova dont l’époque m’intéresse moins et je me suis surprise à suivre avec intérêt l’histoire et le devenir de son manuscrit L’histoire de ma vie que je croyais rébarbatif. Car c’est bien là le coeur de cet essai donner à connaître le destin d’exception de deux vénitiens, puis de leurs manuscrits. Ils sont l’auteur de deux « best-sellers » écrits en français s’il vous plaît qui contribuent aujourd’hui à prolonger leur légende. Connaître Venise grâce à deux « exilés » et voyageurs ne peut que séduire le touriste, l’amoureux de la littérature ou le curieux qui sommeille en vous. Je remercie vivement Babelio et l’éditeur qui ont agréablement préparé mes vacances estivales.