Citations de Cecilia Samartin (80)
—Tu sais ce qu’on dit de ceux qui se plaignent, n’est-ce-pas?
—Et qu’est-ce qu’on dit, Beba?
—Qu’à force de se plaindre on finit par avoir le cœur dur et les os tendres. Juste le contraire de ce qu’il faudrait.
—(…) elle a, encore plus que moi, envie d’aller aux États-Unis. (…)
—Et toi, pourquoi veux-tu y aller?
—Parce que maman dit que l’espoir, à Cuba, est mort voilà bien longtemps. Elle dit toujours qu’on peut vivre sans savon et sans dentifrice, mais qu’on ne peut pas vivre sans espoir.
—Tu regrettes d’être parti, Abuelo? (…)
—Chaque soir quand je m’endors, les sons et les odeurs de mon pays me reviennent comme un rêve têtu—prétendre le contraire serait mentir. Mais laisse-moi te dire une chose : c’est beaucoup plus facile de s’endormir avec la douleur de la nostalgie dans le cœur qu’avec la douleur de la faim au ventre.
Un petit éclat de ce souvenir d’autrefois m’inonde d’une joie silencieuse, et d’une profonde tristesse—car tout cela est à jamais révolu.
Et vivre ailleurs qu’à Cuba revenait à dire que j’allais partir vivre sur la Lune. Comment pouvait-on survivre dans des lieux où il faisait froid, où les brises tropicales ne vous réchauffaient pas quotidiennement l’âme?
—Abuela, qui sont ces femmes—les prostituées? (…)
—Ces femmes ont vendu leur âme au diable. (…)
Je n’osai pas la questionner sur l’âme des hommes, mais je pouvais facilement imaginer sa réponse. Les hommes déposaient à l’entrée leur âme et leur chapeau, et les récupéraient intacts en fin de soirée. Mais, dès lors qu’une femme avait perdu son âme, celle-ci était définitivement irrécupérable.
En entendant cela, Jessie retira ses escarpins et les balança l'un après l'autre contre le mur.
- Tiens, tes putains de godasses ! T'as qu'à les reprendre et te les carrer dans le cul !
Les souvenirs sont comme des bijoux qu'on ne peut jamais te voler.
Ce qui compte, ce n'est pas tant la décision que tu prends, c'est le cœur qui est derrière elle. Défends ta décision et ta décision te défendra.
La voix d'or coula comme du miel dans mes oreilles, ce miel chaud et sucré qui donne meilleur goût à tout et qui fait s'enfuir au gré d'un flot paisible tous les soucis du monde.
Chaque accord, chaque phrase, chaque nuance de la mélodie chantait à mon esprit: "Tu es rentrée, tu es enfin de retour chez toi."
Depuis ma plus tendre enfance, je m'interrogeais sur ce que devenir une femme signifierait pour moi. Je m'étais imaginé une transformation progressive, comme un bouton de rose ouvre peu à peu ses pétales jusqu'à la plein révélation de sa splendeur.
Je commence à croire que Dieu fait exprès d'associer le bien et le mal pour nous faire comprendre que la vie n'est jamais simple, et qu'elle est parfois plus déroutante que certaines recettes de cuisine chinoise!
La tristesse qui s'est installée dans mon cœur est inexprimable. Je n'éprouve plus le besoin de fonctionner comme un être humain, de me baigner, de manger, de chasser les mouches qui se posent sur mes bras et sur mon visage. Je suis une poupée de chiffon, plate et vide, qui fait semblant d'être comme tout le monde, juste parce qu'elle est fatiguée d'expliquer pourquoi elle ne l'est pas.
... et ta tartine meurt de rire à force de t'attendre.
Tout le monde s'écarta et Sébastian avança. Entre les barreaux du lit, il vit alors sa grand-mère allongée sur le dos. Dieu merci, sa bouche était fermée, et non béante comme les trous noirs de la mort qu'il avait aperçus auparavant.
Lorsqu’on perd espoir, c’est pire que la faim, car il faut que l’espoir retrouve votre trace.
La faim gagne du terrain, et des tas de gens ressemblent à des requins affamés prêts à tous les mauvais coups pour un repas. J’essaie de repérer les plus désespérés, et j’essaie surtout de les éviter. La nuit, le désespoir s’insinue dans le cœur comme une maladie. Les valeurs humaines les plus honorables sont écrasées sous son poids, et quand il a pleinement pris possession de quelqu’un, son odeur est perceptible, comme celle de toute la pourriture accumulée dans les ruelles de La Havane.
Certes, on pouvait évoquer la beauté des plages, la qualité exceptionnelle des fruits de mer et des boutiques d’El Encanto. Mais ce qu’il fallait taire, c’était ce sentiment d’avoir perdu notre âme, la souffrance de nos racines transplantées mourant d’envie de retrouver leur terre natale. Personne d’autre ne le remarquait jamais, probablement parce que nous autres Cubains étions doués pour nous adapter, et si conciliants.
Ce qu’on dit des accouchements n’est que pur mensonge. C’est bien pire. J’ai senti mon corps se déchirer de part en part et tous mes organes se disloquer. Après la naissance du bébé, j’ai demandé à Tony de vérifier si mes jambes étaient toujours bien attachées à mon corps et si mon nombril était toujours à la même place, parce que j’étais sûre d’avoir l’air d’une poupée de chiffon mise en pièces par un gorille furieux.