AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Celia Levi (50)


Leur conversation était comme le bruit de l'époque, de la ville. Une langue nouvelle qu'elle commençait à apprendre et qui ce soir-là la fatiguait, qu'elle n'avait pas envie de pratiquer.
Commenter  J’apprécie          00
Jeanne était désormais accoutumée à ces jeunes aux jolis visages. Elle étudiait leurs toilettes, les manteaux pelucheux des filles, leurs bottines. Elle se comparait. Elle sentait que ses habits à elle étaient trop passe-partout, qu'ils ne suivaient aucune mode, qu'ils ne disaient rien sur elle, ou plutôt dans leur insignifiance ils disaient qu'elle n'était rien.
Commenter  J’apprécie          00
Jeanne sentait que des bases théoriques lui manquaient, qu’elle n’était pas rompue à l’art du discours. Elle réussissait désormais à intervenir, apporter des précisions, des miettes recueillies ici ou là, mais dès qu’il s’agissait de convaincre ou de réfuter, elle était démunie, tout s’effondrait, n’était plus sûre de rien, pas même de ce qu’elle défendait.
Commenter  J’apprécie          00
Tandis que Paris, fit remarquer Emma, se transformait en musée, ça ne bougeait plus, une cité fossilisée, à part quelques rares endroits à l'est. Et puis, c'était si cher. Chacun évoqua le prix de son loyer, sa difficulté à se loger. Il fallait sortir de la ville intra-muros, d'ailleurs avec le projet du Grand Paris l'opposition Paris-Banlieue n'avait plus de sens
Commenter  J’apprécie          00
De toute façon, on vivait dans une société qui sacralisait le travail, n'avait-elle pas remarqué que quand on rencontrait une personne pour la première fois, on lui demandait immédiatement ce qu'elle faisait comme travail, et non ce qu'elle aimait par exemple, comme si le travail définissait l'être.
Commenter  J’apprécie          00
Chère Louise (...)
J'ai décidé pour perdre du temps de ne pas prendre le bus, mais marcher jusqu'à chez eux et j'ai découvert la ville, le fourmillement architectural. La lumière jaune et douce éblouit pourtant, elle insuffle une vitalité que je n'ai jamais vue aux lumières françaises. La ville se réveille et se peuple, l'agitation commence, de mon banc, je vois tout. Sur cette petite place, j'ai l'impression d'être au coeur du monde. c'est beau de sentir le sommeil et le retour de la vie. Il y a plein de bicyclettes déglinguées de toutes les couleurs, elles vont, elles viennent, tout ça frétille; le temps semble suspendu aux roues antiques de ces vélos encore plus antiques. On dirait que le temps et la modernité ne sont pas passés par là. Il n'y a plus d'époques, plus de marques temporelles, la vie est.
je me sens remplie d'une vague d'enthousiasme et j'aimerais serrer tout le monde dans mes bras. (p. 12)
Commenter  J’apprécie          50
Jeanne sentait que des bases théoriques lui manquaient, qu’elle n’était pas rompue à l’art du discours. Elle réussissait désormais à intervenir, apporter des précisions, des miettes recueillies ici ou là, mais dès qu’il s’agissait de convaincre ou de réfuter, elle était démunie, tout s’effondrait, n’était plus sûre de rien, pas même de ce qu’elle défendait.
Tout le monde ne pensait donc pas comme à Nuit debout, il y avait toute une frange de la population dont les opinions différaient totalement de celles qu’elle avait nouvellement acquises. p. 281
Commenter  J’apprécie          110
INCIPIT
«Mets-toi là» lui avait-elle dit. «Là», Jeanne ne savait pas où cela se trouvait avec toute cette cohue, les radeaux, les bateaux et les danseurs épars. Elle se posta près du canal cherchant des yeux les tenues orange des accueillants dispersés. La foule se pressait, Jeanne se sentit entraînée. Elle dépassa une accueillante qui répondait à un couple et montrait du doigt un point au loin à droite. Elle aurait voulu lui parler, derrière on la poussait. Elle était sur la péniche. « Larguez les amarres. » Une sirène hurla. La fanfare commença à jouer, sur l’embarcation des personnes agitaient leur main comme si elles partaient pour un long voyage. Sur le quai, les gens s’amusaient, des jeunes buvaient dans des chopes, allonges sur des chaises longues. Il y avait aussi des tables rondes sous les marronniers, une petite buvette où une queue s’était formée. Les péniches accostées en face vacillaient légèrement car un vent frais s’était levé. Jeanne frissonna. Les rayons du soleil déclinant illuminaient l’horizon de teintes dorées. Elle aperçut l’imposant édifice en briques rouges, les deux cheminées, et devant, tout le long de l’ancien chemin de halage, les cabanons en tôle ondulée et en verre. Les accueillants s’affairaient, ils dépliaient des chaises; certains, en faction, se tenaient à côté des barrières. Des enfants faisaient des courses de tricycle, c’étaient des tricycles bleus avec des poignées en bouchons de plastique conçues par un artiste belge spécialement pour l’occasion, il fallait y faire attention. Elle s’appuyait au bastingage et regardait les habits et les visages des passagers tout en se demandant si un responsable ou un collègue ne pourrait pas lui donner des instructions. Les jeunes femmes portaient des robes légères aux couleurs vives, les hommes des pantalons retroussés sur les chevilles. Ces toilettes lui donnaient une impression de gaieté, d'ivresse. On entendait, alors que la péniche s’éloignait, les applaudissements et la fanfare qui reprenait. Sur le quai, le public attroupé battait la mesure, un cornet de frites à la main, un vrai cornet en papier journal. Les légers remous lui donnaient mal au cœur, elle s’accrochait au parapet plus fermement. Elle se pencha, derrière elle entrevoyait la façade des Magasins généraux, la structure métallique du pont, et devant, sur l’eau, l’ombre noire des arbres qui suivaient la ligne droite du canal. Des radeaux partaient dans leur direction, et des éclats de rire étaient recouverts par la musique, elle n’avait pas vu qu’il y avait également des pédalos, des petits points plus bas éparpillés. Elle se dirigea vers la marquise, tentant de se frayer un chemin à travers la foule compacte sur le pont. Elle réussit à voir un homme avec le gilet orange qui distribuait des prospectus. Elle s’approcha de lui pour savoir ce qu’elle devait faire. Il était occupé, tout le monde lui posait des questions, il avait l’air survolté, son talkie émettait des sons brouillés. Qui était-elle ?... une nouvelle.. Paula ne lui avait-elle rien dit ?... ils allaient bientôt rentrer de toute façon, elle n’avait qu’à se mettre à la sortie, ah il y avait déjà quelqu'un, qu’elle se poste donc près du boulard.… dire qu’ils seraient à quai dans dix minutes, ah oui qu’elle parle aussi du programme. Il lui remit une petite pile de dépliants. Elle ne savait pas ce qu'était un boulard, et ne se souvenait que vaguement du programme, elle regarda le prospectus. Elle n’eut pas le temps de l’interroger car il avait déjà disparu. Elle resta les bras ballants, écoutant des bribes de conversations.
La péniche s’immobilisa. Elle retournait vers la berge.
Jeanne se sentait perdue. La fanfare avait cessé de jouer. Des musiciens se préparaient pour le bal, les techniciens installaient des micros, branchaient des amplificateurs. Les VIP buvaient dans les cabanes qui ressemblaient à de petits salons avec des tables basses, des poufs, des coussins.
Le maire allait arriver, avec la ministre de la Culture. Il fallait se tenir prêt, des accueillants couraient, donnant des ordres dans leur talkie, il restait des transats à replier, il fallait remonter au bureau imprimer des programmes, disposer les chaises, un lutrin s’était cassé, vite, vite. Un homme grand et maigre, chauve, avec un veston violet, des bretelles au pantalon, parlait à Paula, elle hochait la tête. Il vérifiait, tournait sur lui-même, puis serrait des mains. Que dirait-on si on la surprenait comme ça, immobile, à ne rien faire. Escortés par la sécurité, la ministre et le maire se dirigeaient vers une estrade face au canal. Un homme de la sécurité la poussa vivement. Elle se plaça derrière la foule qui entourait l’estrade. Le micro fonctionnait mal, Paula courut en chercher un autre accompagnée d’un technicien au tee-shirt noir.
La ministre prit la parole, Jeanne ne parvenait à voir que des têtes et des dos. «Quelle belle énergie, quelle vie, une ambition pareille, moi je le confesse je n’y croyais pas à ce projet…» Elle n’écoutait pas, son esprit vagabondait… «la culture pour tous…» Combien pouvait-il y avoir d’accueillants? Elle n’aurait pas reconnu le jeune homme avec qui elle avait échangé deux mots sur la péniche. Et Paula était-elle la chef des accueillants? Elle lui avait été présentée comme sa «référente». Elle regarda du côté de la péniche, il y avait une femme et un homme qui s’adressaient à deux accueillants, la femme faisait de grands gestes, était agitée, l’accueillant parlait au talkie, Jeanne réussit à s’extraire de la masse, ils avaient peut-être besoin d’elle. L’accueillant au talkie s’était éclipsé. Jeanne, qui s’était rapprochée, n’osait pas interrompre la fille au gilet orange qui parlait à l’homme. Elle comprit que le couple ne retrouvait plus son enfant. Elle demanda si elle pouvait aider. L’accueillante, une petite blonde frisée, la prit à part: «Ouais s’il te plaît, j'ai autre chose à foutre, gère la mère elle est hystérique, tu nous dis.» Elle s’éloigna. Jeanne resta avec les parents. La mère criait: tout le monde s’en fichait, pourquoi ne cherchait-on pas? Jeanne tentait de la rassurer, ils étaient justement partis pour régler la situation. Elle demanda aux parents de décrire l’enfant, quel âge avait-il? quel était son nom? Gaston, un joli prénom, elle se repentit, ce n’était pas le moment, ça lui était venu comme ça. Où l’avaient-ils perdu? Dix minutes… près de la péniche. Où avaient-ils cherché? au stand de tricycles? les enfants adoraient les tricycles. Près de l’orchestre? Le père s’impatienta, ils avaient déjà tout dit à ses collègues. Jeanne leur demanda de rester où ils étaient, elle chercherait parmi le public. «Merci» lui dit la mère d’un air méfiant. Avait-elle compris que c’était son premier jour?
Elle tapotait l’épaule des gens, les faisant sursauter, pour demander s’ils n’avaient pas vu un enfant seul, roux, de quatre ans. Ils ne prêtaient pas attention à ce qu’elle disait, secouaient la tête, irrités. Le discours continuait: «Un voyage d’une rive l’autre, d’un monde à un autre, de l’urbain à l’art, du faber à la fabrique.» Elle aurait dû rester à écouter le discours tranquillement. Elle ne connaissait pas le lieu. Ne savait déjà plus où étaient les tricycles. Elle dévoilait toute son incompétence, ses employeurs diraient qu’elle avait fait n’importe quoi, que se passerait-il si l’enfant n’était pas retrouvé? Plus de trace de gilets-orange. Jeanne eut l’idée de fouiller la péniche. Un agent de sécurité lui barrait le passage. Elle lui expliqua la situation, il ne savait pas, n’avait pas vu d’enfant, n’avait pas de talkie, ne pouvait pas bouger de sa place, il la laissa néanmoins passer. La péniche vide semblait immense. Elle chercha sous les banquettes, sur le pont. L'enfant n’y était pas.
Commenter  J’apprécie          10
Comme si d'ailleurs ils n'étaient pas seuls ! ils soliloquent à plusieurs, ont l'illusion d'un dialogue, d'une parole partagée, du grand tout. Le collectif c'est la pire des illusions. Au moins avant, ils étaient devant leur télé ou devant le comptoir à s'arsouiller, conscients de leur condition misérable, de leur solitude, et voilà maintenant qu'ils feignent de croire qu'ils sont ensemble ! quelle blague ! c'est désespérant ! et quel cynisme de les encourager !
Commenter  J’apprécie          20
Celia Levi
Ces discours tonitruants sur l'égalité, la tolérance, c'est la social-démocratie d'aujourd'hui. Dès qu'il y a une opposition légère aux fondements idéologiques de la société ou au "projet" de la Tannerie, le patron ou le pouvoir montrent leur vrai visage et la répression, quelle qu'en soit la forme, n'est jamais très loin. Les employés de la Tannerie, à l'exception d'un personnage, sont lâches, ils ne pensent pas de façon collective mais très individuelle ; pire encore, leur cruauté est teintée d'une apparente bienveillance. Toutefois, ils sont autant victimes que bourreaux et participent par leur passivité à leur propre aliénation.

Dans le journal "Le Soir" des 28 et 29 novembre 2020
Commenter  J’apprécie          10
Celia Levi
Les personnages sont spectateurs et ne s'engagent jamais réellement. Ils parlent beaucoup, répètent les phrases qui traînent à la radio ou dans les journaux. Ce qui les intéresse, c'est se dévertir.

Dans le journal "Le Soir" des 28 et 29 novembre 2020
Commenter  J’apprécie          10
Mon âme atteint la plénitude lorsque le yin de mon trait horizontal croise le yang de mon trait vertical.
Commenter  J’apprécie          10
Le bonheur ne pouvait venir des parties basses du corps mais du cœur et de l'esprit.
Commenter  J’apprécie          20
Il y avait quelque chose de rassurant dans ce paysage laiteux, elle se disait que peut-être la mort était une brume épaisse qui vous ensevelissait en silence.
Commenter  J’apprécie          10
Elle pensait à leurs rapports de façon abstraite, n'imaginait pas leurs étreintes, ni même la naissance d'une relation. Elle ne s'était pas demandé non plus quels étaient son caractère, ses goûts, ses préférences. Elle avait crée une personne évanescente avec qui elle conversait quotidiennement, qui accaparait ses pensées, à qui elle voulait plaire. Elle se rendit compte, alors qu'elle marchait, qu'elle ne le connaissait pas.
Commenter  J’apprécie          10
Il se montait la tête; sa colère enflait et cherchait un exutoire. C'était la nouvelle génération. Ils ne connaissaient rien. Ils n'avaient pas vécu la Révolution Culturelle, ils étaient gâtés, alors que lui n'avait rien eu, maintenant c'était trop tard. Il était comme ces machines que l'on jetait à la casse. Il n'avait aucune compétence, aucun diplôme. Il comprit qu'il ne s'appartenait pas, il faisait partie d'un tout, son pays, une structure sociale à l'intérieur de laquelle il devait exercer une fonction. (...) il n'avait même plus assez de force pour comprendre quelles étaient ses aspirations. (p. 37)
Commenter  J’apprécie          110
Il passa devant la synagogue. Les juifs sont comme nous, ils ont eu Hitler, nous avons eu Mao, ils ont dû se cacher, fuir leur patrie. (p. 19)
Commenter  J’apprécie          170
Le Fou

Je suis l'Histoire que les hommes ne voient pas, je suis la haine que chacun porte en soi, je suis les enfants qui rient au bord des sources claires et je suis ces vieux qui meurent dans les hospices. Je suis sale comme une grande ville, les stigmates de la misère humaine sont ma sanctification, je suis fier car je ne suis rien mais je suis tout. (...) (p. 11)
Commenter  J’apprécie          90
Julien hésitait: "Enfin non mais, je veux dire, enfin les gens se parlent. On vit dans une société où les gens ne communiquent plus vraiment, ils ont besoin de se raconter, de retrouver la fonction qu'avait une place publique, le forum romain, avant les réseaux sociaux. Toute occasion de contact humain est bonne à prendre. Contrairement à toi, je suis un vrai démocrate, je ne crois pas que certains êtres soient supérieurs à d'autres. Oui, je l'avoue, ça me touche de voir ces personnes qui débordent d'une envie irrépressible de parler, comme s'ils s'étaient retenus toute leur vie. (...) La solitude est la maladie de l'époque. (p. 271)
Commenter  J’apprécie          120
Et puis, peu à peu, j'ai compris que c'était beau de voir des personnes qui crevaient de solitude prendre la parole, la France qu'on n'entend pas. Et ils bénéficient de l'écoute qu'ils n'ont jamais. Pourquoi les clochards ne pourraient-ils pas parler ? Y'a des choses dingues comme le projet d'une nouvelle constitution. C'est très hétérogène, toutes les luttes de ces dernières années y sont concentrées, les migrants, les ZAD, l'antispécisme, les féministes. Bon, il y a aussi des radicaux, des casseurs, mais dans l'ensemble c'est pacifiste. On en revient à la base, à analyser ce qu'est la politique, vivre les uns avec les autres (...) A Maubert, il y avait quatre cents personnes réunies pour soutenir dix gars, ça dépasse la loi Travail, c'est la possibilité d'un monde meilleur qui s'ouvre, plus solidaire aussi. (p. 248)
Commenter  J’apprécie          80



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Celia Levi (163)Voir plus

Quiz Voir plus

Des écrivains aux prénoms rares

Première questiojn, facile: quel était le prénom de l’immense romancier Balzac ?

Eustache
Honoré
Maximilien

20 questions
18 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}