Le Book Club s'intéresse aux lieux, ceux d'où l'on vient et ceux où l'on revient, en explorant avec les philosophes Joëlle Zask et Céline Flécheux les liens d'attachement qui unissent ou non un individu aux lieux qu'il traverse ou habite.
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Revenir dans le temps, la transition :
Les récits de ceux qui reviennent d’expéditions lointaines, par exemple, sont pleins de ces impressions d’être décalées, de ne pouvoir reprendre le rythme immédiatement, de ne pouvoir réintégrer la place qu’ils ont quittée. […]. Ceux qui accueillent celui qui revient ne comprennent pas ce qui se passe, et le « revenant » ne parvient pas à exprimer ce qu’il ressent. Il faut beaucoup d’amour pour laisser passer ce moment de transition et accepter, pendant un moment, de mal se comprendre. […]. C’est peu à peu que celui qui revient reprend le cours normal des choses ; c’est peu à peu que son corps retrouve un rythme qui lui convient, peu à peu que l’intimité se recrée avec les proches.
Pénélope joue sur le registre de l’attente, « elle se fait attendre et elle attend ». Elle a élevé son fils, a tenu en main le palais autant que possible, est restée fidèle à son époux. Ce dernier le sait : tout le monde, jusqu’à sa mère dans les Enfers, le lui a assuré. Vingt ans durant, elle a dû repousser les prétendants, dont le nombre dépasse probablement la centaine. Elle a vu mourir de chagrin la mère de son époux ; son beau-père, jadis vaillant, devenir un misérable vieillard et quitter le palais. Son fils, encore très jeune, peine à s’affirmer comme le nouveau chef d’Ithaque. Ce qui occupe Pénélope, c’est donc avant toute chose le temps.
Ulysse est sauvé du mauvais sort que lui réservait Circé grâce à l’intervention d’Hermes, qui le met en garde contre le maléfice de la magicienne en lui indiquant les vertus d’une plante nommée « môly », l’herbe de vie. Il est intéressant de relever que ce pharmakon est composé d’une « racine noire, et la fleur, blanc de lait », qui reflète parfaitement les deux facettes opposées de la personnalité de Circé, celles du jour et de la nuit. Ainsi Circé est fondamentalement double, d’une dualité qui la lie à la vie et à la mort, à l’obscurité et au jour, aux profondeurs de la terre et à la clarté du soleil. Mais ces entités, elle ne les tient pas comme séparées et statiques, elle les met en mouvement, les inscrit dans le temps, les fait passé d’un état à un autre. Grâce à elle alternent nuit et jour, départs et retours. De son île, contrairement à Eolie, on part et on revient.
On recule quand on a l'impression d'avancer, on crie "terre" avant d'avoir accosté et voilà qu'on repart pour des semaines d'aventure à l'autre bout du monde, sans plus aucune connexion avec le monde où l'on souhaite pourtant rentrer.
Un kléos sans nóstos, une gloire sans retour, ne console pas des misères de la mort. Achille semble prêt à échanger une iliade contre une odyssée, remarque [Gregory] Nagy.
Toutefois, l'impossibilité de la réversibilité [du temps] ne nous condamne pas à la nostalgie. Au contraire, elle développe en nous une conscience temporelle qui favorise le récit, la mise en abyme des histoires, les flash-back, retours en arrière opérés par les montages, coupures, interruptions, reprises, etc. Le sens du temps sera certes toujours le même, mais nous explorerons la possibilité, grâce à l'impossible réversibilité, de travailler le temps en artistes.