Témoignage de reconversion réussie : Céline Guarneri
La mémoire devrait pouvoir être inflammable. Un peu d’essence, on craque l’allumette et hop, on oublie ce foutu désarroi ! Ça peut brûler les entrailles, le manque de quelqu’un. Comment conserver le sens d’une vie et son pétillement quand on vacillait à l’intérieur de son propre corps et que ça pleurait dans les veines ?
Au début du deuil, on pense que cette ère de l’anesthésie douce n’arrivera jamais, mais elle vient, comme reviennent les palpitations dans les cœurs brisés lorsqu’ils ont fini d’errer.
On oublie avec le temps ce que les gens nous ont fait ou dit, mais jamais ce qu’ils nous ont fait ressentir.
Le jour où ton regard a rencontré mon regard pour la première fois, un rayon est allé de ton cœur au mien comme l’aurore à une ruine.
La mort interrompt les mensonges que l'on se raconte à soi-même et nous met face à cette imperceptible torsion que nous faisons subir à la vérité. Il n'y avait plus de père à retenir, ils le savaient tous. Les morts ne reviennent pas. Les vérités, en revanche, ont leurs chemins de traverse. Elles reprennent vie trop vite et laissent les vivants rentrer seuls dans le noir.
Rien n'est plus présent qu'un passé qu'on aurait voulu changer.
Un pardon voyage plus loin et plus longtemps qu'une vengeance.
Face au deuil, personne n'apprivoise la douleur de la même façon. Il y en a qui passent un permis moto pour compenser l'engourdissement invasif du chagrin ; d'autres sautent à l'élastique pour lutter contre le vide laissé par l'absent ; et d'autres encore plaquent tout et partent vivre à l'étranger, croyant échapper à la douleur, délocaliser l'oubli et produire de la joie à moindre coût. Aux yeux d'Hadrien, c'était pur gaspillage d'énergie. Quoi que l'on fasse, on est contraint d'endosser une nouvelle identité. On devient « un-qui-reste ». Rien ni personne ne pourrait changer cela en cette seconde.
"Les morts ne reviennent pas. Les vérités, en revanche, ont leurs chemins de traverse. Elles reprennent vie trop vite et laissent les vivants rentrer seuls dans le noir."
Les chaînes qui nous enchaînent le plus sont celles que nous avons brisées.
[Antonio Porchia]