C'était un truc étrange ,le bonheur .Tellement bien planqué dans les routines quotidiennes qu'on arrivait à l'oublier . Il ne se dévoilait au grand jour que lorsque le frôlement du malheur en brisait le continuum .
Ça faisait un drôle de bruit, le silence. Des petits confettis de temps, qui s’écrasaient lentement par terre, un peu comme de la neige. C’était toujours pareil, juste avant.
Il n’y aurait pas d’après.
Les preppers. Des gens convaincus qu’une apocalypse quelconque était imminente. Alors ils se préparaient, en entassant toutes sortes de choses plus ou moins utiles dans leur garage, voire parfois dans leur abri souterrain. La plupart du temps, il s’agissait de citoyens ordinaires. Une poignée d’entre eux seulement vivaient en marge de la société, persuadés qu’un complot gouvernemental visant à l’asservissement des masses et à l’élimination des contestataires dans d’immenses camps de travail se préparait.
Sa seule découverte (…) était que, où qu'il aille, il serait toujours le même, enfermé dans son étrange désir d'un Autre qui n'existait pas, au milieu de millions d'autres qui ne lui ressemblaient pas.
Courir.
Même si ça ne servait plus à rien. Elle l’avait compris depuis longtemps, mais elle continuait, malgré tout. Comme le bébé antilope poursuivi par des lionnes, dans le documentaire à la télé qui l’avait faite pleurer.
Elle ne savait pas où elle était.
Elle espérait encore s’en sortir, pourtant. Peut-être que le bébé antilope y avait cru, lui aussi.
Un effroi bouillant jaillit dans sa poitrine quand quelque chose lui agrippa le dos. Elle se retourna et buta contre une racine. Elle perdit l’équilibre, mais son corps se tendit dans un ultime effort et elle parvint à ne pas tomber. Sa main écarta une branche avec répulsion.
Elle devait absolument rester debout.
Elle eut un sanglot. Elle était terrorisée.
Il allait revenir.
Dans sa tête, elle entendait déjà ses pas lourds écraser les feuilles.
Elle revivait sans cesse ces moments atroces où il s’était penché sur elle et l’avait traînée par un pied dans les ronces, avant de la balancer comme un paquet contre un arbre. Le canon du fusil avait cogné sa joue.
Il était méchant. Très méchant.
Il n’avait pas de visage. Juste des billes noires et brillantes, cerclées de rouge, au fond des trous de sa cagoule. Il sentait la transpiration des gens qui ne se lavaient pas. Peut-être que c’était un monstre.
Jamais elle n’avait eu aussi peur.
Elle ne voulait plus que ça arrive.
Extrait de la préface « On range l’étrange dans les tréfonds, des lointains sombres, des fonds de cave, d’obscures catacombes, nappés de trémolos romantiques et d’étranges chimères qui, pour la plupart, proviennent du cinéma ou de la télévision. La pire étrangeté, c’est lorsque la froide raison est passée. Qu’on a tout examiné, retourné chaque pierre, chaque pas. L’étrange, le Diable, la Mort, que sais-je ? Je l’ai rencontré en plein soleil, sur cette île alors qu’un vent de face, puissant et glacé, continu, aérien, me tenait franchement aux épaules comme s’il entendait m’empêcher d’avancer, un vent contre lequel il était inconcevable de s’appuyer en désespoir de cause. »
Ils s’amusent bien, dans ce foutu village. Ils sont tous complices. Une bande de malades. La voilà, la vérité. La vérité vraie. Il ramasse le fusil. En attendant, ils ont commis une putain d’erreur. Pas seulement en lui filant une arme à feu. [Vous ne savez pas qui je suis, bande de rats.]
: "quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt". C'est pour cela que la vérité est ailleurs !
C'était un exercice qu'il considérait comme nécessaire. Il lui fallait communiquer avec des gens. Cela ne lui apportait rien au fond, mais il considérait que c'était là un ancrage ultime à la réalité; enfin, celle des Autres, ceux qui vivaient autour de lui.
Elle lutta contre la sensation de privation d'oxygène jusqu'à l'insupportable. L'insupportable la submergea.