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Citations de Charles Morice (33)


M. Maurice Denis a donc bien raison de dire :
" Synthétiser, ce n'est pas nécessairement simplifier dans le sens de supprimer certaines parties de l'objet : c'est simplifier dans le sens de rendre intelligible. C'est, en somme, hiérarchiser : soumettre chaque tableau à un seul rythme, à une dominante, sacrifier, subordonner, — généraliser, "

Soumettre l'œuvre à une dominante, c'est lui donner une âme, lui insuffler de la vie : c'est créer.
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Il est certain que l'impressionnisme fut, dans sa nouveauté, pour la peinture, une délivrance. Quelle exaltation s'empara des peintres, quand enfin le soleil se leva pour eux, quand enfin ils virent, ils eurent l'audace et la joie de voir « le spectacle des choses éclairé par l'action solaire ! ». Avec quelle bravoure ils menèrent les grands combats, ces expositions que les critiques officiels qualifiaient d'exhibitions de caricatures prétentieuses et qui resteront de glorieuses dates dans l'histoire de l'art français au XIXe siècle.
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Il nous a paru qu'avant d'initier le lecteur à l'aride se servir des musées, il convenait de lui dire tout d'abord ce qu'ils sont.
Des lieux admirables d'irrémédiable désordre. Des assemblages d'objets dont la destination initiale, toujours intéressante et souvent utile à connaître, est négligée, dissimulée, démentie et effacée par cette destitution de personnalité qui résulte de la mise générale à l'alignement et celte unique atmosphère commune que des génies très différents ne respirent pas tous avec le même bonheur.
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Or, personne, quand le Louvre fut construit, ne se doutait qu'un jour ce palais des rois deviendrait celui des artistes, et l'histoire de cette transformation — dont plus loin on trouvera un résumé rapide — a le hasard pour principal auteur. Quant à l'enrichissement de ce lieu de paix et de splendeur, la violence en fut pour une grande part le principal acteur, et c'est par des chemins noyés de sang et de larmes que beaucoup des merveilles assemblées dans cette retraite dorée y sont parvenues.
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Mais cette beauté ne se communique point aux inattentifs ; elle n'est point « plaisante » puisqu'elle est « neuve», puisqu'elle n'est pas encore — dût-elle jamais l'être ! — une familière idole de la foule ; puisque, pour comprendre cette révélation, il faut d'abord écarter toute préférence d'habitude ou d'éducation. Sa simplicité même rebute le grand nombre, car elle n'est qu'un glorieux effort de dessiner par ses nuances, de préciser par ses harmonies les plus intimes, les plus proches (spéciales et c'est dire, pour la majorité des hommes, les plus lointaines) l'Idée. — Avec un poète tel que celui-ci, absolu, — ou maudit, comme il dirait lui-même, — tout beau premier lecteur, s'il veut jouir pleinement de l'œuvre, ne doit pas rêver de l'entreprendre au hasard et tout de suite : à qui vient des brutalités de midi les douceurs du clair-obscur sont des ténèbres, et comment pourraient des oreilles assourdies par de confuses clameurs entendre une gamme mineure? Il faut l'interruption des soucis bruyants, le silence, les paupières baissées, — une initiation, pour peu à peu se faire à l'atmosphère du poème, apprendre à ne rien perdre des détails afin de saisir l'ensemble et bientôt se complaire avec l'extraordinaire artiste aux surprises successives de suggestives méprises.
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Mais on reproche aux Poètes de l'heure actuelle je ne sais quelle spéciale obscurité, un goût hors nature pour la nuit du style. Qu'il suffise de demander à nos critiques si nous sommes seuls comptables du tort que nous avons — soit supposé — de nous complaire dans ces ténèbres formelles? si elles ne s'exagèrent pas à la comparaison des tristes limpidités qui font la fortune de Tel et Tel? s'il n'y aurait pas de la noblesse en ce parti pris — supposé encore qu'il y ait parti pris — d'éviter la faveur des gens qui fêtent tant d'odieuses turpitudes? et enfin si le tort principal ne serait pas à la date où sont nés les nouveaux poètes ?
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J'essayais de travailler : notes et croquis de toutes sortes.

Mais le paysage, avec ses couleurs franches, violentes, m'éblouissait, m'aveuglait. J'étais toujours incertain, je cherchais, je cherchais...

C'était si simple pourtant, de peindre comme je voyais, de mettre sans tant de calcul, un rouge près d'un bleu ! Dans les ruisseaux, au bord de la mer, des formes dorées m'enchantaient : pourquoi hésitais-je à faire couler sur ma toile toute cette joie de soleil ?

Ah ! vieilles routines d'Europe ! timidités d'expression de races dégénérées !
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Lecteur, c'est le point de vue — il fallait le dire - de ce livre; l'objet de l'œuvre écrite est celui de l'œuvre peinte, en l'œuvre peinte, perçu, puis littéralement (selon, toutefois, et comme le prescrivait le fait de la collaboration, des procédés déjà vérifiés par l'expérience de maints auteurs et sans prétentions à la nouveauté désigné.
Le héros humain des passions reste le peintre.
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Je vois l'artiste, devant cet être, s'efforçant de lui dérober ses secrets. Je le vois contemplant cette enfant énigmatique et pourtant nue dans son âme comme dans son corps, malgré, non pas aucune ruse, mais l'extrême mobilité de sa fantaisie qui précipite et brouille perpétuellement le kaléidoscope de ses pensées, unité nuancée d'une succession de contradictoires caprices qu'on croirait simultanés, tant des uns aux autres le passages est rapide. Je le vois poursuivant sa passionnante chasse au mystère et faisant parler le silence. Il sent peser sur cette jeune vivante l'ombre du vieux passé. Il cherche dans ce visage, où la chaleur du sang permet à peine aux souvenirs personnels de s'inscrire, les traces de cet insondable passé que la fécondité de la terre n'a pas permis aux aïeux de Téhura de fixer sur le sol par de durables monuments : car les végétaux ont lentement et sûrement repris à la pierre, dont le domaine est dans la nuit de la terre, la surface du sol qui leur appartient.
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Soumettre l'oeuvre à une dominante, c'est lui donner une âme, lui insuffler de la vie: c'est créer.
Que le procédé ne soit pas nouveau, que tous les grands artistes décorateurs l'aient employé, que Puvis de Chavannes, avant Gauguin et ses élèves, et avant Cézanne, l'ait appliqué au tableau de chevalet, Odilon Redon, à la lithographie, c'est vrai. Mais Gauguin, de qui l'admiration pour les primitifs et le respect pour Puvis et Redon ne se sont jamais démentis, n'a pas dit, en reprenant ce procédé, qu'il prétendit apporter une nouveauté. Seulement, il se l'est approprié par des audaces et des harmonies personnelles; surtout il l'opposait au pur mélange optique des couleurs, où se confinaient les impressionnistes, esclaves de la vision sensorielle qui laissaient leur esprit en vacance.
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La religion de Carrière, c'est le culte de l'humanité consciente de sa propre nature et consciemment obéissante aux lois de la nature universelle ce culte, le substrat éternel de toutes les religions précises. Le polythéisme et le christianisme s'y rencontrent dans ce qu'ils ont d'essentiel et de vrai. La science y peut conclure avec eux la désirable alliance. Ils en renaîtront, sous des formes imprévues et qui sont le secret des siècles.
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L'amour des formes extérieures de la nature est le moyen de compréhension que la nature m'impose,
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Les formes, a écrit Carrière, qui ne sont pas par elles-mêmes, mais par leurs multiples rapports, tout, dans un lointain recul, nous rejoint par de subtils passages tout est une confidence qui répond à mes aveux, et mon travail est de foi et d'admiration.
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Carrière a lentement fait sa propre découverte, il a passé par tous les degrés, sans en excepter un seul, pour s'initier à sa vérité personnelle, et cet esprit, de ceux en qui la voix de la nature devait retentir de ses timbres les plus clairs, procéda, comme la nature, par des conquêtes patiemment obtenues, par des passages docilement suivis et jamais interrompus.
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D'abord l'art, en toutes ses manifestations, est essentiellement « l'aspect en beauté » des idées religieuses d'une race et d'une époque vivantes.
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Le Romantisme n'eut point d'autre fonction que de rappeler l'art français au souci du monde extérieur : sur l'Âme de Bossuet et de Racine, Hugo et Gautier jetèrent leur draperie splendide. Ce fut un art tout de mouvement et de couleur, de sentiment et d'action.
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Qu'il me soit permis, sans prétendre clore par une simple lettre une discussion à l'objet do laquelle je consacre tout un livre, de défendre contre les sévérités de M. Anatole France les tentatives et les tendances de la génération nouvelle, d'indiquer sommairement ce qu'il y a de très sincère et de très grave sous tant d'audaces, d'obscurités, voire d'excentricités, et comment la logique même de notre histoire littéraire devait amener l'évolution actuelle.
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L'avenir est dans le présent, il est dans le passé. C'est nous qui le faisons; s'il est mauvais, ce sera de notre faute. Mais je n'en désespère pas. Je m'aperçois que je n'ai pas dit la centième partie de ce que je voulais dire. Je voulais, par exemple, essayer d'indiquer les conditions nouvelles que la démocratie et l'industrie feront à l'art de demain. Je me figure que ces conditions seront très supportables. Ce sera le sujet d'une prochaine lettre.
Veuillez agréer, etc.
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Charles Morice
Par la vallée du Punaru — la grande fissure qui divise Tahiti en deux parts — on parvient au plateau de Tamanoü. De là, on peut voir le Diadème, l’oroféna, l’Aroraï, — le centre de l’Île.

On m’en avait parlé bien souvent comme d’un lieu merveilleux, et je formai le projet d’aller, seul, y passer quelques jours.

— Mais, la nuit, que feras-tu ?

— Tu seras tourmenté par les Tupapaüs !

— Il n’est pas bon d’aller déranger les Esprits de la montagne… Il faut que tu sois fou !

Je l’étais probablement, en effet, car cette inquiète sollicitude de mes amis tahitiens ne faisait que surexciter ma curiosité.

Avant l’aube, une nuit, je m’orientai donc vers l’Aroraï.

Près de deux heures durant, je pus suivre un sentier qui longeait la rivière île Punaru. Mais ensuite je fus, å plusieurs reprises, oblige de traverser la rivière. De chaque côté, les murailles de la montagne s’éleva lent, toutes droites, appuyées jusqu’au milieu de l’eau, comme sur des ? contre-forts, sur d’énormes quartiers de rochers.

Force me fut, en définitive, de continuer mon voyage en pleine rivière. J’avais de l’eau tantôt jusqu’aux genoux, tantôt jusqu’aux épaules.

Entre les deux murailles, qui, d’en bas, m’apparaissaient étonnamment hautes et très resserrées à leur sommet, le soleil, en plein jour, pointait à peine. À midi, dans le ciel ardemment bleu, je distinguais le scintillement des étoiles.

Vers cinq heures, le jour baissant, je commençais à me préoccuper de rendrait où je passerais la nuit, quand j’aperçus, à droite, un hectare de terrain presque plat, où poussaient pêle-mêle les fougères, les bananiers sauvages et les bouraos. J’eus la chance de trouver quelques bananes mûres. À la hâte, je fis un feu de bois pour les cuire et ce fut mon repas.

Puis, tant bien que mal, au pied d’un arbre sur les basses branches duquel j’avais entrelacé des feuilles de bananier pour m’abriter en cas de pluie, je me couchai.

Il faisait froid et ma traversée dans l’eau me laissait grelottant.

Je dormis mal.

Mais je savais que l’aube ne tarderait pas et que je n’avais rien à craindre des hommes ni des animaux. Il n’y a ni carnassiers ni reptiles, à Tahiti. Les seuls « fauves » de l’île sont des porcs qui, lâchés dans la forêt, s’y sont multipliés en pleine sauvagerie. Tout au plus pouvais-je craindre qu’ils vinssent m’écorcher les jambes ; je passai à mon poignet la corde de ma hache.

La nuit était profonde. Impossible de rien distinguer, sauf, tout près de ma tête, une sorte de poussière phosphorescente qui m’intriguait singulièrement. Je souris en pensant aux contes des Maories sur les Tupapaüs ; ces esprits méchants qui s’éveillent avec les ténèbres pour tourmenter les hommes endormis. Leur capitale est au cœur de la montagne, que la forêt environne d’éternelles ombres. Là, ils pullulent, et leurs légions s’accroissent sans cesse des esprits de tous les morts.

Malheur au vivant qui se risque dans les lieux infestés par les démons !…

Et j’étais ce téméraire.

Aussi mes rêves furent-ils assez agités.

J’ai su. depuis, que cette poussière lumineuse émane de petits champignons d’une espèce particulière ; ils poussent, dans les endroits humides, sur les branches mortes, comme celles qui m’avaient servi à faire du feu.

Le lendemain, au petit jour, je me remettais en route.

La rivière de plus en plus accidentée, ruisseau, torrent, cascade, dessinait des sinuosité étrangement capricieuses et semblait parfois revenir sur elle-même. Le sentier me manquait sans cesse et c’était souvent des mains qu’il fallait m’aider pour avancer, passant de branche en branche à la force des poignets en touchant à peine et rarement le sol.

Du fond de l’eau, des écrevisses d’une taille extraordinaire me regardaient, semblant me dire : Que viens tu faire ici ? — et des anguilles séculaires fuyaient à mon approche.

Tout à coup, à un détour brusque, j’aperçus, dressée contre la paroi du rocher qu’elle caressait, plutôt qu’elle ne s’y retenait, des deux mains, une jeune fille, nue. Elle buvait à une source qui jaillissait silencieusement de très haut dans les pierres. Quant elle eut fini de boire, lâchant le rocher, elle prit de l’eau dans ses mains, et se la fit couler entre les seins. Puis — je n’avais pourtant fait aucun bruit — comme une antilope peureuse qui, d’instinct, devine, évente l’étranger, elle pencha la tête, scrutant le fourré où je me tenais immobile. Mon regard ne rencontra pas le sien. À peine m’eut-elle aperçu qu’aussitôt elle plongea, en criant ce mot :

— Taëhaë (féroce) !

Précipitamment je regardai dans la rivière : personne, rien — qu’une énorme anguille qui serpentait entre les petits cailloux du fond.

Non sans difficulté ni fatigue, je parvins enfin tout près de l’Aroraï, le sommet de l’Ile, la montagne formidable et sacrée.

C’était le soir, la lune se levait, et, en la regardant qui enveloppait mollement de ses lueurs légères le front rude du mont, je me rappelai la fameuse légende :

Paraü Him Téfatou (Hina disait à Téfatou)…
la légende très ancienne que les jeunes filles récitent volontiers, le soir, à la veillée, et à laquelle pour théâtre elles assignent le lieu même ou j’étais.

Et je crus voir :

Une tête puissante d’homme divin, la tête du héros à qui la Nature a conféré l’orgueil conscient de toutes ses forces, un glorieux visage de géant, brisent les dernières lignes de l’horizon, et comme au seuil du monde ; une femme caressante et faible saisit doucement le Dieu aux cheveux et lui parle :

— Faites revivre l’homme quand il sera mort…

Et les lèvres courroucées, mais non cruelles, du Dieu vont s’ouvrir pour répondre :

— L’homme mourra.
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Et c'est ainsi que l'artiste invente ; idéaliste ou réaliste, c'est toujours dans les entrailles de la Nature qu'il faut qu'il plonge pour y voir ce qu'avant lui personne n avait vu et ce que lui seul y peut voir. Car la Nature, telle que l'artiste la voit, n'existe que pour lui, sinon en lui seulement.
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