Mais cette beauté ne se communique point aux inattentifs ; elle n'est point « plaisante » puisqu'elle est « neuve», puisqu'elle n'est pas encore — dût-elle jamais l'être ! — une familière idole de la foule ; puisque, pour comprendre cette révélation, il faut d'abord écarter toute préférence d'habitude ou d'éducation. Sa simplicité même rebute le grand nombre, car elle n'est qu'un glorieux effort de dessiner par ses nuances, de préciser par ses harmonies les plus intimes, les plus proches (spéciales et c'est dire, pour la majorité des hommes, les plus lointaines) l'Idée. — Avec un poète tel que celui-ci, absolu, — ou maudit, comme il dirait lui-même, — tout beau premier lecteur, s'il veut jouir pleinement de l'œuvre, ne doit pas rêver de l'entreprendre au hasard et tout de suite : à qui vient des brutalités de midi les douceurs du clair-obscur sont des ténèbres, et comment pourraient des oreilles assourdies par de confuses clameurs entendre une gamme mineure? Il faut l'interruption des soucis bruyants, le silence, les paupières baissées, — une initiation, pour peu à peu se faire à l'atmosphère du poème, apprendre à ne rien perdre des détails afin de saisir l'ensemble et bientôt se complaire avec l'extraordinaire artiste aux surprises successives de suggestives méprises.