Tôt ou tard, tout finit par changer. Le temps passe, insoumis – quels que soient nos efforts pour en figer, modifier ou récrire le cours. Il n’y a tout simplement rien qui puisse l’arrêter, absolument rien.
Je me dis que par bien des aspects, Tanger était une ville fantôme. Sauf qu'au lieu d'être morte, déserte et stérile, elle était vivante. Elle bouillonnait, le souvenir des grands esprits qui avaient arpenté ses ruelles, réfléchi, siroté du thé à la menthe et trouvé l'inspiration ici imprégnait chaque recoin de la ville. C'était un témoignage, et le tombeau de ceux qui y étaient venus.
J’oublie ce qui s’est passé. C’est une sensation étrange, car elle a toujours été là, à rôder sous la surface, menaçant de la briser. Mais il arrive que son nom m’échappe, alors j’ai pris l’habitude de le noter sur les morceaux de papier que je trouve. La nuit quand les infirmières sont parties, je le murmure pour moi, comme une leçon de catéchisme apprise enfant, comme si le rabâcher allait m’aider à me souvenir, m’empêcher d’oublier, car je me répète, je ne dois pas oublier.
« On pleure quand on arrive, et on pleure quand on part ... »
Dicton à propos de la ville de Tanger ...
Avec cela, je commandai un couscous et un tagine, que nous ne pûmes terminer, peu habituées à des plats si copieux. Mais l'acte de manger, de nous gaver, avait semblé nécessaire- une sorte de libération de tout ce que nous retenions à l'encontre de l'autre. Assises sur le sol de notre chambre, nous laissâmes de côté les couverts pour attaquer nos plats à la manière des gens d'ici, avec nos mains. La sauce coulait sur nos doigts sans que nous prîmes la peine de les essuyer. Les lécher nous sembla une bien meilleure idée, et tant d'excentricité nous ravit. Un morceau d'agneau. Un abricot. Un raisin. Des fruits que nous n'avions pas l'habitude d'associer aux mets salés, mais ici, dans la lumière tombante du Maroc, les saveurs se mariaient à la perfection. Les lèvres luisantes de gras à la fin de notre repas, nous fûmes prises d'un petit rire gêné.
I did not ask her where she had spent her day, or whom she had spent it with. I did not ask what she was doing in Tangier, why she was here, what she wanted - still too afraid of the answers I might receive.
… mais ici, tout n’était que silence. Il n’y avait que ce bleu, doux et tentant, qui s’étirait à perte de vue et se précipitait dans les courants de l’Atlantique, rien que l’odeur de l’océan, fraîche et pure. (p. 132.)
Si je devais ne retenir qu’une chose de notre dernière année à l’université, c’est que l’absolu n’existe pas. Tôt ou tard, tout finit par changer. Le temps passe, insoumis – quels que soient nos efforts pour en figer, modifier ou récrire le cours.
Il n’y a tout simplement rien qui puisse l’arrêter, absolument rien.
La plupart du temps, la ville m’apparaît comme dans un rêve fébrile, mirage étincelant dont je peine à me convaincre qu’il a été bien réel, que j’y étais, que les gens et les endroits dont je me souviens étaient tangibles, et non des fantômes translucides sortis de mon imagination…
Tangier, 1956
Alice
Tuesdays were market days.
Not just for me, but for the entire city, the Rif women parading down from the mountains heralding the start, their baskets and carts overflowing with fruits and vegetables, their donkeys flanking them on either side. In response, Tangier came alive: crowds emerged, the streets flooding with men and women, foreigners and locals alike, pointing and ordering, arguing and bartering, exchanging coin for a bit of this, a bit of that. The sun seemed somehow brighter on these days, hotter the scorch of it burning the nape of my neck.