Un livre fantastique signé Christophe Semont, aux éditions House Made Of Dawn
Son salaire : quelques dizaines de pesos. Le reste du temps, elle collectait dans les décharges des canettes vides qu'elle revendait au poids de l'aluminium. Celui lui rapportait tout juste de quoi survivre, mais à tout prendre, elle préférait cela à un travail administratif où, selon le vieil adage populaire, les gens font mine de travailler et l'État semblant de les payer.
Dès son arrivée au pouvoir en 1954, Stroessner a mis le pays à feu et à sang. Il n’avait qu’une seule obsession : purger le Paraguay de tous les communistes. Guérilleros ou intellectuels, il les mettait tous dans le même panier. Et le panier, il le brûlait. Pour ce faire, il s’appuyait sur la police et l’armée, mais aussi sur des consultants étrangers, d’anciens militaires pour la plupart, qui s’occupaient de former les services secrets du pays aux méthodes anti-insurrectionnels, techniques d’interrogatoire et autres luttes antiguérillas. Et tout ça, presque vingt ans avant le Plan Condor, c’est dire s’il avait de l’avance…
Ils ne surent jamais quel camp les avait pris à partie ce jour-là et à vrai dire, cela importait peu. Serbe ou bosniaque, une balle reste une balle.
Alors nommée révolution culturelle, la politique cubaine se solda par la nationalisation de dizaines de milliers d'entreprises privées. Les bureaucrates furent massivement déportés à la campagne pour travailler dans les champs.
- Le gouvernement n’agit pas pour améliorer les choses ?
- Pour cela, il faudrait de l’argent… Quand il y en a, il va d’abord dans la poche des politiciens. Le pays est corrompu, malade de son propre système. Les ressources ne manquent pas pourtant : de l’argent, du gaz, du bois… Mais elles sont exploitées par des entreprises étrangères, rien ne reste ici. Un mendiant assis sur un trône d’or, voilà ce qu’est la Bolivie – ce qu’elle a toujours été…
— Le temps ce n'est rien d'autre que des petites filles qui deviennent des grands-mères.
La psychologue avait insisté pour qu’il aille se recueillir sur les deux tombes. Se confronter physiquement à la mort de sa famille l’aiderait à tourner la page. C’était, paraît-il, un travail de reconstruction nécessaire.
Il se surprit à sourire.
Qui avait dit qu’il voulait reconstruire quoi que se soit ? Il s’était juré de ne pas se présenter devant Maria et Lucia sans avoir coincé les salauds qui leur avaient arraché la vie, dût-il pour cela les traquer en enfer.
C’était tout ce qu’il lui restait : la vengeance. Cette petite flamme ténue qui ne s’éteignait jamais. Elle le guiderait à travers les ténèbres qu’il s’apprêtait à traverser.
Le temps ce n'est rien d'autre que des petites filles qui deviennent des grands-mères.
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Si tu remues la merde, ne t’attends pas à ce que cela sente la rose.
Nous étions au début des années soixante-dix. La United Fruit Company et AMK-John-Morell convergeaient pour former la United Brand Compagny. La plus important firme bananière du monde était alors assez puissante pour influer la plupart des gouvernements d’Amérique latine et s’approprier des dizaines de milliers d’hectares de terres fertiles, quel qu’en soit le prix. Leur appétit ne connaissait aucune limite. Ils lorgnaient sur les terres des paysans au Guatemala, en Bolivie et au Honduras. Tous les moyens étaient bons. Ils achetaient tout ce qu’ils pouvaient et prenaient le reste de force.