Citations de Christos Markogiannakis (123)
Ce n'était pas la première fois que Markou se trouvait face à un assassin. Et sûrement pas la dernière. Il n'avait pourtant jamais ressenti une chose pareille. Ce n'était pas de la peur, mais un froid, un léger frisson, comme si son propre corps l'alertait, lui disait de rester sur ses gardes. Une sensation proche du cauchemar, un mélange d'inquiétude et de curiosité, une douce terreur devant quelque chose qu'on sent arriver sans pouvoir faire quoique ce soit pour l'arrêter.
Markou se rappela la couverture du livre Meurtres en majuscules de Sophie Hannah. Sur fond turquoise, des boutons de manchette étaient ornés du profil d'Hercule Poirot. Sophie Hannah avait osé ressusciter le célèbre détective belge, qui, d'après le critique du New York Times, « n'aurait pu tomber dans de meilleures mains ».
« Hercule Poirot pourtant refusait qu'on le touche, encore moins que l'on s'empare de lui », s'était dit Markou en lisant la critique. Confier le détective légendaire à d'autres mains que celles de sa créatrice était pour lui sacrilège.
Il avait coutume de ranger ses livres par ordre de lecture, non par auteur ou par période, donnant ainsi à sa bibliothèque une apparence chaotique.
Il avait fini par lui promettre de l'accompagner à la prochaine séance de son club de polar, qui se tenait ce soir-là et qui était consacrée à un auteur danois. Ce, même s'il goûtait peu les polars scandinaves. Trop noirs, trop violents. La vie réelle était déjà bien assez glauque.
Si tout cela n'était qu'une fiction, s'il n'était pas un policier en chair et en os mais le héros d'un roman, s'il n'avait pas de comptes à rendre à sa hiérarchie et aux médias, mais à des lecteurs assoiffés de suspense, le second meurtre aurait eu son utilité. Comme disait Agatha Christie à travers son porte-parole, Hercule Poirot: « Un second meurtre dans un livre le rend plus intéressant. Si le premier meurtre a lieu dans le premier chapitre et qu'ensuite se succèdent des interrogatoires de témoins et des contrôles d'alibis jusqu'à la dernière page, la lecture peut devenir lassante. »
Feuilletant le livre, Markou était tombé sur une phrase de Poirot : « Il faut prendre les fous au sérieux. Ce sont des gens très dangereux ». Il aurait bien aimé que le célèbre détective belge vienne l'épauler. « Un autre ensemble de petites cellules grises ne serait pas de trop ».
Même en croyant aux coïncidences les plus improbables, tout cela ne pouvait être fortuit. La célèbre phrase d'Arthur Conan Doyle, prononcée par Sherlock Holmes, lui revint à l'esprit : « Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité. »
Je suis allé l'autre jour à la présentation d'un livre qualifié de « thriller policier », où l'auteur se vantait de n'avoir jamais lu un seul polar de sa vie. Et il avait le culot d'en écrire un ! Si je devais commettre le meurtre d'un écrivain, ce monsieur serait mon premier choix.
Comme on dit en Grèce, aide- toi, Athéna t'aidera.
Et naturellement, le point crucial, c'est le mobile. Tu comprends bien que lorsqu'on tient le mobile, on tient le chemin vers le coupable. Que ce soit un boulevard bien éclairé ou un sentier dans la jungle à ouvrir à la machette.
Capitaine, si l’on veut mesurer les conséquences d’un événement, il ne faut jamais le considérer indépendamment du contexte.
Dans la vie - comme dans les romans policiers -, la quête de la vérité ressemble à l'entrée dans une pièce où l'on cherche un objet caché. On ouvre des tiroirs et des armoires, on déplace des meubles, on soulève des tapis, on inspecte tous les recoins. L'objet une fois trouvé, il faut veiller à ce que tout soit remis en place. Les boîtes et les tiroirs fermés, les rayonnages parfaitement rangés. Aucune question ne doit rester sans réponse. Une seule porte d'armoire mal refermée, une seule faille, et toute la construction peut s'écrouler.
À Nissos, Markou voyait les choses « avec l'œil du détective qui ne connaît et n'a de sentiments pour personne, et pour qui tous sont au même titre étrangers et suspects », comme le disait Hercule Poirot dans Le Meurtre de Roger Ackroyd.
J'ouvre mon petit sac tressé et sors mon portable que j'ai laissé en mode silencieux depuis la plage. Rien de plus énervant que ces bip-bip incessants des messages. Sinon peut-être les hurlements d'enfants mal élevés, Grecs et Italiens surtout.
Vous me direz : que peuvent donc avoir en commun un homme de Soixante-dix ans passés et une femme de même pas trente ans ? Les livres bien sûr ! Il n'y a pas d'âge pour ça.
Assis à son bureau, devant la fenêtre ouverte, il regardait sa bibliothèque. Cela pouvait sembler absurde, mais quand son regard caressait le dos des livres, il rendait hommage aux héros des romans policiers qui accompagnaient sa vie depuis l'enfance, à toutes ces personnalités qui avaient plus ou moins forgé son caractère et l'avaient aidé à cultiver son esprit de synthèse, sa capacité à faire surgir une image à partir d'éléments épars.
Combien d'artistes avaient juré leurs grands dieux qu'ils avaient raccroché pour faire tôt ou tard leur come-back ? Étaient-ce les applaudissements, cette drogue, le besoin de reconnaissance ou bien l'argent qui les poussaient à se dédire et à répéter les derniers shows et les tournées d'adieux, comme l'avait fait trois fois Barbra Streisand ?
« L’espoir meurt en dernier », dit-on. Mais les jours défilaient et il avait beau passer au peigne fin chaque phrase des rapports, chaque détail, même le plus insignifiant, l’espoir lui semblait déjà mort.
En commençant par L'homme aux cercles bleus de Fred Vargas pour finir avec Meurtres en majuscules, de Sophie Hannah.
Exactement comme un whodunit. L'auteur ne peut pas mettre tous les indices bien en vue pour mâcher le travail du lecteur. Il ne les livre qu'en désordre, petit à petit, cachés derrière des détails insignifiants. Tous les éléments sont là, mais il faut réfléchir pour les relier entre eux. Si le lecteur n'y arrive pas, tant pis pour lui. A la fin il s'écrira : " J'avais tout sous les yeux, comment ai-je pu ne pas voir ?".