Claire Andrieux

J'ai acheté ce livre comme quelques autres, non pas par voyeurisme, mais parce que je sais que sur le prix que je paye, une partie revient à l'auteur. Une forme de solidarité, donc.

Et comme une fois que j'ai un livre entre les mains, il faut que je le lise, voici mon opinion :

L'ouvrage n'a pas la prétention de révolutionner la littérature par ses qualités littéraires, quoique ce n'est pas mal écrit.

Par contre, il vaut par le témoignage qu'il apporte sur un évènement essentiel de notre histoire récente, sur certains de ses acteurs, et sur la manière dont sont traités les témoins dans notre beau pays. Parce que le "programme de protection des témoins" que l'on voit dans les films, c'est aux US, pas ici.

Ici, un témoin est d'abord un suspect, puisqu'il connaît l'auteur du crime. Et puis on ne sait pas quoi en faire. Il faut le protéger, certes, mais qui ? comment ? avec quels moyens ? Alors on lui interdit de retourner chez lui, puisqu'il pourrait être reconnu. On le fait déménager au fin fond d'une campagne perdue avec toute sa famille. Et il doit se débrouiller avec ce que l'on veut bien lui accorder. Parce que rien n'est vraiment prévu en fait : comment vit on quand un couple doit changer de lieu de vie sans l'avoir prévu, quand il doit quitter son travail du jour au lendemain, quand le logement octroyé est vide et qu'il faut le meubler ... alors qu'on ne peut toujours pas aller récupérer ses meubles.

Le livre relate tout cela, comment un citoyen ordinaire s'aperçoit qu'il a croisé un des criminels, comment il se décide à aller voir la police ... et ce qui se passe ensuite.

Depuis, il semble que les protections prévues pour les "repentis" aient été étendues aux témoins, ce qui n'était alors pas le cas et explique sans doute une part des difficultés.

Un passionnant état des lieux du trafic de drogue en France (et en particulier du cannabis et de la cocaïne), où l'auteur dévoile les routes et la logistique associée au transport de la drogue et à l'acheminement des zones de production aux zones de consommation, pointant les plaques tournantes que constituent le Maroc, l'Espagne et les ports hollandais dans l'approvisionnement des consommateurs français.



On découvre (ou redécouvre) également les "avantages" pour se lancer dans ce genre de trafic : double-nationalité avec des pays maghrébins pour se soustraire à l'extradition, courts passages en prison pour étoffer son réseau, collaboration ponctuelle avec la police pour détourner la justice de son propre trafic...



Claire Andrieux consacre également plusieurs chapitres aux méthodes de blanchiment d'argent, l'envers du trafic qui, générant des montagnes de cash, doit permettre de réinjecter les gains sans éveiller les soupçons dans l'économie : courtiers, paradis fiscaux et gens du commun aux prises avec les impôts refont alors surface.



C'est cependant le volet complexe et méconnu de la pluralité des institutions luttant contre le trafic qui m'a le plus intéressée dans La guerre de l'ombre : on côtoie au fil des pages la PJ, la douane, la gendarmerie ; tous ont leur propre philosophie de la manière de lutter contre les trafiquants, et leur tolérance vis à vis des méthodes employées varie. Si le sujet n'était pas aussi critique, on s'amuserait de leurs prises de bec et des opérations capotées par un autre service : bureaucratie et amour du secret, quand tu nous tiens...



Le rôle de la justice et des magistrats traitant les affaires n'est pas oublié, et permet également de mieux comprendre la complexité de la lutte contre des avocats qui usent avec brio des garde-fous juridiques de l’État de droit pour arracher leurs clients criminels à leur sentence en appelant au vice de procédure : que c'est frustrant !



La conclusion, revenant sur les différents arguments pour ou contre la légalisation de la consommation de cannabis, semble mettre en revanche l'ensemble des acteurs d'accord sur quelques points : les effets du cannabis sont loin d'être bénins, en particulier sur les adolescents qui en consommeraient régulièrement, et les pays ayant légalisé sa consommation n'affichent pas de baisse de cette dernière, ni du trafic qui demeure vivace pour échapper aux taxes et restrictions légales...



Une lecture complète qui mériterait toutefois quelques schémas pour mieux comprendre les ramifications des institutions luttant contre le trafic ou les instances judiciaires qui leur sont associées...Mais c'est là pour moi un de ses seuls points faibles si l'on s'accroche suffisamment pour surmonter la complexité des chapitres de la deuxième partie.

Ce livre est le résultat d'un excellent travail journalistique et donne un panorama du trafic de cannabis et de cocaine en France au niveau de la chaine logistique allant du producteur, en passant par le grossiste jusqu'au semi-grossiste (celui en contact avec les réseaux de dealers), les techniques policieres pour coincer tout ce beau monde, les "indics", le mic-mac juridique et meme un peu la collaboration internationale tant du coté des trafiquants que des polices. Bref, de quoi mettre en évidence l'ampleur du probleme et sa disproportion avec les possibilités policieres et juridiques pour tenter de gerer. A considérer les résultats obtenus, il apparait que la lutte est d'autant plus inégale que la production continue de plus belle dans les deux pays principalement concernés - le Maroc pour le cannabis et la Colombie pour la cocaine - et que les principaux trafiquants ont une mobilité internationale et bénéficient d'une certaine immunité dans certains pays ou ils dépensent leur fortune.

Quelle claque ce livre !!!! On a l'impression d'être dans un bon polar, mais non c'est la vraie vie. Je connaissais comme beaucoup, un peu l'histoire de "Sonia" suite au divers documentaires, le film Novembre et autres, mais c'est en lisant le très bon livre de Matthieu Suc "vendredi 13" que j'ai eu l'idée de me procurer celui ci.

Je m'adresse à vous "Sonia" pour le commenter modestement.

Votre association avec l'auteur donne ce livre qui témoigne au plus profond ce que vous avez vécu en dénonçant la présence à Saint Denis d'un des acteurs majeurs des attentats de Paris. C'est un livre fort dont on ne sort pas indemne et forcément il interroge. Michel Sardou, a une chanson sur la dernière guerre mondiale qui s'intitule " qu'est ce que j'aurais fait moi". C'est la même question que je me suis posée en refermant ce livre.

Ce livre est plein de douloureuses émotions, mais on se surprend aussi à sourire et même à rire avec vous. Vous êtes assurément une personne peut commune.

Ce livre est de 2016 et désormais le volet judiciaire est passé, j'espère que pour vous et votre famille, les choses se sont améliorées et que vous êtes heureux dans vos nouvelles vies.

Vous dites n'avoir fait que votre devoir de citoyenne, permettez moi de vous dire que vous avez fait bien plus que ça.

MERCI "Sonia".