Un passionnant état des lieux du trafic de drogue en France (et en particulier du cannabis et de la cocaïne), où l'auteur dévoile les routes et la logistique associée au transport de la drogue et à l'acheminement des zones de production aux zones de consommation, pointant les plaques tournantes que constituent le Maroc, l'Espagne et les ports hollandais dans l'approvisionnement des consommateurs français.
On découvre (ou redécouvre) également les "avantages" pour se lancer dans ce genre de trafic : double-nationalité avec des pays maghrébins pour se soustraire à l'extradition, courts passages en prison pour étoffer son réseau, collaboration ponctuelle avec la police pour détourner la justice de son propre trafic...
Claire Andrieux consacre également plusieurs chapitres aux méthodes de blanchiment d'argent, l'envers du trafic qui, générant des montagnes de cash, doit permettre de réinjecter les gains sans éveiller les soupçons dans l'économie : courtiers, paradis fiscaux et gens du commun aux prises avec les impôts refont alors surface.
C'est cependant le volet complexe et méconnu de la pluralité des institutions luttant contre le trafic qui m'a le plus intéressée dans
La guerre de l'ombre : on côtoie au fil des pages la PJ, la douane, la gendarmerie ; tous ont leur propre philosophie de la manière de lutter contre les trafiquants, et leur tolérance vis à vis des méthodes employées varie. Si le sujet n'était pas aussi critique, on s'amuserait de leurs prises de bec et des opérations capotées par un autre service : bureaucratie et amour du secret, quand tu nous tiens...
Le rôle de la justice et des magistrats traitant les affaires n'est pas oublié, et permet également de mieux comprendre la complexité de la lutte contre des avocats qui usent avec brio des garde-fous juridiques de l'État de droit pour arracher leurs clients criminels à leur sentence en appelant au vice de procédure : que c'est frustrant !
La conclusion, revenant sur les différents arguments pour ou contre la légalisation de la consommation de cannabis, semble mettre en revanche l'ensemble des acteurs d'accord sur quelques points : les effets du cannabis sont loin d'être bénins, en particulier sur les adolescents qui en consommeraient régulièrement, et les pays ayant légalisé sa consommation n'affichent pas de baisse de cette dernière, ni du trafic qui demeure vivace pour échapper aux taxes et restrictions légales...
Une lecture complète qui mériterait toutefois quelques schémas pour mieux comprendre les ramifications des institutions luttant contre le trafic ou les instances judiciaires qui leur sont associées...Mais c'est là pour moi un de ses seuls points faibles si l'on s'accroche suffisamment pour surmonter la complexité des chapitres de la deuxième partie.