Citations de Claude Mossé (II) (49)
Avec la sagesse des petites gens qui n'ont que les fruits de la terre pour nourriture, ils voulaient espérer, sans trop y croire, que catholiques et huguenots, réconciliés dans la paix d'un dieu sans lequel il n'y avait pas de salut éternel, feraient l'effort de sécher définitivement le sang qui coulait depuis tant d'années dans toutes les provinces du royaume. Dans leurs têtes de laboureurs, il n'y avait place ni pour la haine ni pour le désespoir.
Il ne l'avait jamais regretté, son inclination pour les lettres anciennes et la poésie était née pendant les quatre années d'études passées à l'université de Montpellier, puis sur les bancs de celle de Bologne, les deux plus réputés de son temps.
(...), il arrive à de nombreuses gens d'avoir l'humeur maussade. Parfois sans raison. Je ne vous en veux pas et, je dois l'avouer, j'avais oublié jusqu'à votre existence. J'aurais pu vous croiser sans vous reconnaître.
Tu peux me confier ce que tu tiens enfermé dans ton coeur, je ne suis ni juge, ni inquisiteur, je suis poète. Et le doux oubli d'une compagne charmante m'a poussé vers Venise. Rien n'est durable ici-bas et s'il se présente quelques plaisirs, il faut se garder qu'ils se finissent en amertume. Et quoique je n'aie plus grand chose à donner, je t'offre mon amitié.
Laure portait une robe verte parsemée d'étoiles d'or et des fils d'argent étaient mêlés à son éclatante chevelure blonde. On la disait aussi pieuse que fidèle.
Dans le silence de la nuit avignonnaise, il avait le cerveau habité par des crêtes de collines couvertes de cèdres, d'ifs et d'oliviers, des vignes accrochés à de rudes falaises, des vallons gonflés de multiples espèces d'arbres fruitiers. (...)
Dans l'au-delà comme dans la vie, il demeurerait un pèlerin...un vagabond solitaire.
La chandelle consumée n'éclairait plus de sa lueur pâle les textes de Cicéron, Virgile et Sénèque. Empilés sur un tabouret, ils attendaient Francesco, convaincu que ces auteurs étaient à l'origine de l'intelligence humaine.
Les guerres, pour insupportables qu’elles soient, ne devraient se faire qu’entre professionnels. Une pratique des siècles passés, de nos jours négligée.
Plaire aux femmes, lui répétait Francesco, s'impose inévitablement, même aux hommes les plus graves. Nos ecclésiastiques prétendent ignorer ces usages, font mine de n'en avoir aucun souçi et reçoivent dans leur lit des beautés auxquelles ils s'appliquent à enseigner les pratiques de l'amour et le pouvoir que donnent la grâce et la beauté.
(...)
Francesco n'avait pas tenu rigueur à son frère de ses propos, il aurait aimé que celui-ci comprît qu'il s'adonnait à ces raffinements, sans doute excessifs, parce qu'amoureux de toutes les choses de la vie, il était terrorisé à l'idée de perdre sa jeunesse. S'il se regardait du matin au soir dans le miroir, c'était de peur d'y découvrir les sillons que l'âge ne peut éviter. S'il prêtait tant attention à sa chevelure, déjà marquée par la tonsure, c'était de crainte d'avoir le crâne entièrement dégarni. Et si, dans la journée, il gardait la tête couverte d'une capuche, il devait la retirer au moment de prouver que les désirs de la passion qu'il exprimait n'étaient pas que langage de poète.
Assise, pieds nus, frissonnante dans sa longue robe de bure, chevelure brune agitée par le vent du nord, Éloïse observait les embarcations luttant dans les tourbillons contre la force du courant. Éviter les naufrages fréquents dans cette courbe du Rhône n'était pas aisé, les nautoniers ne l'ignoraient pas.
"Lieux dangereux et chers, où de ses tendres armes
L'Amour a blessé tous mes sens,
Ecoutez mes derniers accents
Recevez mes dernières larmes..."
" Désormais, tu es un véritable huguenot. Soucieux de paix. Comme d'autres, l'esprit occupé par la haine religieuse. A trop vouloir aider son prochain, on naufrage souvent dans le déshonneur..."
- Où dois-je me rendre ? A quel seigneur, Votre Majesté, souhaite-t-elle m'offrir ? Quel qu'il soit j'obéirai. Quel que soit son âge, je l'épuiserai... Dans quel but ? Je connais votre grande indulgence, votre générosité envers ceux qui se sont repentis sincèrement de vous avoir trahie... Vous régnez, Madame, sur la France, mais aussi sur l'usage que je dois faire de mon cul.
Ses années d'études se perdaient dans ses souvenirs, le bonheur s'étaient souvent effacé pour laisser une place sans cesse plus importante à la mélancolie. Les poésies qu'il rédigeait ne calmaient plus ses angoisses. Son père avait exigé qu'il fît des études juridiques, alors qu'il ne rêvait que de littérature. Il s'était entêté et ne le regrettait pas. ici, à Padoue, il avait renoué avec l'insouciance de la vie étudiante.
Si tu veux vaincre les malheurs du temps présent, (...) lance toi sur les traces du passé. Retrouve sur les murs de la ville les inscriptions qui te diront la grandeur, la noblesse des temps lointains. Entretiens ta légende, soigne ton prestige. Pour remuer les coeurs, fais preuve de son savoir.
Blanchefleur de Flassans, quinze ans à peine, convoitée par de nombreux seigneurs aussi fortunés que vieillissants, portait sur elle la triste expression des femmes qui se savent dès leur plus jeune âge promises à un époux qu'elles n'ont pas choisi.
Quand on veut gagner une bataille, on ne perd pas de temps à spéculer, on agit.
Vos plus virulents adversaires affirment que vous avez cent idées par jour... Une seule devrait suffire... à la condition qu'elle soit bonne!
Dans leurs homélies les curés répétaient qu'en France le roi ne tarderait pas à rétablir toutes les lois que les prétendus patriotes avaient bafouées. Quant à ceux qui avaient pillé les biens de l'Église, les religieux, qui ne croyaient pas nécessairement à ce qu'ils affirmaient, leur promettaient l'enfer.
Pour les navigateurs inexpérimentés, franchir le fleuve tenait souvent d'une périlleuse aventure. Depuis des siècles, le pont sur le Rhône s'était effondré. L'Église, toujours prompte à mêler foi et légende, attribuait sa construction à un jeune berger ardéchois, Bénezet. Le Saint-Esprit lui aurait donné l'ordre de relier la rive droite, propriété royale, à la cité d'Avignon, terre pontificale, afin de soumettre les gens du roi de France à la volonté du pape. Il n'en restait que quatre arches, et les chevaliers hospitaliers avaient été désignés par les pontifes pour assister les voyageurs souhaitant passer d'une berge à l'autre. Il en coûtait quelques sols, que le légat du pape assurait distribuer aux lépreux de l'hospice Saint-Lazare. La population se taisait ; nul n'en doutait, il s'agissait d'un mensonge, les malades ne recevaient rien.