Une rose
Je sais ce que c’est, une rose qui meurt. Elle incline la
tête, elle perd ses couleurs.
Elle salue la lumière et s’évanouit lorsque tombe le soir.
Elle s’épanouit
à la lumière du mourir, puis s’ abandonne toute douceur.
Un premier pétale se détache
d’elle ; Il prend en toute saison la couleur de l’automne,
brève, brève dilection
au point de n’être plus qu’un effeuillement sur une tige
verte dont les épines
griffent en vain l’éphémère : c’est alors que l’on se doit
d’en aspirer le parfum
si fort
Le monde alors ne serait pas plus vrai que toi
songe l'homme aux longs yeux d'algue :
"attends moi dit- il à l'ange solitaire,
Femme , avec toi je referai l'univers.
Claudine Helft
Femme dont le cœur bat la tempête
Une Histoire
C'était l'histoire d'un homme
qui courait après son rêve
et d'une femme qui croyait
l'avoir trouvé au bord du lac
c'est aussi l'histoire d'un deuil
et d'une Lune trop pleine
qui s'était arrêtée au seuil
d'une porte hésitante
avant d'entrer avec son sac
de lumière par crainte
d'effacer l'aube trop belle
c'est l'histoire d'une femme
qui la nuit vivait la tête
dans les étoiles à travers
l'étreinte d'une lucarne
et celle d'un homme qui cherchait le ciel
à travers les hommes
sans parvenir jamais à le toucher
P 41
Automne
Solo de la branche rouge
l'automne
entre nous
et le ciel glissé des cieux
sur l'or froissé cles feuilles
la tombe éclatée dans le temps
l'odeur vierge de la terre assouvie
le lac
clos clans sa beauté
calme
aux reflets ambrés
et puis ce bonheur gris et clair
que seuls connaissent
les gens qui s'aiment
et les arbres qui pleurent ;
Dieu
sur nous
avec nous contre nous partout.
P47
Cendres et miel
Il m'est venu le goût
des fleurs et des hommes
comme des cendres et du miel
Il m'est venu le goût
de ce qui s'achève
et chante encore.
Parfois très tard dans la nuit…
Parfois très tard dans la nuit
je me mets à jouer. Que faut-il de plus à l’homme. Il
a besoin de si peu pour survivre
ici-bas, sans parler de mondes meilleurs,
qui l’attendent peut-être dans un avenir caché. Sûrement,
si peu. Mes mains exercées
glissent sur les touches et je joue. Oh, si
je savais jouer. Mais on peut ainsi. Je n’ai pas la jalousie de Saül.
Il faut si peu à l’homme pour retrouver la paix
nocturne cette nuit. Tu sembles presque sauvé, pour
vivre ici de même, dans ce printemps, dans cette sacrée bande du
commencement : Dieu
l’arbre, la pomme, Eve, le serpent.
//Nathan Zach (1930 -)
//Traduit de l’hébreu par Michel Eckhard et Benyamin Ziffer
Une dame
Elle ouvre un tiroir : Il en sort
des souvenirs et des morts. Il en sort des soupirs
à peine exhumés, quelques regrets, et de forts éclairs
qui illuminent le ciel et ses pensées.
Chez les morts Il est des maisons encore en fondation,
des rêves qui font comme un nuage bleu dans le tiroir,
des sourires et des yeux bien en vie,
au point qu’elle se demande si son présent tout entier
ne converge pas vers cette image au parfum d’été,
où se conjugue au futur le passé.
Sans même qu’elle le sache, Il y a cette larme
qui coule sur sa joue un peu usée, qui creuse aussi
le sillon de ses divines rides et tombe sur son menton,
on pourrait croire, comme un baiser.
Très loin à perte de vue…
Très loin à perte de vue
la vie bouillonne.
Tout le monde habillé de fête
les hommes et les femmes.
Et les fleurs d’amandier fleurissent
sur les cannes des hommes
Et une calme brise matinale
murmure aux yeux des femmes.
Et la mort n’a pas de vie
et la vie n’a pas de mort.
Une rue entière marche.
L’écho emporte la voix
et la voix emporte l’écho
L’éternel règne
Amir Gilboa (1984-1917)
Traduit de l’hébreu par Michel Eckhard et Benjamin Ziffer
Et les prospectus
Mal de la terre natale
qui nous colle à la peau
quand tombent les feuilles mortes de platane
quand se lève le mistral
quand passe un jet
Ile du nickel
profit des rapaces
mon pays pillé du Pacifique
mon peuple colonisé d’Océanie
qui s’éveille à nouveau
Et les prospectus ne parlent que de
sable chaud
soleils couchants
gens heureux
des mers du Sud
mais nous
les barbelés des réserves kanakes
nous griffent toujours
de jour et de nuit
au pays comme au loin
(Montpellier, octobre 1970)
Déwé Gorodey (1949 -)
Shabbat
Shabbat en nappe blanche, blanches les bougies
et l’enfant sage et ignorant. Une histoire d’amour
et de pardon sur l’étendue d’un ciel, où Dieu ne
répond pas ; tout grand amour est silencieux.
Dialogue de mémoires et rupture ; l’homme
raconte sa joie son infortune, Dieu l’écoute
Dieu l’aime et n’ a pas de solution ; Il éclaire.