La vérité, c’est qu’aussi bien couché qu’assis, la méditation m’emmerde prodigieusement ! Pire que ça, elle agit sur moi comme un instrument de torture.
Observer sans agir est un concept hors de ma portée. À force de disséquer mes respirations avec l’inflexibilité du contremaître, un véritable despote de la pensée s’érige dans mon cerveau. Et plus je cherche à dominer mon attention, plus le tyran domestique enfle. Il redouble d’effort pour réfréner, refouler et anéantir toutes ces vétilles qui surviennent continuellement. Sa tâche est cependant vouée à l’échec. Car, plus il entend contrôler, contraindre et régenter le flux de ma conscience, plus les pensées malicieuses et importunes se jouent de lui dans une forme de sabbat diabolique et pervers.
En l’espace de quelques semaines, toutes les missions des antennes de l’Agence, depuis l’accueil des chômeurs jusqu’au versement des allocations furent découpées, saucissonnées, passées à la moulinette des tableurs. Avec toujours cette obsession maladive d’exhumer des filons de productivité, comme s’il existait des vices cachés à tous les étages. Les virtuoses de la macro Excel décomposaient chaque tâche en unité d’œuvre mesurable, quantifiable, évaluable. En névropathes effrénés, ils passaient au tamis de leurs matrices toute l’activité afin de la modéliser. Marqueurs en main, ils tapissaient leur paper board de schémas amphigouriques et de logigrammes byzantins.