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Citations de Clovis Goux (41)


Surgis de nulle part, les Villageois affluaient vers une large bâtisse beige aux façades aveugles, le Hollywood Mall, comme si c'était jour de marché en France, dans une petite ville de Provence. Les voiturettes de toutes les couleurs prenaient d'assaut les places de parking et les seniors se retrouvaient sous les palmiers pour former des groupes qui papotaient. Les hommes portaient des casquettes ou des panamas, des polos ou des chemisettes colorées, des bermudas kaki et des Birkenstock, les femmes des visières, des marcels ou des T-shirts pastel sur des joggings ou des leggings, des sandalettes ou des Crocs. Tous avaient des cheveux blancs parfaitement coiffés et des lunettes de soleil. Des couples de vieux sortaient du mall en poussant des caddies remplis de fournitures, ils saluaient leurs connaissances au passage et formaient bientôt de nouveaux groupes au hasard de leurs rencontres pour commenter les bonnes affaires qu’ils venaient de réaliser, les prévisions météo ou les derniers potins des Villages. On prenait rendez-vous pour un barbecue, un concert virtuel des Beach Boys ou une partie de padel. On s’informait de la bonne santé de chacun, les sourires étincelaient, les rires fusaient et l’on s’étreignait de généreux hugs à tout bout de champ. De ce joyeux ensemble émanait le sentiment d’une communauté soudée, d’une utopie accomplie, d’un monde nouveau. Je consultai le plan du Hollywood Mall dessiné par mon père afin de me diriger sur le parking. p. 108-109
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La mélancolie est un baiser mortel, qui se pose sur nos lèvres durant un moment d'égarement, un poison vicieux dont on ne guérit pas, une maladie qui nous ronge à petit feu, un démon qui nous dévore jusqu'à ce qu'on lui livre son dernier souffle.
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En arpentant le Hollywood Boulevard qui filait à travers la ville telle une flèche, le paysage s’offrant à moi le long du trottoir de béton (dépourvu des étoiles de son homologue angelino) était d’une uniformité typique des Villages-Unis : les villas pastel d’un ou deux étages, les garages, les voiturettes de golf stationnées dans les allées, les buissons, les plantes grasses, les pelouses et les haies taillées au cordeau sous une infinité de cocotiers formaient un décor tropical et mutique. Y avait-il une vie derrière cette monotonie de façade ? Les Villageois se terraient-ils dans leurs habitations, fuyant le mauvais temps comme les vampires la lumière du jour ?
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"Il avait demandé à Yéhiel pourquoi il n'avait pas inscrit son nom au dessus du titre. Sans se détourner de sa tâche, le rescapé avait répliqué : "Ce n'est pas moi qui écris ce livre, ce sont les morts. Ils s'appellent Ka-Tznetnik et ils portent ce numéro." Alors Yéhiel avait remonté la manche gauche de son pyjama pour découvrir l'avant-bras sur lequel était tatoué à l'encre bleue : 135633."
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Au coucher du soleil, Alejandro sortit de l’autoroute pour s’engager sur une voie secondaire qui nous mena, en longeant d’infranchissables grilles dissimulées dans les fourrés, à l’entrée du « Village Vert » (sans doute un hommage aux Kinks, les boomers étant d’inconditionnels fans de rock) où un vigile sexagénaire dans une guérite (les seniors qui n’avaient pas assez cotisé pouvaient quand même accéder au paradis en acceptant d’y travailler) demanda une carte d’accès à mon sinistre chauffeur.
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Les rescapés formaient dans cette nouvelle nation en marche dont se réclamait Eli un angle mort, une communauté obscure unie par le silence qui plane après l’abattage. Personne ne voulait écouter ce qu’ils avaient à dire. Personne ne voulait voir ce qu’ils avaient vu. Personne n’avait prévu qu’ils survivraient.
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Comme John Wilkes Booth, comme le premier de cette longue lignée d'assassins américains, John, veut entrer dans la légende en perpétuant cette tradition séculaire qui veut qu'un citoyen ordinaire change le cours de l'Histoire, prenne possession de son destin et de celui de la nation, en abattant le plus illustre d'entre eux. Alors son visage ne sera plus une masse informe, alors son nom sera à la une des magazines, alors son aura hantera les journaux télévisés. Alors, il ne sera plus un inconnu pour Jodie Foster. Pour cela, il lui suffit d'appuyer sur la détente, de tuer un Président, n'importe lequel.
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"Mais la monotonie inhérente aux tournées est un poison insidieux qui gangrène le baume de la gloire. Chaque journée est similaire : tourbus ou avion, déjeuner, balance, loge, concert, repas, hôtel et ainsi de suite, les villes anonymes qu'on visite en dix minute se succèdent et se ressemblent toutes. Un diner sur Main Street, un magasin de souvenirs, une église, la nouvelle salle de concert est la même que celle de la veille et les ombres qui l'envahissent à l'heure du show applaudiront aux moments voulus. "Hello Phoenix!", "Hello Denver!", "Hello Memphis!", "Hello Atlanta!", "Hello Portland!", "Hello Minneapolis!", "Hello Springfield!"...Après le rush du concert, il y a toujours la descente, les autographes, les fans pour vous prendre en photo, un restaurant où l'on picore après le spectacle. [...] On rentre dans une chambre d'hôtel vide, l'air conditionné, y est toujours trop chaud ou trop froid, le lit "king size" est recouvert d'une couverture à fleurs en polyester, il y a une litho de sous-bois avec des biches, une télé allumée, un mini-bar, une boîte de somnifères. Le réveil sonne à 6 heures alors qu'on allait s'endormir. Un bol de céréales, une tasse de café, le bus qui vous attend, le paysage qui défile : des vendeurs de voitures, des stations essences, des vendeurs de voitures, des stations essences, des champs. L'arrivée dans une nouvelle ville avec cette impression étrange de faire du surplace au milieu de nulle part." (p.54-55)
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"L'anorexie devient une maladie publique, les articles se mulitplient et l'on parle bientôt d'un véritable phénomène social : à en croire les médias on assisterait à travers tous les Etats-Unis à une véritable épidémie d'anorexie chez les adolescentes, toujours à deux doigts de se faire vomir après avoir feuilleté un numéro de Vogue. En 1978, Hilde BRUCH publie ce qui deviendra son classique, The Golden Cage : the Enigma of Anorexia Nervosa, basé sur le témoignage de ses patientes. Interrogée par la magazine People, elle déclare alors : "Durant les années 1959, il était acceptable d'être une gentille fille bien conciliante. Si elle était suffisamment brillante et issue d'une classe supérieure, elle était supposée aller à la fac, faire la rencontre d'un brave gars issu de Harvard et se ranger. Maintenant la même fille va à la fac pour écrire une thèse et obtenir un poste à Washington. Les filles à l'esprit conformistes se sentent obligées de faire des choses qui demandent un grand degré d'indépendance pour être respectées et reconnues. Quand elles sont coincées, la seule indépendance qu'elles pensent avoir est de contrôler leur corps. Je suis convaincue que cette maladie est liée au mouvement des femmes, parce que c'est ce que les filles veulent : montrer qu'elles sont spéciales." ( p.87-88)
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"L'anorexia nervosa, c'est cette maladie vénéneuse qui se déploie dans votre esprit à mesure qu'elle se nourrit de votre corps, cette fleur du mal qu'on chérit comme la plus addictive des drogues. Votre meilleure amie, la seule qui vous mènera bien à destination : au fond du gouffre. Karen, pas plus qu'une autre, n'est pas née anorexique. Une graine s'est déposée dans son esprit et s'est mise à germer. L'idée est devenue obsession et l'adolescente boulotte s'est progressivement transformée en squelette vidant ses viscères dans la cuvette des toilettes avec la régularité d'un coucou suisse. Karen est devenue lentement et sûrement cette conscience dure, indestructible, qui pense maîtriser son destin en contrôlant ses intestins, cette énergie folle qui implose, s'éteint, jusqu'à n'être plus rien, juste une voix, un souffle, une essence qui n'a plus qu'un seul but : atteindre le nirvana en taille fillette, silhouette Auschwitz." (p.73-74)
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Extrait p. 102 :
« Pour ses grandes sœurs, Didier était toujours resté une énigme, un petit frère introverti, en colère contre ses parents, contre leur morale, contre leur discipline, un adolescent mutique en société, un adulte résigné face à la place qu'on lui avait assignée, un homme verrouillé par la fatalité, écrasé par la banalité de la vie, par notre impuissance à changer l'ordre des choses, à rendre le monde un peu moins laid. Un soir, alors que l'on se promenait rue de Rivoli pendant les fêtes de fin d'année au milieu des Parisiens pleins de sacs à la main, sous les illuminations, face aux vitrines décorées, il murmura : « Quelle tristesse », avant de m'entraîner loin de là. »
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Les yeux de Yehiel sont ceux d’un homme qui a vu le néant sans s’être transformé en statue de sel
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"Les Carpenters sont au sommet. Richard réfléchit à la tournée à venir et au futur du groupe. Karen a l'aura d'une star et une star doit être mise en valeur, sublimée. Elle est pour lui la voix des Carpenters, et doit en être également l'image, abandonner la batterie derrière laquelle elle se cache depuis leurs débuts et franchir le cercle lumineux sur le devant de la scène. Ces quelques pas sont décisifs, mais Karen ne se sent pas prête, préférant pour l'instant rester en retrait avec les autres musiciens. Richard insiste. Elle cède et propose un compromis : chanter les chansons d'amour en front line, face au public, remplacée par un second batteur, et retrouver son instrument pour les morceaux les plus rythmés.


Alors qu'elle s'approche du cercle Karen a le pressentiment qu'il s'agit d'un piège, qu'elle va s'y consumer. Elle accomplit néanmoins son destin en franchissant cette frontière qui la sépare d'un nouveau monde, mystérieux et dangereux, celui des hautes solitudes, celui du star-system. Elle laisse dans l'ombre ses manières de petite fille, ses tee-shirts, ses jeans et sa batterie pour adopter les atours d'une étoile : robes longues haute couture, coiffures impeccables, maquillage sobre et élégant. Karen scintille désormais au centre des attentions. Elle est cet éclat vers lequel les regards convergent. Elle se doit d'être parfaite, car elle incarne aux yeux du public cette image idéale d'une jeunesse wasp, propre, travailleuse et respectueuse des traditions, qui redresse fièrement la tête après avoir été trainée dans la boue par les hippies. Les Carpenters, nouveaux croisés de l'Amérique blanche, repartent en tournée, enchaînent date sur date, reproduisant chaque soir à l'identique, pour un public conquis d'avance, les chansons qui ont fait leurs succès." (p. 55 - 56)
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"Tout au long de la saison, les Carpenters ressemblent à deux enfants séquestrés sur un plateau télé. Courant mécaniquement derrière les paroles de leurs chansons en play-back, Richard ressemble à un bloc de béton atteint de la maladie de Parkinson, tandis que Karen, traquée par les caméras, s'est réfugiée derrière ses fûts avec une frange qui lui dévore la moitié du visage. En essayant de traverser la lucarne, les Carpenters sont restés coincés dans le cadre." (p.92)
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"Ces dîners sont pour Karen de véritables séances de tortures au cours desquelles elle doit élaborer des tactiques dignes d'un stratège militaire pour ne rien avaler sans éveiller les soupçons, dévier les regards obliques de son territoire, son assiette, désormais maîtresse d'un art de la feinte édictée par les dieux de la diète. Installés dans un box circulaire typique des restaurants de L.A. Karen parcourt le menu à la lumière d'une bougie. Elle fait semblant d'être indécise, hésite pour le moment entre une Cesar Salad et des crevettes. Personne n'en a commandé et elle pourra ainsi les proposer à la ronde. Les rescapées sont soigneusement éparpillées sur les bords de l'assiette et sous la garniture. Tout en jacassant à la volée, les couverts de Karen sont toujours en mouvements pour hypnotiser les convives entre deux grands verres d'eau glacée. Procéder de même pour le dessert. Le ventre reste vide et l'affaire est dans le sac : le peu ingurgité sera éliminé par le Dr Dulcolax au moment d'aller se repoudrer le nez." (p.77-78)
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"Karen ne suivra les conseils d'aucun médecin, s'administrant quotidiennement et consciencieusement une dose massive de pilules. Elle élimine tout ennemi de son corps, vide son frigo, s'achète une nouvelle garde-robe stricte et sexy et commence à se dissoudre pour pouvoir l'enfiler. Sa famille et ses proches la complimentent pour sa nouvelle allure sans s'étonner de son manque d'appétit. Ses joues se creusent, Karen étincelle. Son corps se transforme progressivement en une machine : elle n'est plus réglée, perd ses cheveux, ses muscles fondent, sa tension artérielle chute, elle se décalcifie. Une machine qu'elle contrôle et qui tourne à vide, un simple tuyau qu'elle se doit de vidanger indéfiniment. En maîtrisant son corps, elle affirme son pouvoir sur le monde tout en se donnant l'illusion d'asservir son propre destin. L'anorexie sera son arme pour défier Dieu." (p.76)
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"Nixon doit nénmoins rester en contact avec une certaine jeunesse qui incarnerait les valeurs traditionnelles qu'il défend. Ses conseillers attirent son attention sur Karen et Richard Carpenter qui viennent de remporter un Grammy Award et dominent alors les charts avec l'album Carpenters, dont le slogan de promotion lancé par A&M a tout d'un slogan politique : "bringing back the three H's : hope, happiness, harmony". Les hommes de Nixon ne sont pas les premiers à faire la connexion entre le président et les Carpenters. Dans les colonnes du Chicago Tribune, la journaliste Lynn Van Matre qui va jusqu'à parler à leur propos de "Nixon Music", considère Karen et Richard comme les héros de la majorité silencieuse érigés face aux hordes de hippies défoncés et compare leurs albums à des marchandises aseptisées destinées à rassurer l'Amérique au moment où la Californie subit une invasion de bardes héroïnomanes." (p.67-68)
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"En 1972, pourtant, nul besoin de supprimer les femmes pour les transformer en esclaves. Elles s'en chargent très bien toutes seules en se gavant de pilules du matin au soir. Une nation de zombies est en marche vers le centre commercial". (p.65)
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"Si les hippies ont gravi les collines de San Francisco sous acide à la fin des sixties avant de plonger aussi sec sous héroïne durant la décennie suivante, "la middle class" américaine a géré l'anxiété d'une vie à crédit en se gavant de drogues légales. Commercialisé en 1963 par les laboratoires Hoffman-La Roche, le Valium ("être fort et sain" en latin) est un anxiolytique destiné aux classes moyennes et plus précisément aux femmes de plus de trente ans qui flippent. Onze ans plus tard, 59,3 millions d'ordonnances de Valium ont été prescrites par des médecins, le Valium représentant alors 81% du marché des tranquillisants aux Etats-Unis". (p.62)
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"En gardant ses distances avec une grâce infinie Karen est parvenue à faire de "Superstar" un joyau tétanisant et mystérieux. Un chef-d'œuvre dont l'équilibre parfait naît d'une alchimie entre deux forces opposées : la pudeur du chant et l'impudeur du propos. Bernadette Soubirou chantant "Satisfaction". Comme toutes les grandes chansons des Carpenter, elle touche au trouble qui unit Richard et Karen, à un inceste jamais consommé mais toujours latent." (p.55)
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