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Critiques de Corine Pelluchon (40)
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Les lumières à l'âge du vivant

Je remercie grandement l'équipe du Seuil et Babelio pour cet envoi.

De manière détaillée, l'autrice expose en six chapitres ce que devraient être, selon elle, les Lumières (celles dont la genèse se situe en particulier au XVIIIème siècle) de notre époque.

Elle dessine un nouvel humanisme, déjouant les pièges des extrémismes, du nationalisme identitaire et du libéralisme matérialiste.

Elle se méfie de la raison utilisée pour dominer les autres être parfois au prix de l'horreur.

Elle prône une société libérée, considérant les autres et la nature sans chercher à les écraser, dans le respect de tous.

Ce livre est rempli d'espérance dans la possibilité pour l'être humain de changer sans contrainte et surtout sans violence.

J'ai éprouvé des difficultés à la lecture de certains paragraphes, nécessitant un dictionnaire pour comprendre certains termes (phénoménologie, schème par exemple - quoique ce dernier mot est bien expliqué dans l'ouvrage de Corinne Pelluchon) cités à maintes reprises, n'ayant pas étudié la philosophie au-delà d'un bac littéraire et n'ayant pas lu la plupart des nombreuses sources sur lesquelles l'autrice s'est appuyée pour écrire son essai.

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L'espérance, ou la traversée de l'impossible

Je suis (verbe suivre), m’intéresse à Corine Pelluchon depuis plusieurs années maintenant. J'apprécie particulièrement sa pensée autour des animaux et de notre rapport aux autres. J'ai lu environ 85 / 90% de son oeuvre. Dans cet ouvrage, assez bref, aisé à lire et pédagogique, elle nous propose une réflexion sur l'espérance en lien avec toutes les sources de désespérance de notre monde contemporain et avec toutes les inquiétudes de notre temps. Une réflexion intelligente et constructive pour prendre du recul sur la période présente.

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Éthique de la considération

Voilà un livre important et consistant, un livre qui trace un chemin dans la complexité du monde actuel, sans déni, ni désespoir.

Nous accumulons les sujets d'inquiétude: les conditions du vivant se détériorent, les nationalismes sont chaque jour plus forts, et les guerres menacent ce qui nous reste d'équilibre.

Face à cela, Corine Pelluchon propose une éthique de la considération. La notion de considération est issue des écrits de Bernard de Clairvaux (12e s.), mais elle est profondément transformée par l'auteure.

Considérer c'est observer avec attention, comme l'on observerait le ciel étoilé. La considération consiste à s'observer soi, les autres humains et le monde. En nous observant, nous reconnaissons notre vulnérabilité et notre interdépendance, et la juste mesure de notre autonomie. La considération part d'une forme d'humilité. Dès lors, nous pouvons rejeter notre rapport dominateur sur les autres humains et les non-humains. L'autre n'est pas une ressource à exploiter. La considération établit des rapports respectueux envers nous-même, les autres et le monde. A partir de là Corine Pelluchon construit un rapport au monde qui passe par une transformation de soi sans norme imposée. Elle propose de nous penser comme partie d'un monde commun, non seulement ici et maintenant, mais aussi au-delà de notre propre fin. Elle ouvre des pistes sur la façon de réaliser ce monde commun à partir de communautés de taille réduite fonctionnant sur les principes de convivance élaborés par Robert Maggiori. Au fil de cette démarche très riche, l'éthique de la considération est positionnée par rapport aux éthiques de plusieurs philosophes à travers l'histoire: Aristote, les stoïciens, Descartes, Spinoza, Lévinas, Ricoeur, les philosophes du care, parmi d'autres.

Mais l'important est que l'auteure parle aux hommes et femmes qui ont le courage de regarder notre situation en face. Elle inspire une ligne de conduite que chacun peut s'approprier à sa façon. Et son livre reste bien lisible malgré sa richesse. Si la philosophie doit nous aider à vivre, ce livre y contribue sans aucun doute.

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Manifeste animaliste

Une fois de plus, tout est dit, argumenté, prouvé, d'un point de vue philosophique, éthique, biologique... Et toujours aussi peu de réactions politiques. Toujours ces lobbies qui défendent les profits des entreprises qui bénéficient outrageusement de la maltraitance animale. Quel homme politique prendra enfin les mesures qui s'imposent ? Aucun n'a assez d'audace pour s'engager. Où est le Lincoln de la cause animalière ?

Et il faut toujours et toujours expliquer en quoi nous sommes liés au vivant, ce qui nous oblige à un respect des animaux non-humains. de quel droit torturons-nous ainsi les animaux ? Pour le bénéfice de qui ?

C'est pourquoi le livre de Corine Pelluchon est essentiel pour comprendre et changer de mentalité. Pour un monde meilleur.

J'en ai assez de me sentir responsable de toutes ces atrocités, de par mon appartenance à l'humanité. J'ai honte de faire partie de la communauté humaine ! Quand comprendrons-nous que ce n'est pas normal de martyriser un être vivant sous le prétexte qu'il n'est pas humain ? Que ce soit pour manger (abattoirs), pour le plaisir (corrida, chasse), pour notre bien-être (cosmétique), pour se vêtir (fourrures)... La liste est longue.

Je déplore que si peu de gens se sentent impliqués. Si vous vous sentez concerné(e)s, lisez ce livre !
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Les nourritures : Philosophie du corps poli..

« Nourritures » est le titre paradigmatique d'une philosophie de l'écologie en profondeur. Celle-ci remonte en effet à notre relation existentielle au monde, qui est « vivre de ».

Corine Pelluchon tente explicitement de dépasser la philosophie dite « Ecologie profonde » (Deep Ecology) initiée dans les années 70-80 par le philosophe norvégien Arne Naess, notamment à travers son livre « Ecologie, communauté et style de vie »



Hicham-Stéphane Afeissa, traducteur du livre de Arne Naess estimait que cette philosophie était restée « lettre-morte ». Luc Ferry, dans un style kantien jusqu'au-boutiste, se déclarait horrifié et criait au fascisme. Corinne Pelluchon, également d'obédience kantienne mais pas seulement, reste en froid avec « l'écologie profonde », mais en tentant une approche originale.



Ces deux lectures de notre relation au monde ont non seulement pour vocation à se traduire sur le plan politique mais aussi sur le plan individuel de façon tout à fait originales. Signalons en effet que Corine Pelluchon fait le lien de sa phénoménologie des nourritures vers les questions spécifiques de l'anorexie et de la boulimie, et que Arne Naess faisait le lien vers le plan individuel par l'approche connue sous le nom de « gestalt-thérapie ».



Les deux approches, la phénoménologie et la théorie de « Gestalt », ont l'objectif de décrire l'expérience vécue. La première, suivie par l'auteure, a prioritairement une prétention scientifique, marquée par Edmond Husserl, et même si l'auteure s'en écarte et la radicalise, elle conserve néanmoins l'objectif de trouver des faits « universalisables ». La seconde, suivie par Arne Naess, a prioritairement une dimension subjective à laquelle l'auteur donne une portée philosophique.



La première approche, phénoménologique, permet à l'auteure de passer d'une compréhension d'éléments structurant nos existences à une réflexion sur les institutions politiques et une théorie de la justice. Cette première approche développe en priorité la dimension nationale et secondairement les dimensions locales et cosmopolites. La seconde approche, suivie par Arne Naess, propose aux activistes une méthodologie, afin d'être plus pertinents dans leur relation avec les politiques et les économistes. Cette seconde approche développe en priorité une dimension locale et sans frontières.



Pour comprendre comment fonctionnent ces deux approches complémentaires, il faut rappeler que l'auteure s'intéresse prioritairement à la vie rurale et aux espèces domestiquées alors que Arne Naess s'intéresse prioritairement à la vie sauvage et à sa biodiversité. Corine Pelluchon considère d'abord la condition des animaux selon notre relation à eux (anthropocentrisme), alors que le philosophe norvégien évoquait « une égalité biosphérique de principe ». Corine Pelluchon cherche prioritairement à détacher des catégories animales, supposées homogènes, pour régler leurs conditions par la justice, alors que Arne Naess reconnaît a priori que les personnes affectées par des situations affectant la biosphère, peuvent se saisir elles-mêmes du problème, en bonne intelligence.



Pourquoi faut-il d'ailleurs déployer tant de trésors de la pensée pour venir à bout des enjeux écologiques ? Après tout, cette perception des enjeux ne fait que manifester notre empathie animale, celle-là même que l'éthologie met en évidence, et que nous pouvons sentir sans qu'il y ait besoin d'en faire un objet intentionnel de la conscience, ou de faire la part exacte entre le cognitif et le pathique. Cette empathie animale, qui est originaire dans la phénoménologie des nourritures, rappelle aussi le processus d'identification qui se trouve au coeur de l'écologie profonde chez Arne Naess.



Les trésors de la pensée mobilisés autour de l'écologie, sont précisément ceux qui ont permis de développer de tels niveaux d'abstraction, qu'il n'y a plus de rapport immédiat, par exemple, entre un certain steak haché dans notre assiette et certaines pratiques d'élevage et d'abattage en périphérie des villes, de même entre le pot de pâte à tartiner d'une certaine marque et les forêts de Bornéo abattues pour produire l'huile de palme.



Deep ecology or shallow ecology, that is the question. Par nature, la question de la profondeur est une question de degré, mais c'est à chacun d'en faire l'expérience. Il y a tant de possibilités, comme celle qui permet de trouver une alimentation savoureuse qui ne soit pas nécessairement carnée, ou plus généralement une alimentation savoureuse et responsable.



Penser écologique, pour l'auteure comme pour Arne Naess, c'est penser joyeusement. Il n'y a pas de rupture, entre le goût et plus largement la jouissance de la vie, et l'éthique. « Vivre de » la nourriture produite par les autres c'est engager sa responsabilité avec les autres au sens large, des animaux d'élevage jusqu'à ceux qui, à leur tour, vivent de ce travail, même lorsqu'on ne les rencontre pas en chair et en os. Depuis sa naissance, « L'intersubjectivité et, même, le lien intergénérationnel sont inscrits au coeur du cogito engendré, en son sein, dans sa chair ». le nouveau-né témoigne de la générosité de la nature en gloutonnant au sein de sa mère. C'est encore cet élargissement de Soi que Arne Naess visait par la norme primordiale « Réalisation de Soi !». (Une personne est un noeud relationnel)



Il y a un rapport à la vie, qui permet ou pas, de dépasser toutes les formes d'« obsession du pouvoir », qui sont impliquées dans les formes variées des philosophies de la liberté. L'auteure pousse la démonstration avec la philosophie de Martin Heidegger, avec lequel on éprouve le sentiment d'être jeté dans un monde hostile où la peur et l'envie domine (sentiment de déréliction). Elle évoque également l'expérience décevante de la vie devant un en-soi-des-choses inatteignable, qui est l'expérience du monde kantien. Corine Pelluchon éprouve sans doute une tendresse très particulière à l'égard de Kant, pour ne pas évoquer également son horreur du « goût barbare », son dégoût devant une mère qui berce son enfant, ou devant des « gens du commun qui jouent avec leurs enfants comme avec des singes », son dégoût lorsqu' « ils chantent devant eux, les pressent sur leur coeur, les embrassent et dansent avec eux. », etc…Pas étonnant que certains, comme Nietzsche, aient senti dans l'impératif catégorique, au fond du kantisme, « un relent de cruauté » .



Il est peut-être pragmatique de ne pas creuser au fond des croyances qui poussent ces philosophes à répéter la même chanson « Je ne suis pas un animal », mais plutôt de diversifier les expériences qui permettront de regénérer ces croyances.



Songeons à la souffrance des animaux dans les conditions de l'élevage industriel et dans certaines traditions également cruelles. Songeons maintenant à « l'enfouissement de la pitié », que ces pratiques impliquent, la réification (chosification) du vivant, et ses conséquences à la longue sur les rapports humains.

Il est clair que le végétarisme est la seule philosophie qui permet de modifier radicalement cette expérience. Il est clair aussi que beaucoup (comme Kant) se déclarent opposés à la cruauté contre les animaux sans que ça change quoi que ce soit, notamment parce que ces pratiques cruelles sont abstraites par la distance qui les sépare des êtres en chair et en os.

L'activisme pour le droit des animaux est, pour l'auteure de ce livre, une alternative concrète. Elle s'inspire en particulier du livre « Zoopolis, une théorie politique du droit des animaux », avec l'idée de droits des animaux différenciés selon nos relations différenciées avec eux, prenant en compte notamment la vulnérabilité des animaux domestiqués.

Néanmoins, ce livre n'insiste pas assez sur le fait qu'on ne peut parler de droit universel que si les conditions d'accès à ce droit sont universelles. On n'y parle pas non plus de certains effets indésirables comme celui de créer une zone de confort pour les industriels jusqu'à la limite du droit, en contradiction avec d'autres formes d'activisme. La nouvelle situation pourrait même encourager les acteurs de la filière à se concentrer précisément sur la frontière du droit, pour rester compétitifs, tant que l'alimentation reste une marchandise comme une autre.



L'auteure souligne assez les aberrations de la marchandisation de la nourriture, jusqu'à provoquer la faim dans le monde, ou la faillite des agriculteurs, alors que le monde entier produit assez de nourriture pour tout le monde. Sa réflexion écologique est intéressante dans sa dimension micro-économique, notamment avec Amartya Sen, mais évidemment trop courte au regard des problèmes posés. D'autre part, l'auteure expose clairement les raisons de croire avec John Locke à « l'autonomie sans le gaspillage et l'expropriation » mais sa fameuse clause, qui légitimise tous les appétits tant que chacun a sa part du gâteau, sème le doute. En effet, toutes les expressions de ces appétits sont dotées par avance d'une justesse intrinsèque, par un droit de nature, qui n'a d'ailleurs aucune considération pour la nature. Même un pragmatiste américain comme John Dewey est moins tendre que l'auteure à ce propos.



L'auteure connaît l'art de la composition qu'est la politique, mais elle expose aussi clairement les limites des philosophies de la liberté qui conduisent à définir le problème politique « exclusivement par le souci de rendre possible la coexistence pacifique des libertés individuelles », et « qui privilégient les droits formels et conduisent à une théorie de la justice distributive ». Au contraire une philosophie de la corporéité, est « susceptible de faire entrer la nature, les animaux et les générations futures dans le contrat social. »



L'expression d'une « philosophie du corps politique » n'a cependant aucun rapport avec le corps vivant, car le contrat social est un pur artifice, bien compris par l'auteure en suivant Hobbes, puis Locke qui le conçoit sur le mode du consentement. Avec Rousseau, l'auteure reprend deux aspects de son contrat social que je trouve embarrassants. le premier est le fait que l'artifice confère aussi à un peuple son identité, ce qui forme le creuset des « politiques de puissance » nationales. le second embarras est l'aspect totalisant d'une proposition comme celle-ci : « Que les hommes fussent avant les lois ce qu'ils doivent devenir par elles ». Je passe sur les mythes de l'Aufklärung, autour de l'arrachement de l'homme à l'état de nature, dont l'auteure a déjà signalé « la pauvreté ontologique ».



Ces fictions sur l'état de nature sont précisément ce que l'auteure cherche à remplacer par une anthropologie quasi-scientifique représentée par des « existentiaux » universalisables mis en évidence par son approche phénoménologique. Mais c'est dans le but de poursuivre encore plus résolument le constructivisme institutionnel. Rétrospectivement, nous constatons que nous évoluons dans un monde presque entièrement construit, à l'image des paysages façonnés de la campagne que l'auteure affectionne, mais qui parfois, ne laissent plus d'espace entre les parcelles privées, les fossés et la route trop fréquentée. Ces lieux sont transformés en non-lieux. En tous les cas, ni les vieilles références philosophiques qui précèdent, ni la perspective constructiviste, n'éveillent en moi d'enthousiasme. Elles évoquent « l'ère des systèmes » pour reprendre des termes de l'auteure, plutôt que la diversité et la générosité des corps vivants.



La phénoménologie des nourritures de Corine Pelluchon nous prépare à davantage de surprises. « Car, pour être heureux d'exister, il faut pouvoir rencontrer ce que l'on n'attendait pas, au-delà des possibles envisageables. C'est ce que Henri Maldiney nomme la « transpassibilité », structure fondamentale de l'existence qui implique non seulement la possibilité de la surprise, au-delà de ce qui est attendu et même recherché, mais aussi la capacité à être ému, c'est-à-dire touché à la fois par ses sens et en plein coeur, avant de se représenter quoi que ce soit ou de prendre la moindre décision. ».



L'auteure invite à explorer quelques voies comme celle de Dominique Bourg « Pour une 6e République écologique » et notamment l'hypothèse d'une 3ième chambre pour traiter les problèmes qui ne relèvent pas de la représentativité habituelle à l'Assemblée et au Sénat, à savoir la subjectivité animale et les questions écologiques à long terme. En revanche Corine Pelluchon n'entend pas « laisser la doxa s'emparer des sujets de bioéthique », ce qui ne me convient pas car ce sont des sujets passionnants. L'auteure de ce livre n'ignore pas la tendance active de notre société vers la démocratie délibérative, mais si elle ignore les « les ruminations du sens commun » (Isabelle Stengers), je crois qu'il ne resterait de toute cette théorie politique, que la domestication à travers les institutions, « des communautés de destin » nationale, selon les termes de l'auteure. du moins, si ces communautés suivent le destin des animaux domestiques, alors leurs membres pourront toujours théoriquement réclamer la pitié, au nom du droit à la pitié due aux êtres vulnérables.



Sérieusement, si l'auteure tweet et retweet, c'est bien pour laisser la « doxa » s'emparer des sujets bioéthiques. Pourquoi le contrat social, qui n'est qu'une forme d'activisme, ne pourrait plus, tout à coup, coexister et se renouveler auprès d'autres formes d'activisme, notamment celles que l'auteure appelle des « contrats ponctuels » ? L'auteure exprime un malaise tout le long de ce livre vis-à-vis de situations jugées anarchiques ou libertaires. Alors, pour tenter de dissiper le malaise, je fais la proposition suivante : prenons les votes blancs, et proposons aux volontaires un « contrat ponctuel » (un bon contrat), pour intervenir dans les processus de décisions à tous les niveaux de l'état, selon les aspirations des candidats. Ceux-ci sont tirés au sort, pour répondre aux besoins dans chaque instance de décision de l'état, dans l'exacte proportion des résultats des votes blancs. Par exemple, 50% de votes blancs, signifie dans chaque instance de décision de l'état, 50% d'élus des partis et 50% de candidats sélectionnés par ce nouveau dispositif.



Pour finir avec les contrats, on comprendra aussi la grandiloquence du contrat social dépouillant l'homme de son animalité, par contraste avec la brève définition de Kant du mariage : « Un contrat entre deux adultes de sexes opposés concernant l'usage mutuel de leurs organes sexuels »...



La dernière partie du livre, « au-delà des frontières nationales », donne encore une tribune au kantisme, pour vendre sa solution passe-partout de l'arrachement à l'état sauvage de nature. Il suffit de choisir une situation hyper stressante, pour presser à adopter le constructivisme kantien. Cette fois l'auteure adopte entièrement le subterfuge en invoquant la menace nucléaire, sans doute parce que les enjeux globaux évoqués jusque-là ne lui paraissent pas assez marquants…la faim, les inégalités, le réchauffement climatique. Au fond, on connaît déjà la chanson : « l'homme est un loup pour l'homme », il faudrait donc faire du loup un chien domestique, et pour ça, montrer d'abord comment il est hargneux en cage. Mais laissons le loup dans son milieu naturel, et on n'entendra jamais parler de lui, sauf par les amoureux de la nature, ou lorsqu'il mange une brebis, comme nous d'ailleurs, du simple fait qu'on a fait de cette brebis un animal d'élevage si vulnérable qu'on doit maintenant penser à ses droits.

Cette dernière partie rappelle que les enjeux globaux doivent être traités globalement, c'est-à-dire sur le plan international, nationale et local. C'est au cas où certains prendraient à la lettre les idées de l'auteure de « communauté de destin » nationale, et se mettraient à nourrir une nouvelle mystique nationale.



« Dieu est mort » disait le vieux Nietzsche, et il ajoutait que « le succès de Kant n'est qu'un succès de théologien ». Mais la théologie est aussi le fondement de Locke, Levinas, et d'autres encore parmi les références philosophiques préférées de Corine Pelluchon. le « vieux Kant » est mort, et on discute son héritage depuis une dizaine de générations, donc je crois qu'il est temps de changer de logiciel. D'ailleurs, à tous les adeptes de la petite chanson « je ne suis pas un animal », on peut suggérer de lire « la psychologie de masse du fascisme » de Wilhem Reich, pour imaginer jusqu'où où peut nous mener cette « charmante » mélodie.



Au nom d'une théorie politique partant de l'homme, l'auteure s'oppose à la « Deep Ecology », jusqu'à écarter résolument la lutte contre l'érosion de la biodiversité, des finalités de cette théorie. Cet enjeu n'est pas recouvert par la finalité de l’amélioration de la condition animale. Une opposition idéologique presque non-dite aboutit donc à une situation absurde. En effet, non seulement la démocratie est le lieu pour problématiser et non pour liquider les problèmes, mais en outre la diversité est au coeur du vivant, tant sur le plan biologique que sur le plan phénoménologique (expérience vécue) comme on l'a vu plus haut. Dans le même ordre d'idée, l'auteure évacue complètement, et sans doute dogmatiquement, le problème de la croissance démographique, au motif que l'industrie alimentaire mondiale a actuellement la capacité de nourrir tout le monde. Mais dans quelles conditions et pour combien de temps ?
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Manifeste animaliste

Ce manifeste se veut utile et rassembleur. Le but est clair : politiser la cause animale.

j'ai toujours été très sensible aux animaux, au sort qui leur est réservé et je pense qu'il faut évidemment respecter et soigner nos frères animaux qui nous rendent tant de services et participent souvent très grandement à notre bien être.

Depuis plusieurs années maintenant, de plus en plus de personnes se soucient des animaux. Les vegans montent en puissance et deviennent presque un phénomène de mode ! Bref, on sens bien que les questions liées au respect envers les animaux et surtout aux conditions dans lesquelles ils sont abattus suscitent un intérêt grandissant. Personnellement je trouve cela très positif et m'en réjouis.

Ce manifeste s'inscris dans cette dynamique et veut justement faire entendre un idéal et des propositions pour maintenant. D'autant plus que la France s'avance à grands pas vers des échéances électorales importantes (les présidentielles notamment !). Ce manifeste veut donc interpeller et inviter l'animal dans la campagne présidentielle et le combat politique.

je souhaite évidemment que cela se produise avec succès.

Concernant le livre en lui même, il est net, clair et bien écrit. Corinne Pelluchon sais de quoi elle parle mais je le trouve assez pointu.

C'est bien sûr intéressant et enrichissant, même éclairant !

Il est évident que des changements s'imposent et j'approuve l'analyse suivante de l'auteur : "Nous sommes en guerre contre nous-mêmes".

Je remercie chaleureusement Babelio et Alma éditeur pour ce livre reçu dans le cadre de masse critique.
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Manifeste animaliste

D'abord un grand merci à Babelio pour ce masse critique qui m'a permis de lire ce livre, dont évidemment le titre m'avait indéniablement attirée mais qui, cependant, me paraissait un peu vague et fantaisiste.



Fantaisiste, le propos ne l'est plus du tout en fin de lecture. Car il ne s'agit ni plus ni moins que de politiser la cause animale afin d'obtenir des résultats certains, en proposant des mesures susceptibles d'obtenir un large consensus, ce qui éviterait de « piétiner » sur certains dossiers pendant encore 10 ou 20 ans.



Quand on s'investit pour la cause animale, sur le long terme, on s'aperçoit que tout fonctionne par cycle : je ne donnerai qu'un exemple : le port de la fourrure : honni et ringard il y a 10 ans, redevenant à la mode aujourd'hui. Or, ce sont ces incessants revirements qui freinent les avancées et épuisent les militants qui ont l'impression de tourner en rond.



Par ailleurs, des causes ont certainement été perdues car bien que l'opinion publique soutienne la fin d'une pratique ou d'une activité néfaste aux animaux, rares sont les solutions alternatives proposées. Or, l'intérêt de ce manifeste est de prendre en compte, et même d'anticiper la reconversion d'un grand nombre de salariés travaillant dans des domaines impliquant l'exploitation animale.



Enfin, l'auteur, (qui est philosophe, au fait) propose la mise en place de cursus, de formations sur la condition animale, le droit des animaux afin que chacun puisse prendre conscience des enjeux. le volet éducatif est donc aussi important que le volet législatif.



Corinne Pelluchon prend en modèle le processus enclenché par le Président Lincoln lorsqu'il a voulu supprimer l'esclavage. Il est certain que l'on peut tirer des leçons bénéfiques de cet illustre exemple.



Car pour ne pas cantonner la cause des animalistes sur le plan purement intellectuel ou moral, il faut lui donner une dimension sociale et politique et appréhender de nouvelles stratégies, une approche novatrice qui a réellement suscité mon enthousiasme.



Car la société est en train de changer. Certes, lentement, mais de manière significative. La maltraitance animale pousse des citoyens à modifier leurs habitudes de consommation, changements ayant un impact de plus en plus lourd sur certains secteurs économiques, que plus personne ne peut nier. Il faut donc prendre le train en marche, car si on ajoute cette prise de conscience à tout ce que les citoyens sont en train de se réapproprier en terme d'initiatives écologiques collectives, je me dis que le tournant est peut-être historique.



Au final, un coup de coeur pour ce »petit » livre d'une centaine de pages qui a le mérite de poser les fondations solides du travail à venir pour qui veut vivre et évoluer dans une société où la cause des animaux et la cause des humains ne seront qu'une.
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L'espérance, ou la traversée de l'impossible

Je pense que Corine Pelluchon est une "fille bien" (attention, pas d'irrespect là-dedans, je dis ça comme je dirais "un mec bien" si c'était un homme) : écologiste, animaliste, féministe, progressiste, elle a une cohérence de pensée qui manque à nos gouvernants (à moins que ce ne soit le courage, qui leur manque...)

Je suis, de façon générale, d'accord avec les idées qu'elle développe, mais la question est : y avait-il de quoi en faire un livre ? Nous y reviendrons.

La présentation de cet ouvrage était tentante : on nous disait qu'il existait une voie entre l'optimisme béat (donc le déni) et le désespoir. Moi qui trouve toujours que le monde manque de nuances et de compromis, je ne pouvais qu'être attiré. En plus, on nous disait que c'était "un texte accessible, comme une transmission aux jeunes générations", message pour ceux que la philosophie effraie peut-être parce qu'on leur a infligé trop tôt, comme à moi, la logorrhée de Heidegger.

Là, je pense que son éditeur a présumé de ses forces, ou plutôt de celles des "jeunes générations" – et peut-être même des anciennes car il ne faut pas insulter les jeunes : si ce n'est certes pas du Heidegger, ce livre n'en contient pas moins des passages que j'ai renoncé à comprendre après 5 ou 6 relectures.

À lire lentement, donc. Et avec des pauses.

Là où je la rejoins le plus, c'est sur la nécessaire reconnexion à la Nature. Oui, c'est une évidence, on se sent mieux, plus positif (puisqu'il ne faut pas dire "optimiste") après avoir passé une journée en pleine brousse au milieu de la faune. La ville a d’ailleurs quelque chose de déshumanisant et l'ère industrielle, consumériste et destructrice que Pelluchon dénonce se superpose avec l'ère de l'urbanisation et l'exode rural, je m'étonne donc qu'elle n'y ait pas consacré un seul paragraphe. Ça aurait sans doute été plus convaincant que son long exposé sur le féminisme et sa métaphore douteuse entre la ménopause et le changement climatique.

Est-ce que je nie le patriarcat ? Non. Est-ce que je nie que le patriarcat n'est pas une bonne chose pour l'écologie ? Même pas. C'est juste une question de proportions, et la facture dévolue au patriarcat selon Pelluchon me semble salée.

J'ai relevé ceci, entre autres : "Quand elles atteignent la cinquantaine, les femmes [peuvent se sentir] diminuées aux yeux des autres, c'est-à-dire des hommes (ah bon ?), et minables en comparaison des plus jeunes qui font carrière et qui convoitent leurs anciens compagnons et leurs collègues"...

Outre que je ne vois plus très bien le rapport avec l'écoanxiété, j'ai bientôt 50 ans et personnellement, je ne me sens pas attiré par les femmes de 20 ans mes cadettes, et je n'ai pas envie de mettre la mienne au rebut. Je sais que la réponse de certain(e)s à cette remarque sera : "pourquoi tu te sens insulté, ça ne s'adresse pas à toi." Et la mienne, qui est aussi la leur sur d'autres sujets : "si je me sens insulté par ce ton généraliste, j'ai mes raisons pour ça et elles n'ont pas à être discutées." C'est la philosophie que j'emploie à chaque fois que quelqu'un se sent offensé par moi, quelle qu'en soit la raison. J'ajoute que les "jeunes femmes qui font carrière" – elles sont nombreuses et je m'en félicite – pourraient aussi légitimement se sentir insultées par ce genre de généralité.

Au total, sur l'ensemble des chapitres – pas seulement sur le dernier qui m'a un peu énervé –, est-ce que je me sens davantage empli d'espérance à l'issue de cette lecture, ou davantage armé pour espérer ? Non.

Pour moi, ce livre tient davantage de la méthode Coué ou de l'invocation magique (d'ailleurs, Pelluchon nous dit en gros que l'espérance vient toute seule, généralement après une grosse déprime) que de la démonstration d'idées, même s'il a au moins le mérite de ne pas sombrer dans le développement personnel et de ne pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Merci à Babelio et aux éditions Rivages pour cet ouvrage reçu dans le cadre de la Masse critique Non fiction.
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Éthique de la considération

Une pensée remarquable, développée clairement et densément. Il y a tellement à dire et à lire. Alors je trie et retiens deux notions.

La considération a également un sens politique outre sa dimension éthique, au départ du sujet pensé dans sa corporéité. Autrement dit, la mise en avant du plaisir attaché au fait de vivre ainsi que la caractère toujours relationnel du sujet.

De cette assertion, très épicurienne, découle la convivance, signifiant le plaisir de vivre ensemble, l'amour du monde, en respectant la pluralité d'idée et de cultures. La communauté se réunit autour d'un repas et aussi sur l'élaboration collective d'un projet, par exemple la transition vers un autre modèle de développement. Et réapparaît le politique, reconfiguration de la société sur des valeurs communes, chacun considéré dans sa différence, axé sur la préservation de la planète, l'affirmation de la dignité des personnes et des peuples. Magistral et imparable. Stimulant et porteur d'espérance, sujet de la dernière parution de Corine Pelluchon.



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Les lumières à l'âge du vivant

Tout d’abord, je remercie Babelio et les éditions du Seuil pour la découverte de cet essai passionnant.

L’autrice s’appuie sur l’idéologie des Lumières façonnée par les philosophes et encyclopédistes pour en analyser les possibilités dans notre monde actuel.

A travers différents thèmes tels que la liberté de penser, la Nature, la position des femmes, l’Europe, le respect des autres civilisations, Corine Pelluchon positionne le projet des Lumières à notre époque et souligne ce qui peut ou doit être modifié pour tenter d’aboutir à un monde sauvé de lui-même et peut-être meilleur.

Ainsi se dessineraient des concepts éclairés en tenant compte des conjonctures et mouvements divers de l’Histoire pour ré-inventer les Lumières.

Certes, le programme est vaste mais porteur d’espoir.

Le style de l’autrice est très clair, précis sans fioritures et à la portée de tous (pourvu qu’un grand nombre le lise !).

Ah que j’aime la philo quand elle s’exprime de si belle façon !

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Manifeste animaliste

Avant de présenter le livre comme il est de coutume, je vais tout d'abord remercier Babelio de m'avoir permis de découvrir ce livre coup de poing. C'est par le biais d'un tirage au sort de l'opération Masse Critique, que ce roman m'a été envoyé et je ne peux qu'en être ravie, tant la cause animale me tient à coeur depuis des années.



Ce n'est pas le premier roman du genre que je lis, puisque je me suis énormément documentée sur cette cause mais "Manifeste Animaliste" est un ouvrage à côté duquel il ne faut pas passer. Au travers d'une écriture travaillée mais facile à lire, elle véhicule une véritable prise de conscience. J'ai beaucoup aimé la structure de son roman. En effet, elle aborde la cause animale point par point et permet ainsi au lecteur de se retrouver dans ce flot d'informations.

A noter que le paradoxe qu'elle utilise pour rapprocher la souffrance animale de la traite d'esclave est tout simplement ingénieux !



Ce livre est originalement scindé en trois parties, toutes plus intéressantes les unes que les autres. La première aborde la place qu'a la cause animale aujourd'hui. Elle explique à quel point le destin des animaux est lié à notre société et souligne l'importance d'une prise de conscience massive. Elle va même remonter aux années 1970 pour expliquer au lecteur les fondements de l'éthique animale. De plus, elle va aborder les notions de spécisme et antispécisme, qui résument à elles seules, le fonctionnement de notre société vis à vis des animaux.



Dans sa deuxième partie, intitulée "politisation animale", elle va entrer dans le vif du sujet en dénonçant un système judiciaire injuste envers les animaux, pourtant définis depuis peu comme êtres sensibles. Elle va également mettre en exergue le fait que les animaux ne sont certes pas des humains mais bel et bien des êtres vivants qui méritent des droits. Le fait qu'elle rapproche le domaine politique de cette cause m'a beaucoup plu, dans le sens où tout ce qu'elle affirme est minutieusement étudié. On sent qu'elle a fait de nombreuses recherches sur le sujet et qu'elle ne se contente pas d'affirmer des choses sans le savoir.



La dernière partie est consacrée aux diverses propositions qui pourraient permettre à l'animal de ne plus être considéré comme un objet par l'homme dont il pourrait disposer à son bon vouloir mais bel et bien comme un être vivant à part entière. J'ai beaucoup aimé le fait qu'elle aborde les sujets phares sans en oublier aucun. Elle parle de la captivité, de la chasse, du foie gras, de l'élevage et de l'abattage, de la corrida, de la fourrure ou encore des expérimentations animales en laboratoires. Bref, elle n'oublie rien et approfondie tout. Elle n'avance jamais une idée sans l'exploiter dans son intégralité et c'est incontestablement son point fort. De plus, elle met en avant les alternatives qui existent déjà dans la cuisine, la mode ou la médecine et qui tendent à long terme, à éviter aux animaux des souffrances qui ne sont pas nécessaires.



Enfin, elle clôt son ouvrage par un glossaire exhaustif dans lequel elle reprend les notions les plus importantes. Elle les explicite avec patience et minutie afin que le lecteur puisse comprendre l'intégralité de son roman. Elle remonte à leur étymologie et les étaye de citations d'auteurs et de philosophes. Le fait qu'elle prenne la peine de mettre en place ce glossaire a fini de me combler.



Pour conclure, je dirais que ce roman est tout simplement exceptionnel et qu'il mérite que tout lecteur lui chante ses louanges. L'auteur a su faire passer son message sans pour autant prendre entièrement partie ou prôner à tout va le véganisme. Elle permet juste à ceux qui ne sont pas encore sensibilisés à cette cause, soit par manque d'informations ou simplement par manque d'attention, de le devenir ou tout du moins d'en connaitre les tenants et les aboutissants. Ainsi informé, chacun pourra s'en faire désormais sa propre opinion. Je le conseille à tout le monde, sans restrictions d'âge puisque l'écriture, bien qu'excellemment travaillée et un tantinet philosophique, offre une réelle facilité de lecture. Et si au pire des cas, quelques mots difficiles subsistent, Corine Pelluchon a tout prévu dans son glossaire. A lire les yeux fermés parce qu'en plus d'être très court, il est véritablement bouleversant. Impossible d'en ressortir indemne !
Lien : http://lecoindeslivres.blogs..
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Les lumières à l'âge du vivant

Le Hibook a lu «Les Lumières à l’âge du vivant » de Corine Pelluchon. Autant prévenir le futur lecteur ,ce n’est pas une lecture de plage ! Un ouvrage dense ,fouillé , appuyé sur de nombreuses références philosophiques qui , cependant, reste accessible . Mais un ouvrage passionnant : Corine Pelluchon part d’un constat :il convient d’actualiser les valeurs des Lumières (parfois dévoyées) pour répondre aux dramatiques problèmes de notre époque . Face à la dégradation de l’environnement , à la montée des nationalismes, impulsées par l’économisme dominant ,il convient de substituer à une éthique de la domination mortifère ,une éthique de la considération visant à rétablir le lien entre les hommes ,les animaux, le monde . Je partage absolument le constat et j’aimerais croire à la possibilité de cette issue . Malgré mon pessimisme je conseille la lecture de cet ouvrage remarquable et stimulant.
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La cause animale

Alain Finkielkraut

La cause animale (2021)

Débats pour y voir clair



Qu'on le veuille ou non, récemment Finkielkraut n'a été que la caricature de lui-même, cela dessert les autres causes qu'il prétend défendre et cela peut même être comme ici parfois ridicule.

Superposer ainsi des causes dont celle prétendument de supprimer des libertés quand on parle de l'innocence qu'il faut absolument sanctuariser, rempart contre l'insoutenable, ne relève d'aucune logique, monsieur le philosophe.

Cette gradation de la sensibilité est quelque chose qui m'exaspère.

De la prostituée à la vache à traire ..
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L'espérance, ou la traversée de l'impossible

Tout d'abord merci à Babelio et aux éditions Bibliothèque Rivages pour cet ouvrage reçu dans le cadre d'un masse critique, et mes excuses pour le très long délai pour écrire cette critique.



Cet un très bel ouvrage, une réflexion philosophique très bien écrite et très facile à lire. Le thème principal concerne l'ecoanxiété ou comment l'effondrement prévu de notre société en réponse aux changements climatiques et aux abus de l'humain sur l'environnement peut générer chez les individus des réactions anxieuses ou dépressives. L'ouvrage part donc de constats et de sentiments très personnels (dépression notamment) pour aller vers des considérations plus générales au sujet de la place de l'humain dans son environnement, leurs rapports dominant-dominé d'une façon générale et plus précisément en relation avec la cause animale. Pour finalement terminer par la place de la femme (dominée elle aussi) dans cette société, et la comparaison changement climatique-climatère, comme élément de transition sensé aller, après une prise de conscience et un profond remaniement (sociétal, mental) vers un nouvel espoir. Les thèmes abordés sont tous extrêmement pertinents et réels; toutefois il a été difficile de visualiser l'espérance dans ce livre (dont c'est le titre) si ce n'est comme un futur difficile à atteindre (la traversée de l'impossible, le sous-titre). C'est donc un livre plutôt sombre, de mon point de vue, nourrit par une expérience qui semble personnelle et que l'on perçoit comme difficile (relation à la dépression et à la ménopause, entre autre), et qui (mais ce n'est pas une critique) ressemble un peu à une séance de psychothérapie où les évènements individuels se mélangent au contexte socio-écologique mondial pour donner une vision singulière mais pas forcément partagée par tous.tes.

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Les lumières à l'âge du vivant

Cet essai porte un projet ambitieux : revitaliser le projet des Lumières en l’adaptant aux exigences écologiques pour redonner du sens à nos vies individuelles et collectives. La philosophie initiale des Lumières opposait la civilisation à la nature, ce qui a mené à l’avènement d’une « rationalité instrumentalisée » dont l’aboutissement est le capitalisme contemporain, qui exploite la nature sans considération du monde vivant. Corine Pelluchon plaide pour l’émergence de « nouvelles lumières », qui revisiteraient les fondements des penseurs du 18ème siècle, afin de le rendre compatible avec la crise écologique que nous traversons.



Projet ambitieux pour un nouveau modèle d'organisation sociale, cet ouvrage ne peut laisser indifférent ; mais la lecture peut paraître éprouvante tant les sujets abordés sont divers.
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Réparons le monde

Corine Pelluchon apporte sa pierre à la construction d'une société écologiquement soutenable. Corine Pelluchon est lauréate du prix de la pensée critique Gunther Anders. C'est une figure de proue de la défense de la cause animale. Dans cet ouvrage sont rassemblés des textes déjà publiés qui ont pour fil directeur le thème de la réparation.

Dans le premier texte : "La cause animale aujourd'hui", Corine P. nous fait, dans un premier temps, découvrir les penseurs et les concepts clés de la cause animale : Peter Singer et Paul Regan qui dénoncent l'exploitation animale jusqu'aux travaux de Derrida et de Merleau-Ponty ; de la notion de sentience des premiers penseurs , capacité d'un être à faire des expériences et à ressentir la douleur, le plaisir et la souffrance de manière subjective, jusqu'à la critique de Derrida des catégories ontologiques construites sur le logos (raisonnement et langage articulé) alors qu'en sont dépourvus les animaux. Corine P. arrime sa pensée à la phénoménologie de Merleau-Ponty les animaux ont un comportement signifiant c'est à dire qui n'est pas « rivé » à l'instinct mais qui s'adapte aux conditions de vie, toujours changeantes, imposées par les hommes ; les animaux comme acteurs de ce monde. Dans un deuxième temps, Corine P. propose, à partir de ses propres travaux sur la considération, un projet politique qui intègre les intérêts des animaux pour penser un monde commun partagé entre les humains et les non-humains, notion qui ne dépend pas de l'appréhension logique du monde animal mais de l'expression des émotions humaines nées de la proximité avec les animaux. Cette acceptation des émotions et de la vulnérabilité de tous les êtres vivants conduit à revoir nos valeurs construites autour la domination et de la performance au profit de la considération d'autrui et de la communauté de destin. Pour autant, il ne faut pas déduire que l'humanité et le monde animal sont identiques mais bien d'inviter l'humanité à exercer ses responsabilités : « En cela la cause animale est un humanisme puisqu'elle promeut l'émancipation, la capacité d'agir et une vie digne ». Dans un troisième temps, Corine Pelluchon construit une Zoopolitique. D'abord d'un point de vue juridique : l'animal doit bénéficier de droits positifs c'est à dire d'une justice qui prend en compte la réparation des dommages infligés aux animaux ; puis d'un point de vue politique : en démocratie pour que cette zoopolis puisse advenir il faut que la cause animale recueille la majorité. Pour cela il faut permettre à chacun d'exprimer ses idées dans le respect de la vie animale (opposé à la maltraitance) et établir des consensus ; d'un point de vue éducatif : le respect envers les autres êtres vivants passe par la transformation de chacun grâce aux émotions et par une déconstruction des valeurs individualistes.

Je ne pense pas lire tout de suite les autres articles de ce petit mais très dense recueil. Non pas parce que je me désintéresse de la pensée de Corine Pelluchon mais parce que je vais tâcher de prolonger cette première lecture par des podcasts.
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Les nourritures : Philosophie du corps poli..

Cherchant à faire œuvre, comme le souligne le sous-titre de l’ouvrage, d’une philosophie du corps politique, elle y parvient, avec élégance et force.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
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Les lumières à l'âge du vivant

Corine Pelluchon donne dans "Les Lumières à l'âge du vivant" les éléments philosophiques nécessaires pour comprendre la nécessité d'une "transition écologique" telle que l'Union européenne a engagée depuis son "Green Deal" lancé en décembre 2019.

Elle nous offre un exposé global des motifs proprement philosophiques pour lesquels il est indispensable d'opérer des changements "systémiques" radicaux de l'organisation de notre société et de son fonctionnement qui ne pourront s'opérer que si les individus eux-mêmes changent leur mode de vie.

Il y a pratiquement unanimité pour reconnaître cette nécessité d'un changement de système, mais les motifs profonds de cette nécessité restent souvent inexprimés, ce qui nous fait actuellement flotter dans une société indécise, tentée de ne rien changer en fin de compte, car notre confort est en cause, ainsi que le maintien de nos privilèges.

Cet exposé est partisan, en ce sens qu'il considère comme une évidence que l'organisation capitaliste, conquérante et concurrentielle du monde - qui est à l'origine de notre prospérité sans précédent (mais qui est peut-être sans avenir, c'est une question) - est destructrice de la vie sur terre.

Partant de la critique des Lumières par l'école de Francfort (Adorno, Horkheimer, ...), elle identifie une faute des Lumières du XVIIIè siècle pour ne pas avoir inclus dans leur promotion de la rationalité et de la liberté le sens de la mesure, pourtant identifié par Socrate comme une nécessité absolue.

Reprenant ses propres réflexions sur l' "éthique de la considération", elle conceptualise de nouvelles Lumières, les "Lumières à l'âge du vivant", qui doivent promouvoir l'attention aux autres, le souci du vivant et la conscience de n'être un individu qu'en tant que partie indissociable d'un tout à la santé duquel chacun d'entre nous est appelé à contribuer sans s'y fondre. Car reconnaître son interrelation avec un tout ou une transcendance ne signifie pas être soumis à cette transcendance ou à ce tout, mais y participer, au sens démocratique de ce terme (pour les relation sociales) et au sens naturel du terme (veiller à la préservation du vivant).

Nous devons passer d'un "Schème de la domination" (sur la nature, sur les autres, par la technique) qui caractérise notre société, à un "Schème de la considération".
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Les lumières à l'âge du vivant

J’ai eu le plaisir de lire Les Lumières à l’âge du Vivant, de Corine Pelluchon dans le cadre de l’opération Masse Critique non-fictions, avec le thème « Pensez demain ». Un grand merci aux équipes de Babelio et aux éditions du Seuil pour ce livre. Sur l’objet livre lui-même, je trouve le format agréable à lire. Les pages sont assez grandes pour que les notes de bas de page qui éclairent la lecture soient lisibles sans trop empiéter sur le texte.

Je ne connaissais pas l’auteur, et n’ai pas fait de philosophie depuis le lycée, mais les thématiques abordées m’ont parlées, et sauf quelques paragraphes en pur « jargon philosophique », je n’ai pas éprouvé de difficulté de compréhension particulière, même si j’ai m’accrocher un peu par moment pour bien suivre le développement des idées de l’auteur. Cela reste un essai de philosophie politique avant tout, donc un ouvrage qui appelle à la réflexion et qui suppose une certaine culture philosophique et politique chez le lecteur qui m’ont parfois fait défaut.

Le point fort du livre repose sur l’actualité. Les remises en question de que j’appellerais en profane « le système », se font de plus en plus nombreuse ces dernières années, et portent sur des points aussi variés que nombreux. Par son approche, Corine Pelluchon propose des solutions pour que cette remise en question prenne un chemin cohérent avec l’esprit des Lumières et la compréhension grandissante que l’humanité a de sa place au sein d’un monde vivant.

Pour commencer à mettre en place ces fameuses lumières à l’âge du vivant, les premières parties de cet essai posent les définitions des Lumières, de la raison, et la façon dont la perversion de la raison a eu raison des Lumières au cours de l’histoire. En effet, celles-ci comportaient certes des idéaux souhaitables pour l’humanité, mais également des manques et des imperfections, ainsi que des opposants, le tout ayant conduit à leur échec actuel. Plutôt que de rejeter Lumières et raison, Corine Pelluchon propose d’actualiser les premières pour les accorder à l’âge du vivant, d’où le titre et le projet central de ce livre, en retrouvant un usage non perverti de la seconde. C’est en tout cas ce que j’en ai compris. La suite déroule le projet des lumières à l’âge du vivant, qui nécessitent une prise d’autonomie des individus accompagnée d’une meilleur compréhension de leur existence au monde, et le remplacement du Scheme de domination qui gouverne les sociétés par le Scheme de la considération, qui englobe non seulement l’humanité dans son ensemble mais aussi le vivant dans sa totalité.

Sur le fond, j’ai apprécié cet ouvrage qui vient nourrir mes réflexions propres sur le monde actuel. Personnellement je suis plutôt en accord avec le projet dans sa globalité.

Quelques aspects négatifs cependant : l’auteur développe dans certaines parties des considérations psychanalytiques dont je n’ai pas saisi la pertinence. L’aspect politique de l’ouvrage m’a également quelque peu dérangée, au sens ou certains courant idéologiques sont abordés en présentant leurs idées comme des évidences, sans approfondir les mécaniques à l’œuvre dans ces mouvement, ni la façon dont les luttes qu’ils engagent peuvent participer ou non aux Lumières si chères à l’auteur. Personnellement plutôt en accord avec les mouvements cités en exemple, je regrette le manque d’approfondissement qui fait que leur emplois fait plus discours politique qu’essai philosophique.

La partie sur l’Europe a l’âge des Lumières, dernière partie du livre, a été fastidieuse à lire. Le strict minimum de culture générale et politique autour de l’Europe n’est pas suffisant pour apprécier pleinement cette partie…

En bref : un ouvrage actuel, qui fournit une alimentation appréciables aux réflexions que l’on peut avoir sur l’avenir de la société. Un texte accessible aux non-philosophes, mais qui nécessite une culture philosophique et politique minimum pour en apprécier pleinement les tenants et aboutissements.

Des conseils de lectures : avant de lire cet ouvrage, je recommanderais la lecture des différentes déclarations des droits de l’homme. Notamment la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1798, La déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’ONU en 1948, et la Déclaration universelle des droits de l’humanité rédigée à l’initiative de l’avocate Corine Lepage en 2015.

Note finale : 3,5 étoiles.

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Pour comprendre Levinas

Corine Pelluchon expose la pensée de Lévinas en rapport avec Husserl, Heidegger, Ricoeur et l'idéalisme allemand et comment Lévinas dépasse nos cadres de pensées tradionnels ancrés dans l'individualisme, la liberté et un certain sentiment du désespoir de n'être qu'un être.

Lévinas ouvre une pensée à partir du visage de l'autre, qui nous interdit de nous penser comme être pour soi.

Cette pensée est ce que notre temps attend: comprendre à novueau qu'il y a plus de richesse à s'engager dans la relation avec autrui que d'accumuler en vain pour soi-même dans un projet absurde de survie sans les autres.

Comme l'écrit Jean-Luc Marion (prolégomènes à la charité), l'enfer, c'est l'absence de tout autre.
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