« Et ces couleurs, ces formes, ces parfums !
Les pâtissiers, ces magiciens, avaient même réussi à mettre les nuages à portée des hommes. Ils fondaient dans la bouche et on appelait ça de la chantilly.
Chan-ti-lly, répétait-il à l’envie dans sa tête en faisant claquer sa langue contre son palais.
Will le regardait engloutir toutes ces merveilles avec des yeux ronds, se moquant gentiment de lui. Le médecin vivait dans un monde où ces petits bijoux existaient. Enfant, il avait pu en manger et grandir avec la possibilité d’en déguster chaque jour de sa vie.
Extraordinaire !
Il prit une autre bouchée.
Stupéfiant !
Il se lécha les babines.
Miraculeux !
À présent, Cal comprenait les poètes. S’ils écrivaient aussi bien, c’était sans doute parce qu’ils pouvaient se régaler comme lui à cet instant. Il serait désormais capable de composer des odes et des ballades et il les dédierait à Will, comme Shakespeare les consacrait à un mystérieux W.H. Lui, ça serait à W.M. L’homme qui lui avait fait découvrir les pâtisseries. »
-Tu as l'air déçu, remarque le Valésien.
-Encore un mauvais choix, peste Lyett.
-Tu n'as pas fini d'en faire. L'important, c'est qu'ils ne t'empêchent pas d'avancer.
— J’aurais besoin de vous sur le terrain », considéra Harper.
Hicks le regarda avec stupeur.
« Vraiment ? »
Il écarta les bras en un geste d’impuissance.
« D’autres pensent que je suis un danger pour la société.
— Et pendant ce temps laissent courir un tueur en série. »
L’ancien chercheur parut perplexe.
« Vous êtes sérieux, réalisa-t-il, encore plus stupéfait.
— Bien sûr, pourquoi ?
— Vous pourriez considérer que je manque de fiabilité, au vu de ma… situation.
— Vous êtes un homme brisé, pas un fou furieux. »
« — Je devrais te faire couper la tête, grogna le roi.
— Dans ce cas, il vous faudrait supporter le guérisseur qui sent mauvais, répliqua le jeune homme avec un sourire hypocrite.
— Je te déteste.
— Assurément, Majesté. Mais vous aimez mes remèdes.
Dervan se leva pour emporter ses ingrédients dans le placard où il les conservait.
Balthazar l’observait sans mot dire. Non, il ne le détestait pas. Loin de là, en vérité. Plus les jours passaient et plus la compagnie du jeune homme lui était agréable. Dès qu’il ouvrait les yeux le matin, Balthazar trépignait jusqu’à le voir. Le soir, il retardait le plus possible le moment de la séparation. Quand Dervan ne se présentait pas à la salle du trône, le souverain envoyait immédiatement quelqu’un s’enquérir de l’endroit où il se trouvait. Sa pire crainte était de découvrir un jour que ce dernier, lassé de sa mauvaise nature, n’ait déguerpi avec ses médecines et ses bagages. Mais tous les matins, le jeune homme était là, massait ses jambes et lui suggérait ces idées absurdes. »
Elle aurait voulu avoir un arc, elle aussi, mais pour leur tirer dans les fesses s'ils s'avisaient de lui faire faux bond.
« — Que puis-je vous servir ? s’enquit-il ensuite auprès du magicien maudit.
— Je ne peux pas bouger, comment veux-tu que je mange ?
— Eh bien, comme ça.
Le guérisseur s’approcha, en lui présentant un morceau de poulet piqué au bout d’une fourchette. Furibond, le souverain rétorqua :
— Tu comptes me donner la becquée ?
— Bien sûr, pourquoi pas ? Allez, ne vous faites pas prier. Goûtez-moi ça !
Dervan continua ainsi ses cajoleries et pour ne plus l’entendre geindre et se moquer de lui, Balthazar finit par céder, ouvrit la bouche et la referma sur la chair savoureuse. Il mâcha lentement, surpris de trouver autant de plaisir à s’alimenter. Devant lui se déployaient les collines et les rivières de son royaume. Il se sentait… bien et ce constat le plongea dans une perplexité encore plus grande. »
« Comme Hicks ne bougeait pas, Dave le poussa résolument vers les policiers. Puis il lui tourna le dos et se dirigea vers son pickup, semblant se résigner, puis grogna :
‘Et merde.’
Morgan sursauta en le voyant pivoter brusquement sur ses talons, revenir sur ses pas et le prendre dans ses bras pour l’embrasser si fougueusement que le jeune homme ne put réprimer un gémissement. Il entendit aussi Brown exhaler un ‘wow !’ suivi par quelques toussotements gênés.
‘Fais gaffe à toi, Hicks. Ne cours pas au devant des ennuis’, murmura-t-il avant de déposer un baiser sur le front du professeur et de faire demi-tour, cette fois-ci sans se retourner. Il évita de regarder le trio en montant dans son véhicule et démarra en trombe. »
« Le jeune homme émergea de nouveau de l’inconscience. La forme pâle se tenait encore penchée au-dessus de lui. Des doigts couraient sur son visage, le long de sa mâchoire. Quelque chose tenta de forcer ses lèvres, il ouvrit la bouche et sentit qu’on glissait une cuillère entre ses dents. Le goût était infâme. Il repoussa la main qui voulait le nourrir et cracha la bouillie qu’on le forçait à avaler.
« Pas bon ? » entendit-il demander d’une voix rauque.
Le médecin essaya de distinguer qui lui parlait, il lutta contre ses yeux récalcitrants, se concentra, frotta ses paupières, renouvela ses tentatives. Peine perdue.
« Où suis-je ? s’enquit-il.
— Maison », lui répondit-on.
Me voilà bien avancé, songea-t-il. »
Je préfère avoir des ennuis que des remords. Les ennuis, on peut dormir avec.