Citations de David Albertyn (78)
Même dominé, Antoine vise la tête, s'acharne à frapper pour que le cerveau de l'autre heurte sa boîte crânienne. Près de la tempe droite de Konistyn, il y a une bosse enflammée de la taille d'une balle de golf qui continue de grossir, résultat d'un coup de tête involontaire.
Ce qu'elle préférait, c'était le javelot. Lorsqu'il s'élançait, brandissant la sagaie à hauteur d'épaule, prenait de la vitesse, puis plantait la jambe avant dans le sol, rejetant la hanche en arrière et projetant le torse en avant, elle admirait la beauté de la détente, le bras étiré au maximum, la fluidité du geste, le javelot qui s'élevait dessinant une spirale serrée. Soudain, elle croyait voir un héros antique sur le champ de bataille, dont la lance puissante ferait la première victime dans le camp adverse.
Sa tête s'enfonce dans l'oreiller de plumes, et il remonte le drap sur lui, songeant à toutes ces nuits passées dans la rue, sur des terrains vagues, dans des squats où des gangs vendaient du crack, en prison, le crâne à même le ciment ou sur un plancher crasseux, aux réveils en sueur après un cauchemar ou pire, avec les mains de quelqu'un sur lui, les coups qu'il devait distribuer pour survivre.
Il traverse une large avenue vide de voitures et aperçoit un coyote au loin. L'animal qui trottine sur l'asphalte lui lance un bref regard. Il a l'impression qu'il lui adresse un signe de tête, un salut entre chasseurs de l'aube.
Lorsqu'il était enfant, le Strip était réservé aux touristes. Personne, dans son entourage, n'avait les moyens d'en profiter. il ne connaissait de la ville que ses quartiers pauvres et mal desservis. C'était l'environnement dans lequel ses parents l'avaient élevé : une succession sans fin de quête de fonds et de collectes alimentaires.
Tout est sec , dans le désert , sauf le sang .
Oui. J’ai encore envie de jouer. Je vais avoir besoin d’un long repos, puis je repartirai à la chasse. C’est peut-être ce que le destin me réservait depuis toujours. C’est peut-être pour ça qu’il t’a enlevé à moi, padre. Pour me donner un but qui me préparerait à quelque chose de plus grand. Le monde m’attend.J’aimerais chasser encore.
Nous sommes une populace. Une populace isolée du reste du monde. Une populace galvanisée par la barbarie. Car c'est un combat barbare.
Beaucoup trop de lumières pour espérer voir la moindre étoile. À Vegas , les étoiles sont ici-bas, et nous pouvons tous prétendre que nous vivons comme elles.
On n’a que l’embarras du choix. C’est ce qu’il n’a pas su comprendre enfant. Un être disparaît, eh bien, on en trouve un autre. Tous remplaçables, tous interchangeables.Les hommes qu’il a tués sont remplaçables. C’est évident. Ils ne manqueront à personne. Et ceux qui les regrettent sont des imbéciles. C’était leur destin.
Il a beaucoup appris au cours de ces dernières vingt-quatre heures. Il a appris que le monde est sans pitié quand on n’est pas au sommet. Mais il a aussi découvert qu’il est capable de le supporter. De supporter ses échecs et ceux des autres. Une souffrance qu’il n’imaginait même pas. La perte. Et surtout, il a appris que semer la mort ne résout rien. Cela fait plus de morts, c’est tout. Ça ne ramènera pas Raul Deco, ni Terrence ni Viola. Ça ne ramènera pas Craig Quinn.
Il ne demandera rien à une ordure pareille. Qu’il aille au diable. Avec un peu de chance, Antoine lui réglera son compte, à ce salopard. Il doit savoir que c’est lui. Ce qui veut dire que son père ne risque rien.
Il y a toujours des causes à servir. Tu deviendras fou si tu ne vis que pour toi-même. Là où on aura besoin de moi, là où je pourrai aider, je serai là.
Peu importent les félicitations et les décorations, quand on passe autant de temps dans le désert, on commet nécessairement des erreurs. Impossible de toujours choisir la route la plus sûre, impossible d’être partout, de toujours protéger ses soldats et les civils. Souvent, la nuit, il ne trouvait pas le sommeil, songeant à ceux qui auraient pu être sauvés, à ce qu’il aurait pu faire différemment. À force, ne pas être capable d’empêcher la mort lui est apparu aussi grave que de la donner.
Les gens marchent fièrement. Certains ont amené leurs enfants, eux aussi ont la tête haute. Certains se tiennent la main. D’autres ont le poing en l’air. Des pancartes clament JUSTICE POUR REGGIE HARRISON, NON AU TERRORISME POLICIER, #BLACKLIVESMATTER. Marlon avait raison. Quelque chose est en train de naître, qui enfle et se dilate autour d’eux. Chacun ici en est conscient. Quelle que soit l’importance de cette manifestation, ça va au-delà de ce qui se passe aujourd’hui.
Il a l’impression d’avoir un étau autour de la gorge, chaque heure qui passe resserrant les vis. Bientôt, il ne pourra plus respirer. L’urgence est telle que, paradoxalement, il n’arrive pas à prendre de décision. Il s’efforce de réfléchir, mais il sait d’instinct que tous les chemins mènent à un précipice. Il n’a aucune chance. Et son père non plus.
Le choc et la surprise l’ont transpercé comme une balle qui serait ressortie par son dos, le laissant exsangue et sans force. Il respire lentement, essaie de réfléchir. Il doit prévenir Tyron que ce n’est plus la peine de le rejoindre au casino.
La sensation de contribuer à un effort commun qui le dépasse est moins nette, moins tangible, mais elle est aussi plus libératrice, plus ouverte, et d’une certaine manière plus stimulante. Marcher au milieu des membres de sa communauté lui procure un sentiment d’appartenance qu’il ne s’attendait pas à éprouver à Vegas. Il croit en cette cause. Dans l’armée, il ne pouvait pas en dire autant, surtout à la fin.
C’est tout à fait possible que ce soit une coïncidence, mais on ne perd rien à regarder ça de plus près. Il y a autre chose. Quand Fischer et Monk faisaient équipe, ils étaient sans cesse appelés au Reef. Toutes les arrestations qui avaient lieu là-bas, c’étaient eux. Même chose quand c’est ton père qui bossait avec Monk.
Tyron se donne une claque. Fort. Pour chasser la fatigue.Il n’est pas le seul à lutter contre l’épuisement. Tous ses hommes, qui se sont battus avec courage et sang-froid, sont harassés. Encore une percée. Encore une avancée, et on les tient.