Vidéo en anglais sur son dernier livre
En 1985, un cataclysme d'une ampleur sans précédent détruisit virtuellement toute forme de vie sur le continent nord-américain. Le 29 novembre au matin, une réduction fortuite des tarifs postaux applicables aux courriers dits de troisième et quatrième catégories ensevelit les citoyens américains sous des tonnes de prospectus publicitaires, brochures et autres dépliants gratuits. L'après-midi, des impuretés apparemment restées en suspension dans l'air depuis des siècles finirent par céder à la pesanteur et s'écroulèrent sur ce qui restait d'une population déjà pétrifiée. En moins d'une journée, la civilisation la plus avancée de l'ancien monde avait péri.
Faisant presque le tour du complexe s'étalait une vaste étendue plate marquée de lignes blanches parallèles. Dans plusieurs des espaces délimités par les lignes blanches étaient exposées des sculptures métalliques représentant des animaux librement interprétés. Pour éviter les malentendus que provoque souvent l'interprétation libre, chaque sculpture avait été clairement étiquetée. On pouvait ainsi lire les noms de Jaguar, Panda et Mustang, pour n'en citer que quelques-uns. L'importance du culte animal dans les coutumes funéraires yanks n'a jamais été plus brillamment illustrée.
Les couches de pollutantus literati et pollutantus gravitas qui recouvraient le continent se solidifièrent, et l'on finit par oublier presque complètement la civilisation « perdue ». Cette dernière suscita un bref renouveau d'intérêt, il y a environ six cents ans, après la découverte de fragments d'une série d'écrits attribués à Guido Michelin, voyageur franco-italien de la fin du 20e siècle (aucune parenté avec le voyageur anglo-italien Guido Blue). Le sens des quelques symboles lisibles ne put être établi — il s'agissait principalement d'étoiles diversement groupées — et l'affaire n'eut pas de suite.
En 1332, alors que les travaux sur la face ouest de la cathédrale touchaient à leur fin, un troisième maître d'œuvre dirigeait la construction depuis quatre ans. Il se nommait Étienne de Gaston et remplaçait Robert de Cormont, décédé, en 1329, des suites d'une chute depuis un échafaudage de la voûte.
Alors que les cinéastes se concentraient au moins autant sur l'aspect humain de ces entreprises faites d'ambition, de déceptions, et de réussites, que sur leur dimension technique, j'étais de plus en plus intrigué par les détails pratiques. Je suis fait comme ça. Pourquoi telle forme et pas telle autre ? Pourquoi de l'acier et pas du béton ou de la pierre ? Pourquoi l'utiliser à cet endroit précis et pas plutôt là ?
Nul ne sait quand le dernier habitant disparut. Le seul qui aurait pu s'en souvenir, c'est lui-même.