Au début des années 1990, certaines familles durent même enlever des cimetières publics les urnes contenant les cendres de leurs fils ou de leurs amis.
Tu veux que je te parle de mon sifflement dans les oreilles ? Un sifflement permanent, nuit et jour. Tout le temps. Comme le bruit sourd de l’usine. Acouphène. Le médecin dit que ça s’appelle comme ça. (…) C’est que des conneries. Tu veux que je te dise ? C’est le bruit du silence. Tu ne l’entends pas, toi ? Il est là tout autour du village. Un silence naturel, même pas forcé. Il ne te provoque pas, il est là, un point c’est tout, le silence des absents
Et maintenant ? Là, je devrais te raconter ces années héroïques et lâches. Je devrais te raconter la Dame Blanche qui cheminait sur les routes du village et de la ville. Je devrais te parler de la SPEM et te dire pourquoi une équipe avec autant de champions est toujours restée en deuxième division. Je devrais te raconter toute l’histoire de ces éphèbes grecs fascinants et désinvoltes, et de la nuée de filles qui les suivaient partout. De leurs rites d’initiation et de la toux caverneuse de Lario. Du cynisme et de la cruauté. D’un avant et d’un après. Je devrais te parler de leurs yeux. Comment puis-je te les décrire si tu ne les as jamais vus ? Quel poète à la con. Je pourrais te parler de cette nuit où j’ai vu Marzio en rentrant chez moi. Je devrais te dire que ce n’est pas la nuit où Marzio est mort. Et puis te parler de la grande en ruine que nous appelions le baisoir. De ce que Lario y faisait. Des liasses de billets qui remplissaient ses poches. Du tapin et des faux accidents, des vols et des agressions. Je devrais te parler de tout cela. Et de tout le reste aussi. De la Communauté. De la galère. De ce mal dont on ne comprenait pas encore l’origine. Qui se répandit comme la peste. Je devrais te le dire Ettore. Je devrais tout te raconter. Vider mon sac. Pardonne-moi Ettore, je t’en prie. Mais je ne peux pas. J’ai essayé, je te jure. Je me suis mis là et j’ai écrit, j’ai dessiné. J’ai parlé. Mais là non. Je ne peux pas. Je voudrais, crois-moi. Je voudrais tant te parler de tout cela… Je voudrais te dire la vérité. Mais la vérité ne tient pas aux faits, Ettore. Ni même aux histoires. La vérité, c’est autre chose et je ne sais pas l’interpréter
Place Tian'anmen. Littéralement : place de le porte de la Paix Céleste. C'est drôle, non ? Ca ressemble à une blague. Mais ça ne fait pas rire.
Les lieux changent sans prévenir, comme les gens.
Et les journées de merde sont des journées de merde, rien à faire.
Quand on veut, on veille.
Je ne sais pas comment le dire… que le bonheur, on ne l’exhibe pas partout comme une robe neuve. Que, si on ne le contrôle pas, il rend idiot, avant de devenir ennui
Nous ne l’avons plus vu, le papa d’Ettore. Nous ne le voyons pas rentrer à vélo du travail. Il ne vient plus arbitrer nos parties de foot devant la maison. Et puis un jour ma mère m’explique tout. Le papa d’Ettore est parti, dit-elle. Il est parti pour un long voyage et il ne reviendra plus. Parti ? Pourquoi ? Et où ça ? C’est à ce moment-là que j’ai commencé à penser que la mort n’était qu’une absence non justifiée
Je ne l’ai jamais vu poser son cul quelque part. Je ne l’ai jamais vu s’arrêter quelque part sans rien faire. Il n’a pas de temps à perdre Lario. La vie passe vite, il le sait. Et quand elle ne passe pas devant chez soi, il faut aller la chercher
Il travaille dans toute l’Italie et aujourd’hui il est à Ravenne. Alors il a envie de revoir le village. Forcément, on commence par des souvenirs. Ils servent à se reconnaitre. A tenter de démêler une pelote défaite